Initiative de journalisme local – Réseau.Presse-La Liberté
Si le maire de Winkler, Henry Siemens, a été clair sur le fait qu’il ne s’agit pas de bannir des livres de la South Central Regional Library, la résolution vient questionner sur la gestion des bibliothèques publiques au Manitoba. Qui décide de faire rentrer des livres et quel processus existe?
Richard Bee, directeur pour la défense des intérêts à l’Association des bibliothèques du Manitoba, se veut limpide quant aux personnes qui possèdent une autorité dans les bibliothèques publiques manitobaines. « Les bibliothèques publiques ont un conseil d’administration avec des membres de la communauté. Ce CA établit des politiques que doit suivre la bibliothèque. Ces politiques peuvent définir les standards selon lesquels un livre peut entrer dans la collection de la bibliothèque ou non.
« Il arrive que des membres des conseils municipaux siègent sur le CA. Bien que ce n’est pas ce que nous recommandons à l’Association des bibliothèques du Manitoba parce qu’il pourrait y avoir des conflits d’intérêts. » Dans le cas de South Central Regional Library, le CA est constitué de membres de chaque municipalité que la bibliothèque dessert.
| Microcosme
Sans commenter la situation particulière de la bibliothèque South Central Regional Library, Richard Bee explique, qu’en effet, les bibliothèques sont un reflet de la communauté dans laquelle elles sont installées. « Chaque bibliothèque est un microcosme de la communauté qu’elle dessert. S’il y a une communauté plus religieuse, c’est possible qu’il y ait des livres qui soient davantage axés sur la religion. Si une communauté dépend de l’agriculture, c’est la même chose, il y aura certainement plus de livres sur l’agriculture. De cette manière, les enfants peuvent partager des moments avec leurs parents au travers des livres. »
Dans les bibliothèques publiques manitobaines, des personnes sont responsables d’acquérir du nouveau matériel pour les étagères. Suivant la taille de la bibliothèque, il peut s’agir d’une seule personne ou bien d’un département entier consacré à cette tâche. Des critères, spécifiques aux bibliothèques publiques, sont d’ailleurs établis, comme l’expose Richard Bee. « Les bibliothèques publiques ont pour mandat d’offrir gratuitement le maximum d’information sur le maximum de sujets qui existent. Alors les bibliothèques essayent d’avoir une diversité d’offres.
« Les bibliothèques entendent appuyer la liberté intellectuelle. C’est-à-dire que les personnes ont le droit d’avoir accès à l’information, que ce soit sur l’éducation sexuelle, sur la religion, sur des romans de fiction, sur de la géographie. C’est quasiment sans limite. »
Il y a évidemment une limite à ce que peut proposer une bibliothèque publique manitobaine. « Outre les limites budgétaires et d’espace, il y a des standards professionnels sur ce qui peut entrer dans une bibliothèque. Des livres dont la véracité scientifique n’a pas été démontrée ne vont pas entrer dans les bibliothèques publiques, ni ceux qui font l’apologie de la haine. »
| Pluralité d’opinions
Richard Bee tient aussi à faire un point qu’il lui semble essentiel dans la compréhension du système des bibliothèques manitobaines. « Je tiens à signaler que même si une bibliothèque peut se concentrer davantage sur un sujet, aucun livre ne peut être banni parce qu’il ne correspond pas aux valeurs de la communauté.
« Même si la bibliothèque ne peut pas faire entrer un certain livre en raison de budget, de manque de place, il y a tout un réseau de bibliothèques. Ce qui signifie que votre bibliothèque locale peut demander un livre en particulier dans le système manitobain et le faire parvenir au demandeur. N’importe où au Manitoba. »
Il arrive que certains livres soient retirés des étagères des bibliothèques. Mais pour des raisons qui n’ont pas de lien avec un quelconque bannissement. « Un livre pourrait être retiré pour plusieurs raisons d’une bibliothèque. Tout d’abord, l’état du livre. Si des pages se détachent et que le livre est inutilisable, il va être retiré de la collection.
« Également, la temporalité du livre. Si un livre scientifique date de plus de dix ans, il sera souvent remplacé parce qu’évidemment les bibliothèques souhaitent donner des informations les plus récentes possibles et les plus actuelles. »
Il est donc clair pour Richard Bee qu’aucun bannissement de livres n’aurait sa place dans les bibliothèques publiques manitobaines. « Certaines personnes ont des réserves sur certains sujets, elles pensent que ce sujet peut être un danger pour leur communauté. Cependant, leur perspective n’est pas forcément partagée par toute la communauté.
« En fait, si les bibliothèques retiraient des livres qui expriment des opinions qui ne sont pas partagées par nous, il n’y aurait plus de livres dans la bibliothèque. Les bibliothèques doivent servir à développer les débats, la pensée critique des citoyens.
« Les livres restent un médium très accessible pour l’ensemble de la population. Si les personnes n’ont pas accès à internet parce que c’est trop cher, les bibliothèques seront toujours ouvertes pour donner cette information. Les livres restent des outils très puissants en matière d’accès à l’information. »