Avec deux ans de retard, The Leaf a finalement ouvert ses portes au grand public début décembre. Ce projet d’environ 130 million $ fait fleurir, en plein centre du Canada, des espèces de plantes du monde entier.

Par Hugo BEAUCAMP

Quelle étrange et agréable sensation que de se balader au milieu des palmiers, des cacaotiers, de flâner sans manteau entre les magnolias et les cyprès lorsqu’il fait -20˙C à l’extérieur. C’est ce que propose le parc Assiniboine depuis le début du mois de décembre.

L’attraction se compose de quatre biomes différents, chacun ayant leurs spécificités : un biome tropical, un biome méditerranéen, celui des expositions et enfin, celui des papillons.

C’est là l’objectif de ces jardins : recréer au sein d’un même bâtiment, des conditions climatiques favorables au développement d’arbres et de plantes endémiques de régions bien plus chaudes et humides que le Manitoba.

Rhonda Halliday, superviseuse en horticulture du parc Assiniboine, est en charge de veiller au bien-être de ces plantes qui sont bien loin de chez elles. Elle en connaît donc les besoins mais aussi leurs particularités. Cette dernière donne un éclairage sur les moyens mis en place pour assurer le développement de la flore de The Leaf. « Le biome tropical est le plus grand, le plus chaud. Mais aussi le plus humide, dit-elle. Il se compose de 3 500 plantes et 250 espèces différentes. Dans ce biome, c’est la cascade artificielle qui joue le rôle le plus important. Elle crée l’humidité nécessaire à la survie des plantes. »

| Créer un environnement propice

Le taux d’humidité peut être régulé en augmentant ou en diminuant la quantité d’eau que déverse la cascade mais pas seulement : « Le mouvement de l’eau permet aussi la circulation de l’air dans le biome. C’est essentiel pour les plantes, cela permet de contrôler la température et de prévenir la pousse de champignons », explique l’horticultrice. Dans les biomes plus petits et « plus secs », comme le méditerranéen qui est le suivant dans le sens de la visite, le système de ventilation mis en place a lui aussi été pensé afin de garder l’air de la pièce en perpétuel mouvement.

Le petit jardin dans le biome des papillons a été pensé de manière à ce que ses résidents s’y sentent le mieux possible. « Toutes les fleurs exposées ont été choisies avec soin, souligne Rhonda Halliday. Ce sont des fleurs vers lesquelles les papillons se dirigeraient naturellement dans la nature. » Dans cette cage de verre qui surplombe le jardin tropical, il est possible d’assister à la naissance de ces papillons. Les cocons sont entreposés dans une chambre d’émergence. Lorsque les papillons ont fini de faire sécher leurs ailes, un spécialiste du zoo vient alors les libérer dans le biome.

Finalement, même s’il a fallu recréer artificiellement certains processus que Mère nature produit, pour d’autres le choix a été fait de la laisser faire. Car si tout le bâtiment se compose majoritairement de grandes baies vitrées, ce n’est pas un hasard comme l’explique Rhonda Halliday. « Les plantes sont exclusivement exposées à la lumière naturelle. » Pour une raison assez simple : « C’est le niveau de lumière qui provoque les changements saisonniers des végétaux, explique-t-elle, ils vont donc pouvoir suivre un cycle naturel. » La superviseuse en horticulture précise tout de même que contrairement aux plantes qui évoluent en extérieur, celles du jardin ne traverseront pas une phase de sommeil totale pendant l’hiver.

| Permis d’importation des plantes au Canada

Il faut aussi se pencher sur les procédures d’importation de ces plantes. Au Canada, c’est l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) qui se charge de délivrer les permis d’importation en vertu des lois sur la protection des végétaux ainsi que les règles qui touchent aux contrôles phytosanitaires. Rhonda Halliday le confirme, le parc Assiniboine n’a pas dérogé à la règle.

« Beaucoup d’autorisations sanitaires ont été requises pour faire venir ces plantes. » Ces dernières, pour la plupart, arrivent d’ailleurs de la Floride ou de la Californie. Ce sont donc des organismes intermédiaires qui se sont chargés de tout l’aspect administratif. The Leaf et ses équipes ont, malgré tout, dû respecter quelques obligations. « Quand les plan-tes sont arrivées nous les avons gardées en quarantaine pendant 30 jours, le temps de s’assurer qu’elles n’étaient pas malades ou infestées. »

Mais personne n’est à l’abri d’une surprise. « Nous n’avions pas dans l’idée d’introduire des espèces d’insectes, précise l’horticultrice, mais nous avons découvert une mante religieuse sur l’un des spécimens. » Pas vraiment une mauvaise surprise donc, puisque les mantes religieuses sont bénéfiques à la flore. En effet ces dernières se nourrissent d’insectes potentiellement dangereux pour les plantes.

| Lier l’utile à l’agréable

Enfin si The Leaf n’est pas un jardin botanique dans le sens où il n’a pas vocation à aider à la recherche, Sara Wolowich Brown, coordonnatrice en communication au parc Assiniboine souligne tout de même que « le jardin est aussi un endroit sûr pour certains spécimens en danger. Nous nous assurons de leur sécurité et de leur bien-être. » C’est le cas notamment du Wollemia, un conifère encore considéré comme éteint au début des années 1990. Aujourd’hui ces arbres, redécouverts par hasard en Australie, sont toujours considérés comme étant en danger critique par l’Union Internationale pour la conservation de la nature (IUCN). Quatre d’entre eux ont donc immigrés ici à Winnipeg.

Rhonda Halliday, l’horticultrice, se dit « chanceuse » d’avoir ces plantes rares au sein de The Leaf et ajoute : « Nous allons aussi pouvoir les polliniser manuellement. » De quoi tenter d’assurer la pérennité de l’espèce.

Une volonté de conservation, mais aussi d’éducation. « Nous avons fait construire des salles de classes, explique Sara Wolowich Brown, l’objectif est d’éduquer le public, mais surtout les enfants sur le fonctionnement et l’importance des plantes présentes ici. Les enfants examinent, par exemple, les fruits ou les fèves et en profitent pour apprendre tout un tas de choses. »

À noter que lorsque les fruits ne servent pas dans les salles de classe, ces derniers sont récupérés pour nourrir les animaux du zoo, ou encore sont envoyés au restaurant. Les graines, quant à elles, sont récoltées et stockées dans les serres. Ainsi s’il arrivait quoi que ce soit aux plantes exposées, elles pourront être remplacées.