Ça fait 50 ans. 50 ans depuis que les Louis Boys ont foulé les planches de la scène du vieux centre culturel en décembre 1972. Après tant de longévité, Edwin Prince, l’un des membres fondateurs revient sur cette aventure musicale, ô combien importante pour le paysage culturel franco-manitobain.

Par Hugo BEAUCAMP

L’histoire des Louis Boys, c’est avant tout une histoire de copains. Une bande de copains fous de musique, portée par la volonté de la faire entendre, mais pas seulement. En 1972, Edwin Prince et ses camarades Gérald Bohémier, Roger Fontaine, Hubert Fouasse, Paul Bélanger, Alan McDonald, Richard Prince, Paul Heppenstall, Léo Dufault, décident de se faire les porte-étendards de la culture franco-manitobaine.

Edwin Prince raconte les balbutiements du groupe cinquantenaire : « Vers la fin des années 1960 on a créé l’association le 100 NONS. À cette époque-là, les jeunes chantaient et dansaient sur un répertoire de chansons françaises ou québécoises. C’est pour ça qu’en 72, j’ai voulu mettre sur pied un spectacle basé sur Louis Riel qui reflétait l’identité des Franco-Manitobains. »

Cette décision, elle fait suite à un constat simple, « on n’était pas français d’origine, on n’était pas québécois ni même acadiens mais eux avaient tous leurs chanteurs et une culture propre. Il était temps que l’on mette en valeur notre patrimoine, notre réalité. » C’est donc, au milieu d’une mer anglophone que les Louis Boys voient le jour, le fruit d’une crise identitaire ou en tout cas, de la volonté de l’affirmer. Et le succès est au rendez-vous, avant même leur premier concert. Edwin Prince, dans un sourire tiré à la fois par la fierté et la nostalgie se souvient : « Avec les gars, nous nous sommes habillés comme des voyageurs et nous sommes allé nous faire photographier près de la Seine avec des carabines pour faire des affiches sur lesquelles nous ajoutions le portrait de Louis Riel.

Photo des Louis Boys, prise en 1972 quelques instants avant leur première représentation. On peut voir de gauche à droite : Gérald Bohémier, Edwin Prince, Roger Fontaine, Hubert Fouasse, Paul Bélanger, Alan McDonald, Richard Prince, Paul Heppenstall. En avant centre : Léo Dufault. (photo : Gracieuseté Edwin Prince)

| Un coup de comm’ culotté

« Trois semaines avant de monter sur scène, un dimanche matin à 2 h, nous sommes allés placarder les posters un peu partout dans Saint-Boniface, sans rien dire à personne.

« Tout ce que l’on pouvait y lire c’était : Spectacle dédié à Louis Riel au 100 NONS, le 15, 16, 17 décembre à 20 h 30, LES LOUIS BOYS. Les gens ont été intrigués, les médias ont commencé à nous contacter avant même que nous ayons fait quoi que ce soit (rires). Le vendredi, entre 50 et 60 personnes sont venues nous voir, le jour d’après, nous avions dû refuser du monde, c’était plein! On a eu sept ou huit rappels ! » Amusé, le musicien ajoute : « Je me souviens d’un annonceur de Radio-Canada debout sur une table à la fin du concert. »

Mais comme c’est souvent le cas, les phrases qui touchent le plus viennent de ceux qui nous sont proches, Edwin Prince conclut : « Une tante est venue me voir à la fin du spectacle pour me féliciter et elle m’a dit : Edwin, je n’ai jamais été aussi fière d’être franco-manitobaine. C’est le plus beau compliment qu’on pouvait me faire. »

Car c’était là tout le but de la démarche, d’ailleurs si le fondateur parle de spectacle, c’est parce que cela aussi il l’avait choisi. « C’était plus qu’un concert, c’était un spectacle. De la poésie, des chansons traditionnelles, entrecoupées de sketchs humoristiques. On voulait que les gens passent par toutes sortes d’émotions. » 50 ans plus tard, force est de constater que le pari est réussi.

50 ans ce n’est pas rien, donc forcément, ça se fête. Les Louis Boys donneront donc un concert, le 30 décembre à la salle Jean-Paul-Aubry du Centre culturel franco-manitobain (CCFM). Une soirée dont les bénéfices seront reversés à l’association Pluri-elles et le 100 NONS. Cependant les Louis Boys ne seront pas les seuls à monter sur scène. « On essaie de mettre en avant les jeunes artistes » lance Edwin Prince. Ainsi, se produiront le soir-même, Les Dorge, 2 Louise, On s’accorde et d’autres encore. Finalement, une fois de plus, les Louis Boys de Monsieur Riel ont prévu d’autres artifices, ce spectacle sera un spectacle sous le signe de l’amusement certes, mais aussi de la nostalgie. Sans trop en dire, l’auteur compositeur annonce : « On va voyager dans le temps, puis on va aussi reprendre des chansons qu’on n’a pas faites depuis longtemps. »

| 50 ans et aucun regret

Car rappelons-le, le dernier album des Louis Boys est sorti en 2002. La même année d’ailleurs, le groupe était récompensé avec un Prix Riel par la Société de la franco-phonie manitobaine pour sa contribution à la culture. « Notre dernier disque a déjà 20 ans (rires) mais on a retravaillé certaines chansons. On monte sur scène chaque décennie, mais en termes d’énergie c’est toujours la même chose », souligne-il. Mais cette énergie, ce n’est pas la seule chose qui explique une telle longévité.

En effet, pour Edwin Prince, il y en a plusieurs : « Notre genre fait danser les gens, on s’amuse sur scène alors la foule s’amuse aussi, c’est un échange. De plus, on touche toutes les générations. Le message que l’on voulait porter il y a 50 ans est toujours le même aujourd’hui et les gens reviennent pour ça. La musique ça rassemble. »

Mais qu’en est-il au sein des Louis Boys? Les groupes qui se séparent, les tensions entre membres sont monnaie courante dans le milieu de la musique, pourtant, en dépit de la pléthore de musiciens qui ont rejoint et quitté le groupe, l’ambiance sur et hors scène est toujours la même. « Les Louis Boys c’est avant tout un groupe d’amis. Nous n’avons jamais eu de membre qui n’était pas le copain ou le membre de la famille d’un autre, » explique celui qui a passé cinq décennies à monter sur les planches. D’ailleurs, de ces décennies, ce qu’il en retient c’est « la camaraderie d’abord » mais pas seulement.

« L’amour de la chanson, les spectacles qui apportent beaucoup. Puis j’avais cette vision il y a 50 ans qui était quelque part une mission, de promouvoir notre culture et nos traditions. » Il prend alors quelques secondes pour regarder les visages en noir et blanc de ses « gars » sur les photos disposées par petit tas sur la table et ajoute : « Je suis fier de ce qu’on a accompli, de ces gens qui m’ont accompagné pendant 50 ans. Ce sont de bons amis. Je n’ai aucun regret. »