Le Canada s’est engagé, comme pays membre des Nations Unies, à mettre tout en oeuvre pour remplir les 17 objectifs de développement durable. L’objectif n°6 est celui de garantir l’accès de tous à des services d’alimentation en eau et d’assainissement gérés de façon durable.
Cependant, encore aujourd’hui, en 2023, une partie de la population canadienne n’a toujours pas d’infrastructures pour être alimentée en eau potable. Le résultat de politiques de colonisation. En effet, en 1876, le gouvernement du Canada a introduit la Loi sur les Indiens. Dans cette loi, il est clairement spécifié que le gouvernement fédéral est responsable de la construction et de l’entretien des infrastructures dans les réserves autochtones, notamment des stations de traitement de l’eau potable et des conduites d’aqueducs des maisons et des bâtiments. Évidemment, les financements n’ont jamais suivi les besoins des communautés autochtones, et des avis d’ébullition ont souvent été émis, que ce soit à long terme ou à court terme.
Préoccupations logistiques
Le gouvernement de Justin Trudeau s’était engagé, en 2015, à lever tous les avis d’ébullition d’ici 2021. Un engagement que le Fédéral n’a pas pu tenir. Il a d’ailleurs été repoussé jusqu’à 2026.
En date du 18 septembre, il y avait 54 avis concernant la qualité de l’eau au travers du Canada, quatre touchaient principalement le Manitoba.
Outre ces avis d’ébullition, il arrive que tout simplement, des Premières Nations n’aient pas les infrastructures pour avoir accès à de l’eau potable. C’est notamment le cas de la Première Nation de Wasagamack, d’où est originaire Nora Whiteway.
« Il n’y a qu’une route d’hiver pour rejoindre Wasagamack, ce qui fait qu’il y a beaucoup de préoccupations dans notre communauté sur la logistique pour acheminer de l’eau potable. Et c’est pour ces raisons que nous devons protéger encore davantage l’eau. Nous n’avons pas d’infrastructure pour l’eau courante, ce sont des citernes qui alimentent toute notre communauté. Je m’inquiète tous les jours pour savoir s’il va y avoir assez d’eau jusqu’au prochain ravitaillement.
« Nous avons besoin d’eau pour tous les aspects de notre vie. Il arrive qu’il n’y ait pas d’eau pendant plusieurs jours/semaines suivant les personnes. Ces personnes font des marches de plusieurs heures pour trouver de l’eau. »
Une question de santé
Durant l’hiver, il arrive même que l’eau dans les citernes gèle et qu’il faille la dégeler pour pouvoir l’utiliser. Ce manque d’accès à l’eau a évidemment des conséquences sur les membres de la Première Nation, comme l’explique Nora Whiteway.
« Les gens limitent leur consommation d’eau. C’est-à-dire que les gens ne prennent pas de douches tous les jours. Ils ne peuvent pas. Il faut d’abord penser à boire, aux cérémonies. C’est un temps particulièrement difficile pour les personnes qui vivent dans certaines communautés du Nord. »
Durant notre entrevue, Nora Whiteway montre à La Liberté un groupe Facebook de la communauté où plusieurs personnes publient des messages de demande d’aide pour de l’eau.
Un manque d’eau qui s’est surtout ressenti durant la pandémie de COVID-19.
« Il fallait sans cesse se laver les mains pour éviter les infections. Mais quand vous n’avez pas d’eau propre, comment faire? »
Une situation que déplore Carol McBride, présidente de l’Association canadienne des femmes autochtones.
Manque d’infrastructures
« Beaucoup de communautés ont des préoccupations sur la santé de leurs membres. L’eau est une composante essentielle à la vie. Avoir accès à l’eau est un droit de base pour tout être humain. En 2023, nous devons faire mieux pour nos communautés.
« Le manque d’eau mène à énormément de problèmes sociaux, comme la santé physique et mentale. »
Il faut s’imaginer être à la place des personnes qui n’ont pas d’eau potable pendant plusieurs jours. La santé mentale peut évidemment être affectée. La colère et l’incompréhension l’emportent sur Carol McBride.
« Certaines de nos communautés n’ont toujours pas accès à de l’eau potable. C’est inacceptable en 2023. Surtout dans un pays comme le Canada, si riche. C’est honteux de laisser des personnes sans eau potable. Certaines personnes n’ont jamais eu la chance d’avoir de l’eau potable. Le gouvernement du Canada devrait avoir honte de ça, de ne pas respecter le droit à l’eau. Il y a eu des promesses pour s’assurer qu’il y ait les infrastructures. Mais on attend toujours. »
Nora Whiteway, elle, espère que la situation sera prise en charge pour assurer la pérennité de la communauté. « Nous avons besoin d’infrastructures, de systèmes d’accès à l’eau. Mais aussi de formations pour que les personnes puissent réparer ou entretenir ces infrastructures. Ce n’est pas qu’une question de les construire. »
« Nous n’avons pas d’infrastructure pour l’eau courante, ce sont des citernes qui alimentent toute notre communauté. Je m’inquiète tous les jours pour savoir s’il va y avoir assez d’eau jusqu’au prochain ravitaillement. »
Nora Whiteway
Une agence fédérale de l’eau
Interrogé à ce sujet, le ministre fédéral des Affaires du Nord, Dan Vandal, reconnaît qu’il y a encore du travail à mener pour rendre l’eau accessible.
« Quand je me suis présenté en politique fédérale en 2015, il y avait 160 avis d’ébullition à long terme. Dans les huit dernières années, on en a levé 143. C’est du progrès. Je reconnais que ce n’est pas parfait. Mais il y a du travail qui se fait. On continue de travailler avec les Premières Nations sur le terrain pour lever les autres. Il faut dire qu’il y a eu deux ans de COVID-19.
« De plus, il y a des complications sur le terrain à prendre en compte. Il faut être certain qu’il y a du monde sur les réserves qui peuvent opérer les systèmes de traitement d’eau. Ce sont aussi des endroits isolés qui peuvent compliquer l’installation. »
En plus du travail sur les avis d’ébullition, le gouvernement fédéral a travaillé sur des infrastructures, comme l’explique Dan Vandal.
« Nous investissons des milliards de $ dans les infrastructures pour l’eau potable pour les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Nous reconnaissons que l’eau est sacrée pour plusieurs d’entre eux et travaillons en partenariat avec eux. Je donne l’exemple de Shoal Lake 40, nous venons de bâtir un chemin jusqu’à la Transcanadienne, avec une usine d’eau potable, ce qui a levé cinq avis à long terme. C’était important, parce que la Ville de Winnipeg prenait son eau potable de cette Première Nation. Mais eux n’y avaient pas accès. »
Engagements environnementaux
En effet, depuis 1997, la Première Nation de Shoal Lake 40 était sous avis d’ébullition. Et c’est en 2019 que le gouvernement fédéral a annoncé plusieurs financements clés pour construire les infrastructures nécessaires, dont 33 millions $ pour le projet initial et 605,6 millions $ sur quatre ans, à compter de 2020-2021, pour l’entretien et le fonctionnement.
Le gouvernement fédéral a aussi pris des engagements environnementaux afin de freiner le changement climatique. Dans cette volonté, dans le budget de 2021, le Fédéral a annoncé une agence canadienne de l’eau, un projet voulu en collaboration avec les Autochtones, comme le souligne le ministre Vandal.
« Elle aura pour mandat de consulter les Provinces, les Territoires, les Villes et les peuples autochtones sur les meilleures pratiques pour gérer l’eau. Notre approche est faite en partenariat avec les Premières Nations, les Métis et les Inuits. Ce n’est pas juste le gouvernement fédéral qui a les réponses, ce sont les Nations qui sont directement concernées. On sait qu’il n’y a rien de plus important que l’eau pour eux.
« Nous travaillons avec un leadership sur lequel nous voyons de plus en plus de femmes qui sont impliquées dedans. Nous respectons leur savoir, nous savons bien que si on veut que les choses avancent, il faut impliquer les femmes. »
Initiative de journalisme local – Réseau.Presse – La Liberté