Attendu par les communautés francophones en situation minoritaire depuis six ans, C-13 n’est plus très loin d’aboutir. Le projet a d’ailleurs reçu la sanction royale, le 20 juin 2023.
La présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, Liane Roy, a réagi quelques minutes après cette annonce. Elle évoque notamment « un grand pas en avant vers l’égalité réelle du français avec l’anglais ».
Liane Roy admet également « une fierté indescriptible pour un réseau francophone, qui s’est tenu debout et qui a porté ce dossier avec détermination et persistance ».
Ministre des Langues officielles depuis 2021, Ginette Petitpas Taylor avait pour priorité le passage de cette loi. Dans un entretien à notre journal, elle espérait justement « voir le passage de ce projet avant la fin de la période parlementaire du mois de juin ». Elle confie que ça a été « le plus grand chantier » qu’on lui ait confié.
« Le chemin parcouru a été long et parfois ardu, et les communautés de langue officielle en situation minoritaire l’attendaient avec impatience. On peut finalement célébrer cette avancée majeure pour nos droits linguistiques », a-t- elle notamment ajouté sur son compte Twitter.
« Nous approchons de la ligne d’arrivée vers une Loi sur les langues officielles modernisée » a, de son côté, lancé le Commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge.
Des avancées importantes
Le Sénat du Canada, au moment de l’adoption, rappelait notamment plusieurs modifications notables avec l’arrivée de ce projet de loi. Il sera notamment exigé « que le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration adopte une poli- tique en matière d’immigration francophone, entre autres choses ».
La question de l’immigration interpelle Angela Cassie, la présidente du conseil d’administration de la Société de la francophonie manitobaine (SFM). « En particulier au Manitoba, les priorités articulées autour de notre plan stratégique communautaire, c’est la politique en matière d’immigration franco- phone. Et le tout avec comme objectif de rétablir le poids démographique. C’est très lié à nos priorités provinciales. »
Le projet de loi apporte également des modifications connexes au Code canadien du travail, et prévoit des droits et des obligations concernant l’usage du français comme langue de service et de travail dans les entreprises de compétence fédérale au Québec, entre autres, apprend-t-on par la voix du Sénat.
À ce sujet, on remarque d’ailleurs dans les débats du 15 juin que cette nouvelle loi introduira un nouveau concept en matière de droits linguistiques : la forte présence francophone. D’une part, la partie IV de la Loi sur les langues officielles prévoit des obligations en cas de « demande importante » et, d’autre part, la nouvelle loi prévoit des obligations pour les « régions à forte présence francophone ».
Plus de pouvoir pour le Commissaire
Plusieurs recommandations du Comité sénatorial des langues officielles touchent aussi aux organisations de l’industrie du voyage, telles que les autorités aéroportuaires. Finalement, le Comité invite le gouvernement fédéral à « mettre sur pied un régime de droits linguistiques cohérent et clair pour le public voyageur ».
Le projet de loi verra aussi les pouvoirs du Commissaire aux langues officielles se renforcer pour être un garant de la bonne application de cette loi.
« On l’a dit dès le début : on veut une loi avec plus de mordant. Et ça passe par de plus grandes conséquences en cas de non-respect de la loi. Mais on espère que les organisations prendront des mesures proactives. Dans tous les cas, ça nous permettra, comme communauté, d’avoir plus d’outils quand ces obligations ne sont pas rencontrées », estime Angela Cassie.
« Il faut féliciter la jeunesse qui a été hyper impliquée dans ce processus depuis des années. La loi va aussi mieux refléter leur réalité. Dans cinq ans, on regardera en arrière et l’on parlera de cette date comme d’un moment important pour la francophonie canadienne. »
Derrek Bentley
De la place pour la jeunesse
Comme la FCFA, la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF) s’est aussi dite très enthousiaste à l’annonce de l’adoption par le Sénat. L’organisme parle même de « journée mémorable pour les communautés francophones en situation minoritaire! »
Pour les jeunes d’expression française en contexte minoritaire, cette nouvelle loi viendra par exemple renforcer les apprentissages de qualité en français, du primaire jusqu’à leurs études postsecondaires, explique la FJCF.
Même constat pour Derrek Bentley, directeur général du Conseil jeunesse provincial (CJP). Selon lui, cette révision de la loi est majeure et aura un impact à long terme. « La francophonie canadienne a tellement changé depuis 30 ans. Et cette nouvelle loi en est le reflet. »
Le Manitobain, aussi président du CA de Canadian Parents for French, apprécie que le français soit reconnu dans l’éducation. « Je pense à la reconnaissance des programmes français langue seconde partout au pays et des programmes d’immersion. Puis, il y a tous ces jeunes qui apprennent la langue française. Ils appuient la francophonie et en font partie intégrante.
« Il faut féliciter la jeunesse qui a été hyper impliquée dans ce processus depuis des années. La loi va aussi mieux refléter leur réalité. Dans cinq ans, on regardera en arrière et l’on parlera de cette date comme d’un moment important pour la francophonie canadienne. »
Avant ces cinq ans, il faudra d’abord penser à l’application de cette loi et du cadre qui va avec. Là aussi, Angela Cassie compte être très attentive à ce processus.
« Oui, l’adoption doit être suivie d’une prise de règlements. La FCFA fera sa part, en étroite collaboration avec nous notamment. C’est un progrès important. Là, il est temps d’assurer que ce soit suivi et qu’on outille la communauté et les institutions pour que ces services soient disponibles à l’échelle nationale, et aussi au Manitoba. »