Les élections américaines de mi-mandat ont à nouveau suscité leur lot de publicités négatives dans les deux camps : trop de taxes, trop de dépenses gouvernementales, trop d’inflation. Les résultats du scrutin ont donné un Sénat avec étroit avantage aux Démocrates et une Chambre des représentants de justesse aux mains des Républicains. Les commentateurs ont conclu que l’Amérique demeure divisée.

Par Raymond CLÉMENT

Cette évidence politique ne doit cependant pas faire oublier la réalité économique : c’est l’inégalité de la distribution des revenus qui est la principale source de ces divisions.

Les chiffres sur la richesse parlent : d’eux-mêmes il y a au-delà de 2 100 milliardaires dans le monde, dont 621 aux États-Unis. Entre mars 2020 et novembre 2021, la richesse des 10 plus importants milliardaires est passée de 691,7 milliards $ à 1 512,3 milliards $, soit une augmentation de 820,6 milliards $. Les neuf plus riches individus de la planète sont américains.

Au chapitre des salaires, l’état des lieux : est tout aussi parlant en 1965, un PDG d’entreprise gagnait environ 30 fois plus que l’ouvrier moyen. En 2021, c’est 399 plus. Cet écart ne s’est pas produit uniquement parce que la demande pour des PDG talentueux est élevée, mais plutôt à cause du pouvoir de ces PDG d’exiger un plus haut salaire. Souvent jusqu’à 80 % de leur salaire dépend de la valeur des actions de leur entreprise. Donc le but des PDG est d’augmenter la valeur de l’action et non la valeur de l’entreprise par l’investissement (recherche, nouvelles technologies, main-d’oeuvre qualifiée).

tiDe son côté, le monde politique n’est pas à la hauteur des enjeux : les statistiques démontrent que la proportion des dépenses gouvernementales dans l’économie américaine a chuté d’environ 24 % en 1970 à 17 % en 2021. Il s’ensuit que la proportion des dépenses en éducation, en santé et dans d’autres services sociaux a aussi diminué.

D’un autre côté, la proportion des impôts sur les revenus des particuliers est passée de 47 % en 1970 à 51 % en 2021. La proportion de la taxe salariale est passée de 23 % en 1970 à 32 % en 2021. La proportion des impôts en provenance des sociétés est passée de 17 % en 1970 à 9 % en 2021. La proportion des droits d’accise et des taxes sur les énergies fossiles a diminué de 8 % en 1970 à 2 % en 2021.

Pour chercher à équilibrer leur budget, les gouvernements ont réduit les dépenses et baissé impôts et taxes afin de rassurer les marchés boursiers.

La solution à ces déséquilibres serait de renverser ces tendances en haussant les impôts des hauts salariés et ceux des sociétés. Ce qui n’est pas près de se produire : pendant la campagne électorale, les deux partis politiques ont reçu de leurs donateurs milliardaires un montant record de 17 milliards $. Pourquoi? Évidemment pour protéger le statu quo des entreprises et de leurs PDG.

Oui, les divisions s’aggravent aux États-Unis. Y contribue l’énorme écart de richesse entre les supers riches et ceux en bas de l’échelle salariale. À mon avis, voilà ce qui menace sérieusement la démocratie américaine.