Onze députés progressistes-conservateurs ne se représenteront pas aux prochaines élections générales prévues à l’automne 2023 (1). Des annonces qui viennent affaiblir le Parti progressiste-conservateur (PPC). Analyse avec le professeur en sciences politiques, Félix Mathieu.

Par Ophélie DOIREAU

Initiative de journalisme local – Réseau.Presse – La Liberté

Alors que la première ministre du Manitoba, Heather Stefanson, entame 2023 avec les élections bien en tête, plusieurs membres de son parti ont décidé d’annoncer qu’ils ne se représenteraient pas dans leur circonscription respective. Pour Félix Mathieu, professeur adjoint en sciences politiques à l’Université de Winnipeg, il y a deux dimensions à prendre en compte dans ces annonces. « Prenons une perspective humaine, très personnelle. C’est normal à l’aube des élections générales qu’une partie des différentes équipes des partis politiques annonce ne pas se représenter. Chacun a toutes sortes de raisons : la famille, l’âge…

« Plusieurs de ces 11 députés progressistes-conservateurs sont en poste depuis un certain nombre d’années. Ils ont atteint un âge vénérable, alors il est normal qu’ils se disent qu’ils ont fait leur part en termes de contribution au service public. Une élection générale, c’est une fenêtre pour des députés pour quitter la vie politique.

« Maintenant, si on prend la dimension de l’analyse politique, on n’observe pas le même mouvement dans le Nouveau Parti démocratique (NPD). Pour le PPC, certains membres sont ministres, et donc influents au sein du parti. Leur annonce peut sembler arriver un peu tôt par rapport aux élections.

| Pas une bonne nouvelle pour le PCC

« Ce n’est vraiment pas une bonne nouvelle pour le PPC. Cependant, c’est sûrement mieux que ces annonces interviennent maintenant plutôt qu’à la fin de l’été. La Première ministre a le temps de tenter d’orienter la narrative autour de ces départs pour essayer d’en faire quelque chose de positif. »

En effet, dans un message partagé sur les réseaux sociaux, la Première ministre, Heather Stefanson a remercié ses collègues. Elle a aussi ajouté : « Chaque organisation a besoin de se revigorer avec de nouvelles personnes et de nouvelles idées. Je suis fière d’accueillir un certain nombre de nouveaux Manitobains dynamiques au sein de notre équipe PC. »

Félix Mathieu reprend : « Il ne faut pas se leurrer. Ces annonces demeurent un évènement difficile pour la Première ministre et le parti. Elles témoignent qu’une partie de son entourage ne pense pas que le parti va pouvoir se maintenir au pouvoir. Ces députés ne veulent pas retourner sur les banquettes de l’Opposition ou, pour d’autres, y arriver pour la première fois. »

Sur ces 11 députés, dix étaient élus dans des circonscriptions au rural, des circonscriptions généralement acquises au PPC. Pour Félix Mathieu, le PPC devrait travailler à les conserver. « Ces sièges sont typiquement acquis aux Progressistes-Conservateurs. Si le parti joue bien ses cartes, il devrait parvenir à trouver des candidat.e.s dont les noms résonnent auprès des électeurs au rural, et donc il devrait être capable de se maintenir.

| Chercher des candidats

« En ajoutant cette dimension à l’analyse politique, on voit bien que pour les députés qui ne se représentent pas dans cette circonscription, la question n’était pas de savoir si eux allaient être réélus, mais si le parti allait avoir un gouvernement majoritaire.

« Sachant ceci, il sera peut-être difficile d’aller chercher des candidat.e.s pour se lancer en politique, parce que tout pointe dans la direction que le PPC sera assis sur le banc de l’Opposition pendant au moins un mandat. »

En décembre 2022, Probe Research a publié un sondage pour indiquer la tendance actuelle si les Manitobains étaient appelés à voter. Sur les 1 000 personnes interrogées, 46 % d’entre eux voteraient pour le NPD et seulement 35 % pour le PPC.

| Des élections en avance?

Des tendances qui indiquent qu’il y a peu de chances que la Première ministre, Heather Stefanson, déclenche les élections en avance. « Les sondages ne sont pas favorables à Heather Stefanson, ni au PPC. Dans les circonscriptions urbaines, le parti est à la traîne. Tout comme dans les intentions de vote féminines. Heather Stefanson va tenter de rester au pouvoir le plus longtemps qu’elle le peut.

« Le NPD aurait avantage à ne pas faire trop de vagues. S’il part à faire davantage de sorties médiatiques, il y a des chances que le passé de Wab Kinew revienne le hanter. Je crois que le NPD a intérêt à faire ses affaires comme d’habitude. »

(1) Reg Helwer (Brandon West), Eileen Clarke (Agassiz), Cliff Cullen (Spruce Woods), Myrna Diedger (Roblin), Ralph Eichler (Lakeside), Alan Lagimodière (Selkirk), Blaine Pedersen (Midland), Dennis Smook (La Verendrye), Ian Wishart (Portage La Prairie), Cathy Cox (Kildonan-River East) et Scott Fielding (Kirkfield Park), qui avait démissionné en juin 2022. Des élections partielles avaient été organisées et Kevin Klein avait remporté cette circonscription en décembre 2022.