Kenneth Malo a 76 ans, il est à la retraite. Dernièrement, il redécouvre sa passion pour la peinture dans le cadre d’un projet d’amélioration du petit Parc des pionniers qui se trouve à l’entrée du village, sur la route provinciale 207. Les anciens de Sainte-Anne auraient connu cette route à l’époque où elle portait le nom de chemin Dawson (1).
Dans l’ombre d’un abri érigé dans ce petit parc, une charrette de la Rivière-Rouge. Ses roues reposent sur l’ancien chemin Dawson. Autrefois, il était achalandé par ces véhicules amphibies capables de porter de lourdes cargaisons et se transformer en radeaux pour traverser ruisseaux et rivières. c’était l’outil idéal de l’époque.
« La première chose qu’on a faite, c’est bâtir tout ça », explique-t-il en désignant l’abri de la charrette et des murales. Sans les murales, il manquait quelque chose. « C’était trop sombre, on voyait mal la charrette, les gars m’ont dit : Ken, il faut que tu fasses quelque chose. »
Amateur de peinture, il a voulu contribuer à l’attraction. « C’est pour donner à Sainte-Anne, aux résidents et aussi aux visiteurs quelque chose de différent quand ils viennent ici. »
Les anciens de Sainte-Anne
L’abri dans le Parc des pionniers est chargé d’histoire. Enveloppant la structure et la charrette, des panneaux nomment les gens et familles qui ont fondé Sainte-Anne. « C’est le travail de Norman Lavack. Il a passé un an à rechercher ceci, les anciens de Sainte-Anne. Là d’où les gens sont venus et l’année à laquelle ils sont arrivés. »
Désignant une famille au hasard sur le panneau, Kenneth Malo poursuit : « Maintenant, il y a gros du monde qui viennent ici, regardent, et disent : Oh, Dupé, ça c’est mon grand-père. Il y a beaucoup d’histoire, mais le monde ne le sait pas. »
La charrette elle-même témoigne de l’histoire. Construite comme auparavant, le bois n’est pas parfait, certains morceaux sont prélevés de branches d’arbres. « Comme c’était à l’époque, ça fonctionne, mais ce n’est pas parfait.
« C’est important de ne pas perdre l’histoire. Il y a beaucoup de gens qui viennent à Sainte-Anne s’installer et on ne veut pas perdre notre langue. »
Le travail de Kenneth Malo a été un défi, les murs sur lesquels il a peint ses murales étaient auparavant brun foncé. « J’ai mis deux ou trois couches de peinture blanche. Ensuite, j’ai pu commencer à peindre. »
Témoin de l’histoire
Inspiré par des livres décrivant et illustrant le Manitoba, ainsi que pour des peintres impressionnistes, il s’est lancé. « Je voulais peindre les quatre saisons au Manitoba. Sur chaque panneau, il y a des éléments qui sont importants dans l’histoire des Prairies. »
Sur les panneaux de gauche à droite, le regard voyage d’un printemps avec des nuages lourds de pluie vers les plaines asséchées de l’été. Sur ces plaines, d’énormes troupeaux de bisons s’étendent à perte de vue. La transition vers le panneau de l’automne marque la saison des récoltes dans les champs. Et sur le dernier panneau, l’hiver, une maison en rondins enneigée d’où monte une colonne de fumée blanche.
Comme s’il partait à la pêche, il se lève tôt le matin et rentre une fois que la chaleur se fait sentir. Victime des intempéries, le vent peut freiner le processus. « Je viens le matin, je peins jusqu’à ce qu’il fasse trop chaud et humide, ensuite je rentre chez moi pour revenir le lendemain. Aussi, si le vent du Nord vient avec trop de force, la peinture, ça ne fonctionne pas. »
Achever son projet
Le projet a duré environ un an. Il l’a achevé en juillet 2023. Fier de son travail, il souhaitait donner plus qu’une belle image. « C’est facile de faire une peinture qui n’a pas d’histoire, il n’y a pas de mal à peindre une jolie figure. Je voulais faire quelque chose qui rappellerait les anciens. »
Il désigne son tableau de l’automne. « Quand moi j’étais jeune, ils utilisaient des chevaux pour labourer la terre, pas des gros tracteurs comme aujourd’hui. Il y avait une époque où il y avait des bisons partout sur ces terres. La maison en rondins, ce n’était pas comme aujourd’hui avec la télévision et le chauffage, il fallait tout construire. Ça, c’est l’histoire. »
Amateur de peinture, il a recommencé à peindre après avoir pris sa retraite. « Quand j’étais au collège, je faisais de la caricature, je dessinais même sur des T-shirts avec des feutres. Mes amis me demandaient que je dessine sur les leurs aussi.
« C’est seulement à ma retraite que j’ai recommencé à faire de la peinture. Il fallait que je me trouve un hobby », explique le passionné en sortant un album avec des photos de ses oeuvres. Parmi ces pages, des peintures d’oiseaux, de paysages manitobains, et des reproductions d’oeuvres impressionnistes.
« Moi, ça me donne du plaisir quand ça marche bien, dit Kenneth Malo, le sourire aux lèvres. Et Diane Connelly, au Comité culturel de Sainte-Anne, a toujours des projets pour moi », conclut-il heureux de pouvoir partager son oeuvre.
(1) Le chemin Dawson reliait historiquement le lac des bois à Fort Garry (aujourd’hui Winnipeg). Il faisait partie de la route de Dawson un chemin qui devait relier Thunder Bay et le territoire historique de la Rivière-Rouge en foulant uniquement le sol canadien.