Par Marion Thibaut et Mathiew Leiser
Comment expliquer l’ampleur des fumées et quelles en sont les conséquences? – Pourquoi autant de fumées ? –
De par le nombre de brasiers, de par l’ampleur des surfaces touchées, la saison des feux au Canada est sans précédent, rappellent les autorités. Et cela touche le pays d’est en ouest, ce qui est également exceptionnel.
La barre des 8 millions d’hectares brûlés a été dépassée mercredi, déjà davantage que le record annuel absolu, qui datait de 1989 à quelque 7,3 millions. Et il reste juillet et août, les deux mois les plus critiques.
“Nous avons un feu dans le nord du Québec qui fait 700.000 hectares actuellement par exemple, c’est tellement gros qu’on ne parvient même plus à réaliser”, constate Yan Boulanger, chercheur pour le ministère canadien des Ressources naturelles et spécialiste des feux de forêt.
La particularité des feux dans les forêts boréales du Canada tient également à la quantité de combustibles brûlés en raison de l’épaisseur de l’humus.
Il s’agit souvent de feux couvants qui produisent beaucoup de fumée, en raison de la combustion incomplète, et donnent lieu à des émissions plus importantes de monoxyde de carbone, explique Jack Chen du ministère de l’Environnement canadien.
Quand elle brûle, la forêt boréale relâche 10 à 20 fois plus de carbone par unité de zone brûlée que d’autres écosystèmes.
En six mois, les émissions de carbone provoquées par les feux de forêts ont déjà dépassé le record annuel national, selon des données publiées mardi par l’observatoire européen Copernicus.
Quelles sont les conséquences des fumées sur l’environnement ?
La composition chimique des particules de fumée de feu de forêt est différente de celle des particules ambiantes ou des particules provenant d’autres sources de pollution, telles que les émissions des voitures ou la pollution industrielle.
Les particules de fumée de feu de forêt contiennent une plus grande proportion de polluants à base de carbone sous diverses formes chimiques qui viennent se déposer parfois à des centaines de kilomètres des feux.
Et ces fumées ont également “des effets aigus ou chroniques sur la santé de la faune”, explique Matthew Mitchell, de l’Université de Colombie-Britannique.
Les particules “peuvent affecter les échanges gazeux dans le sang, réduire la capacité pulmonaire des animaux ou encore déclencher des changements dans les réponses immunitaires”, précise-t-il.
Affaiblis, certains animaux auront tendance “à réduire leurs activités, ne pas chercher à se nourrir ou à se reproduire”, selon lui.
Chenilles, oiseaux ou encore poulets ont vu leur taux de mortalité augmenter par exemple.
“Et même les animaux marins comme les baleines et les dauphins sont affectés lorsqu’ils émergent pour respirer”, ajoute Matthew Mitchell.
Les incendies du début du printemps pourraient avoir un impact sur les animaux en gestation ou sur leurs nouveau-nés, tout comme ils ont un impact sur les humains. Au Canada, près de 700 espèces sont considérées comme menacées, en grande partie à cause de la destruction de la habitat.
Quelles sont les conséquences sur les humains ?
Composée de différents gaz – ozone, dioxyde de soufre, dioxyde d’azote, monoxyde de carbone – et de particules fines (PM2,5), “la fumée des feux de forêt représente un danger pour tout le monde”, selon les experts et les autorités.
Mais cela touche plus particulièrement “les jeunes enfants, les personnes enceintes, les aînés, ceux qui travaillent en extérieur ou souffrent de problèmes de santé chronique”, précise le gouvernement canadien.
La plus grande crainte vient des particules fines. “Elles sont si petites qu’elles pénètrent dans les poumons, puis passent dans la circulation sanguine et provoquent des inflammations”, détaille Courtney Howard, médecin urgentiste basée à Yellowknife, dans le nord du Canada.
En résultent des problèmes pulmonaires mais aussi une augmentation des crises cardiaques voire de la mortalité globale, selon de récentes études.
Et au-delà de la santé physique, cela a également des conséquences psychologiques, rappellent les médecins inquiets de la montée en parallèle de l’écoanxiété.
“La réduction de l’intensité de la lumière, le changement de couleur de l’atmosphère, tout cela affecte l’humeur et provoque de l’anxiété”, renchérit Courtney Howard. Et encore plus quand cela frappe après des périodes d’isolement comme une pandémie ou l’hiver.
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