Sous le haut plafond parsemé de tuyaux et de conduits de ventilation, le vrombissement des machines résonne dans le vaste espace de travail. À tel point qu’il faut tendre l’oreille pour tout entendre des présentations faites par les chercheurs à l’intention des quelques journalistes présents ce matin-là.
Deux imposantes imprimantes 3D sont en plein travail. L’une d’entre elles utilise la technologie de fusion sur lit de poudre avec trois lasers, « la première de ce genre au Canada ». Ici, les chercheurs tentent d’utiliser de l’alliage en aluminium pour la fabrication de pièces qui peuvent être utilisées dans la plupart des industries, du médical pour la fabrication d’implants ou de prothèses, à l’aérospatial pour la fabrication de pièces diverses. Ces machines et robots, quant à eux, sont particulièrement intéressants pour les entre-prises de manufacture.
Heather Smart est directrice de la recherche et du développement au service de la fabrication de pointe et du numérique du Centre de recherche sur l’automobile et les transports de surface. Aux côtés d’Éric Baril, directeur général du même centre de recherche, elle a joué le rôle de guide tout au long de la visite. Heather Smart en a profité pour rappeler la mission de l’installation de recherche :
« La raison derrière l’acquisition de ces technologies par le CNRC, c’est d’éliminer les risques liés à l’investissement pour les petites et moyennes entreprises. Le CNRC fait des recherches pour montrer aux entreprises que le jeu en vaut la chandelle. » Et en effet, avant d’acheter une imprimante 3D à 2 millions de $ il vaut mieux s’assurer de son efficacité.
Récolte de données
Plus loin, Jasper Arthur, agent de recherche au sein de l’installation, opère un bras robotique bien plus grand que lui. Là où les imprimantes fabriquent des objets couche par couche de bas en haut, le bras robotique, lui, bénéficie d’une liberté de mouvement lui permettant d’opérer à 360 degrés. « Il offre plus de flexibilité dans ce qu’il peut construire, mais aussi dans la façon dont il peut le cons-truire », indique Jasper Arthur. Depuis l’extrémité du robot, du polymère rouge s’échappe et s’enroule, pour dessiner une feuille d’érable.
Il aura fallu plusieurs essais et différentes lignes de code pour parvenir à ce résultat. Sur une table sont disposées une dizaine de feuilles d’érable rouge. La première est creusée, certaines se sont effritées. Celle qui vient d’être créée est de bien meilleure facture.
« Une fois la bonne formule trouvée, il suffit de programmer le robot une fois pour que la même pièce soit fabriquée en boucle. Ce qui n’est pas très utile ici au Manitoba, où une grande partie de la fabrication est hautement personnalisable et faible en volume. »
À titre d’exemple, les camions de pompiers, ou encore les bus, pour lesquels les clients ont souvent des demandes différentes. « C’est un processus délicat, il y a des milliers de paramètres à modifier pour la création d’une seule pièce, explique le chercheur. Nous essayons donc de rassembler un maximum de données, pour comprendre précisément quels sont les effets directs du changement d’un paramètre sur le produit final. »
Accroître la productivité
Ainsi l’installation de recherche en fabrication de pointe collecte toutes les données dans une base qu’elle partage avec les autres centres du CNRC partout dans le Canada. L’objectif est que la programmation d’un robot et la fabrication d’une pièce personnalisée ne nécessitent à l’avenir que quelques clics. Il s’agit d’accroître la productivité et la flexibilité dans la fabrication.
Éric Baril ajoute que l’installation de ces machines dans les chaînes de production permettra la création de postes « plus intéressants et permettra aux personnes d’occuper des postes qui ont plus de valeur et d’importance dans la production ».
Ce à quoi Heather Smart ajoute. « La production robotique n’a pas vocation à faire disparaître la production traditionnelle, mais à la faciliter. »
« La raison derrière l’acquisition de ces technologies par le CNRC, c’est d’éliminer les risques liés à l’investissement pour les petites et moyennes entreprises. Le CNRC fait des recherches pour montrer aux entreprises que le jeu en vaut la chandelle. »
Heather Smart
Côté laboratoire
Dans une autre salle aux allures de laboratoire, une équipe de trois personnes s’adonne à un tout autre type de recherche. Ici, on cherche à éliminer complètement les plastiques à usage unique. Michael Snowdon, Sarah Low Ying et Dash Yetirajula, agents de recherche, évaluent la durée de vie des produits d’emballage alimentaire ou leur biodégradabilité dans différents environnements, à savoir l’eau douce, l’air et la terre. Là encore, Heather Smart fait valoir que l’équipement qui sert à l’évaluation de la biodégradabilité dans le laboratoire est unique au Canada.
Plusieurs types de biopolymères biodégradables sont testés ici. Par exemple l’acide polylactique, qui est principalement dérivé de l’amidon contenu dans le maïs.
« Nous ne pouvons pas éviter l’emballage alimentaire, c’est là que ces matériaux deviennent intéressants. On peut les faire entrer dans une économie circulaire en les recyclant ou en les compostant. C’est pour cela que l’on se concentre principalement sur l’emballage alimentaire. Ça, et le fait que les emballages sont l’une des principales sources de production de déchets », lance Éric Baril. Les découvertes du CNRC pourraient donc encourager l’industrie de l’alimentaire et de la grande distribution à changer leurs méthodes d’emballage. De plus, la biomasse utilisée dans le laboratoire est transformée en granulés de biopolymères qui alimentent ensuite les imprimantes 3D dans le hangar d’à côté.
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