Inès Lombardo – Francopresse
L’esprit de famille, « l’enthousiasme » et « l’énergie » ont été le crédo des ministres lors des trois jours du congrès libéral. Empêtré dans plusieurs scandales, dont l’ingérence chinoise qui occupe le devant de la scène politique depuis février, le parti de Justin Trudeau avait besoin d’air frais.
C’est pourquoi, dès la toute première discussion entre les ministres François-Philippe Champagne, Chrystia Freeland, Mary Ng et Jonathan Wilkinson, le champ lexical de l’enthousiasme a été surdéveloppé. Les discussions, tables rondes et autres discours qui ont suivi les deux autres jours de rencontre se voulaient tout aussi vitaminés.
Peu de place pour le français
Entre tous ces discours motivants pour leurs troupes venues des quatre coins du Canada, les ministres et autres intervenants en ont pour la plupart oublié leur français, notamment pendant la discussion entre l’ex-premier ministre Jean Chrétien et le ministre de l’Innovation, François-Philippe Champagne ; un des moments clés du congrès.
Une « surprise » pour Geneviève Tellier, professeure à l’École des études politiques de l’Université d’Ottawa : « Je pensais qu’on avait annoncé qu’ils allaient parler français. C’est un fait qu’il y avait une majorité de délégués anglophones, mais il y avait quand même des services d’interprétation. »
L’absence de français s’est fait sentir dès l’ouverture du congrès, avec une écrasante majorité des discussions et tables rondes qui se sont tenues en anglais.
Les deux langues officielles se sont uniquement côtoyées à égalité dans le discours du premier ministre. Justin Trudeau les a d’ailleurs évoquées à un seul moment. En anglais, le premier ministre a crié : « Nous voulons protéger et promouvoir les deux langues officielles – [Pierre Poilievre] dit non, il veut fermer CBC/Radio-Canada! ».
Avant d’enchainer en français : « Radio-Canada joue un rôle essentiel dans la défense et la promotion de la langue française à travers le Canada. »
Par ailleurs, la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly a aussi parlé français, mais principalement pour s’adresser aux Québécois, pas aux francophones du pays.
Des appels du pied aux électeurs d’autres partis
Fustigeant par la même occasion le Bloc québécois, la ministre des Affaires étrangères a souligné au passage que « les seuls qui ont livré pour le Québec, c’est nous ».
Néanmoins, les discours de Justin Trudeau et de la vice-première ministre, Chrystia Freeland, ont ouvert la porte aux électeurs des autres partis, conservateurs inclus.
Chrystia Freeland a même sonné le « moment d’avoir une conversation avec nos amis conservateurs », quand son chef expliquait que les Canadiens, libéraux, conservateurs, les ruraux, citadins devaient « être là les uns pour les autres ».
Parti « de gauche »
Autre élément qui a fait parler, samedi matin : le rejet de la résolution 435 de l’aile québécoise du parti, qui visait le retour à l’équilibre budgétaire.
« C’est clairement rendu un parti de gauche, analyse Geneviève Tellier. C’est étonnant, considérant le discours de M. Chrétien qui expliquait qu’il était fier d’avoir été le seul gouvernement qui avait présenté un surplus budgétaire. »
Selon la professeure, le Parti libéral se veut pourtant un parti « de centre, qui n’est ni à gauche ni à droite ». Mais le discours et les actions de Justin Trudeau et ce vote illustrent « clairement des initiatives d’un gouvernement interventionniste, à gauche ».
Le rejet de cette résolution venant du Québec confirme donc que la priorité n’est pas l’équilibre budgétaire, mais la volonté d’offrir des « programmes généraux » aux Canadiens, renchérit la politologue. Un cout qui pourrait retomber sur les épaules des générations futures, rappelle-t-elle.
L’absence de débat autour de cette résolution fait aussi penser à Geneviève Tellier que le Parti libéral n’écoute pas assez sa base. « C’est comme si on ne voulait pas en parler. Les résolutions étaient convenues, on les a votées très rapidement. C’est aussi étrange que ça se soit fait un samedi matin tôt », observe-t-elle.
« Je ne sais pas ce que les libéraux ont voulu faire »
Si en début de semaine, la professeure pensait que le congrès allait servir à « fouetter les troupes » en ces temps difficiles, elle en ressort plus confuse.
« J’ai l’impression que c’est une occasion manquée. Qu’est-ce que congrès-là voulait accomplir? On a très peu vu Justin Trudeau, on n’a pas eu de discussions politiques et pas eu de conférenciers si inspirants que ça. Il n’y a pas eu de grands thèmes qui ont émergé. On s’en va où, au Parti libéral? »
La veille, Justin Trudeau avait achevé son discours en se projetant, lui et son parti, dans le futur : « Mes amis, lorsque les élections viendront, quand les Canadiens devront faire un choix important, ce sera l’honneur de ma vie de nous mener à travers et de continuer de construire un meilleur futur! »