Statistique Canada a mené, en 2021, une étude sur le tabac et sur la nicotine. 29 % des jeunes âgés de 15 à 19 ans déclarent avoir essayé le vapotage dans leur vie, ce chiffre monte à 48 % pour les jeunes âgés de 20 à 24 ans. Des chiffres significatifs pour le Dr Nicholas Chadi, pédiatre et clinicien chercheur au CHU Sainte-Justine à Montréal. « Ce sont des chiffres élevés qui ne sont pas en train de diminuer. Même si dans les dernières années, il y a eu une prise de conscience des risques du vapotage. »

D’ailleurs, la Division scolaire Louis-Riel fait le même constat, comme le souligne Jeff Anderson, directeur général adjoint. « Bien que les taux de tabagisme chez les jeunes aient diminué de façon constante au cours des dernières décennies, il y a eu une augmentation constante du vapotage chez les adolescents manitobains depuis l’introduction des cigarettes électroniques en 2004. « Toutes les écoles de la division scolaire Louis Riel sont des zones sans vapotage. »

Hausse de l’utilisation

Même constat du côté d’Alain Laberge, directeur général de la Division scolaire franco-manitobaine. « Il y a une croissance de l’utilisation des vapoteuses. Mais elle n’est pas élevée. La DSFM est un espace non-fumeur. Mais les élèves peuvent aller vapoter à l’extérieur, à une certaine distance du bâtiment puisqu’on ne veut pas que les élèves non-fumeurs soient impactés.

« Dans une étude récente, il a été montré que les adolescents de 15 à 20 ans utilisaient la vapoteuse pour leur stress et l’anxiété. Lorsqu’on fait des ateliers de sensibilisation auprès des parents, du personnel et des élèves, on discute de cette réalité et on essaye d’orienter les personnes vers d’autres outils pour réduire leur stress. »

Néanmoins, le but premier de la vapoteuse semble alors avoir été détourné. En effet, conçue pour permettre aux fumeurs de diminuer voire d’arrêter leur consommation de nicotine, il semble évident que les jeunes ne l’utilisent pas dans ce but. Dr Nicholas Chadi précise. « Les vapoteuses avaient été créées pour aider les adultes de 30, 40 ans ou plus à diminuer ou cesser leur consommation de tabac. Finalement, ce sont les jeunes de 12 à 25 ans qui utilisent la vapoteuse. Et chez les adolescents, c’est rarement pour de la cessation de tabagisme. De plus, le plus grand taux d’utilisation de vapoteuse se concentre chez les adolescents de 14 à 16 ans.

« En vapotant, la personne va aspirer un aérosol, un mélange de vapeur d’eau et de particules fines. Dans cet aérosol, il y a des traces de produits chimiques qui, s’ils se logent dans les poumons, peuvent causer des dommages comme de la toux, des symptômes respiratoires, amplifier l’asthme. »

Dr Nicholas Chadi

Dépendance

« La vapoteuse a pris une toute autre ampleur. Quand on compare la situation et qu’on regarde il y a 30 ans, il y avait autant d’adolescents qui fumaient la cigarette, que d’adolescents qui, aujourd’hui, vapotent. La cigarette a progressivement diminué en popularité si bien qu’aujourd’hui, il y a très peu d’adolescents qui fument la cigarette classique par rapport à la vapoteuse. Il y a quand même plusieurs jeunes qui vont essayer la cigarette. Au bout du compte, il y a la même substance, la nicotine, qui peut mener à une dépendance. »

Et pour le Dr Nicholas Chadi, le cœur du combat réside dans tous les risques que peuvent causer la vapoteuse. « Le risque de dépendance n’est pas à négliger. Parce qu’il est lié avec le risque d’aller vers d’autres substances comme le cannabis ou l’alcool. Parfois, les substances vont être combinées.

« Développer des dépendances à l’adolescence augmente le risque d’avoir des problèmes de santé mentale plus tard. En effet, consommer des substances comme la nicotine amène beaucoup de plaisir dans le cerveau et réduit le plaisir pour les autres choses de la vie. Sauf qu’à l’adolescence c’est le moment où le cerveau va apprendre à réagir aux émotions, à comprendre l’environnement qui l’entoure. »

Plus un adolescent va consommer de la vapoteuse, plus il va y avoir de risques de développer une dépendance. Mais ce n’est pas le seul problème pour le Dr Nicholas Chadi. « En vapotant, la personne va aspirer un aérosol, un mélange de vapeur d’eau et de particules fines. Dans cet aérosol, il y a des traces de produits chimiques qui, s’ils se logent dans les poumons, peuvent causer des dommages comme de la toux, des symptômes respiratoires, amplifier l’asthme.

Nicholas Chadi
Nicholas Chadi est pédiatre et clinicien chercheur au CHU Sainte-Justine à Montréal. (photo : Gracieuseté)

Risques pas encore clairs

« De plus, certains produits sont pires que d’autres parce que tous les produits ne sont pas contrôlés. Comme pour tout, il y a ceux qui sont vendus dans les boutiques spécialisées et il existe aussi des produits fabriqués maison. »

Pourtant, puisque la vapoteuse n’a fait son apparition que récemment, les risques à long terme ne sont pas encore très clairs, comme le souligne le Dr Nicholas Chadi. « Les risques à long terme sur les poumons ou sur le développement de potentiels cancers ne sont pas encore connus. C’est trop nouveau. Avec la vapoteuse, les chercheurs pensent qu’il y a des risques. Mais pour l’instant, ce n’est pas clair. Il reste quand même que vapoter signifie aspirer des produits chimiques. »

Néanmoins, certains cas médicalisés montrent toute la dangerosité dans la vapoteuse. En effet, certaines personnes ont dû aller aux urgences à cause de la vapoteuse. Dr Nicholas Chadi précise : « Il y a eu une vague de maladies pulmonaires aiguës liées au vapotage avant la pandémie de COVID-19. Au Canada, c’était une vingtaine de cas qui ont été hospitalisés à cause du vapotage. On pense que c’était l’acétate de vitamine E qui en a été responsable.

« Ce produit se retrouvait particulièrement dans les vapoteuses de cannabis. Ce ne sont pas toutes les personnes qui étaient malades. Mais c’est possible que d’autres produits mènent à des dommages sévères. Il faut être très prudent. »

Sensibilisation

Il reste que la sensibilisation doit se poursuivre dans les établissements secondaires, comme le souligne Nicholas Chadi. « Il y a beaucoup de travail qui se mène dans les écoles et je pense qu’avec ces discussions, les jeunes peuvent porter un autre regard sur la vapoteuse. »

La DSLR étudie d’ailleurs les dangers de la nicotine, comme le souligne Jeff Anderson. « Les dangers du tabagisme sont à l’étude en 3e, 5e, 7e, 9e, et 10e année, et le programme de sciences de la 8e et 11e année inclut une partie sur le maintien d’un corps humain en bonne santé. »

Même son de cloche à la DSFM. « C’est avec l’aide de sensibilisation et d’éducation que les mentalités peuvent évoluer. La preuve : avant, les écoles étaient fumeuses. Mais avec des études et de la sensibilisation, les règlements ont changé.

« Ce qui nous importe c’est d’avoir des discussions avec les élèves pour favoriser une approche constructive.