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Pendant 60 jours, les différents partis politiques manitobains vont devoir convaincre pour former le nouveau gouvernement provincial. Les électeurs et électrices sont appelés aux urnes le 3 octobre.
Jusqu’à date, trois grands thèmes semblent se dégager comme l’explique Félix Mathieu, professeur adjoint au département de science politique de l’Université de Winnipeg. « Je ne crois pas qu’il va y avoir de grandes surprises en termes de thématiques. Il y aura une certaine cohérence depuis l’arrivée d’Heather Stefanson à la tête des Progressistes-conservateurs.
« Je pense que l’enjeu de la réconciliation va prendre beaucoup d’espace au vu des dernières actualités [ndlr : les manifestations pour la fouille du dépotoir Prairie Green]. C’est un enjeu qui va être plus important qu’il ne l’aurait été autrement.
« La réconciliation va partager la scène avec les enjeux plus classiques qui sont l’économie et le système de santé. »
Éducation et santé, enjeux majeurs
Raymond Hébert, professeur émérite en science politique de l’Université de Saint-Boniface, partage l’avis de son confrère et il ajoute : « Il y a également l’éducation qui va devoir être surveillée. En effet, avec la santé, ces secteurs représentent près des 2/3 du budget provincial. Ce sont forcément des enjeux puisqu’il y a eu des coupures importantes avec l’ancien premier ministre, Brian Pallister. »
Sur la question de savoir si l’actualité manitobaine pourrait engager davantage le vote des personnes autochtones, Félix Mathieu commente. « À une échelle nationale, les taux de participation des Autochtones sont en deçà de celui des non-Autochtones. Évidemment, il y a différentes raisons pour ça qui ont été dégagées grâce à des entretiens qualitatifs. La première raison est que le Provincial ne fait pas partie de leur sphère politique de proximité. Certains ne veulent pas forcément participer à ce système politique électoral qui est associé aux colonisateurs, ils ne veulent pas le justifier.
« Pour ceux qui souhaitent quand même y participer pour transformer le système de l’intérieur, il y a la raison de l’éloignement des bureaux de scrutin. »
Dans un sondage effectué en juin 2023, sur 1 000 Manitobains entre le 31 mai et le 13 juin, Probe Research a analysé l’intention de vote par critère socio-démographique. 47 % des personnes qui s’identifient Autochtones avaient l’intention de voter pour le NPD.
Circonscriptions à surveiller
D’ailleurs, depuis plusieurs mois, le NPD a de l’avance sur le PPC dans les sondages d’intention de votes. Une tendance qui a tout de même diminué comme l’indique Félix Mathieu. « Depuis presque deux ans et demi quand on observe les opinions publiques, il y a un écart important entre le NPD et le PPC. Cependant, cet écart tend à se réduire à l’approche des élections. L’écart est important surtout lorsqu’on met l’accent sur les circonscriptions de Winnipeg. »
En effet, Raymond Hébert explique : « Tout se joue à Winnipeg. Le Manitoba est tranché au couteau, les régions au rural votent massivement conservateur. Les néo- démocrates doivent aller chercher les circonscriptions de Winnipeg, principalement dans le sud-est et le sud-ouest de Winnipeg car celles du centre sont généralement acquises au NPD. »
Du côté de Félix Mathieu, la vision est quelque peu différente, mais pas incompatible. « Toutes les circonscriptions sont évidemment intéressantes. Mais je regarde particulièrement celles qui ont été en jeu dans les deux dernières années en raison d’élections partielles. Je pense à celle de Kirkfielk Park ou encore celle de Fort Whyte. Ce sont des circonscriptions où les scores ont été serrés. Elles vont donc être intéressantes à surveiller parce qu’elles auraient pu faire pencher la balance pour, respectivement, le NPD et les Libéraux. »
De nouveaux candidats
Dans cette campagne électorale, le PPC fera face à un défi de taille puisque près d’un tiers des membres de son caucus ne se représente pas à ces élections. Le parti devra trouver des candidats de noms pour séduire les Manitobains. La sélection des candidats laisse d’ailleurs quelque peu à désirer comme le pense Raymond Hébert. « Je ne suis pas impressionné de la qualité des candidat.e.s ni d’un parti ni de l’autre. Les partis n’ont pas réussi à aller chercher des personnes de haut calibre. Quand on constitue un cabinet, il faut des compétences en finance, en santé ou encore en éducation. Jusqu’à présent, je ne vois aucune indication qu’il y ait eu un renouveau substantiel. »
Félix Mathieu reconnaît le défi. « Il y a beaucoup de figures d’importance qui ont annoncé ne pas se représenter pour un ensemble de raisons. Le PPC a dû recruter de nouvelles figures politiques tout en étant dans un contexte de doute à savoir s’ils vont former le prochain gouvernement. Ce qui n’a pas facilité le recrutement puisque certains ont pu s’interroger de vouloir être sur les bancs de l’Opposition pendant quatre ans. »