Chantallya Louis
Costanza Musu, professeure agrégée à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa, a signé de nombreux ouvrages sur les politiques occidentales avec le Moyen-Orient. Ses recherches portent actuellement sur la lutte contre le trafic illicite d’antiquités pillées dans les zones de conflit au Moyen-Orient.
Francopresse : Le 6 octobre 1973, en pleine fête juive du Yom Kippour, Israël est attaqué simultanément par l’Égypte et la Syrie. 50 ans et un jour plus tard, le 7 octobre 2023, Israël s’est fait surprendre par une nouvelle attaque, cette fois par le Hamas. Comment expliquer qu’Israël n’ait rien vu venir cette fois-ci?
Costanza Musu : Israël savait qu’il y avait des armements qui arrivaient à l’intérieur de la bande de Gaza, qu’ils amassaient des explosifs, les roquettes avec le soutien de l’Iran. Mais probablement qu’Israël ne pensait jamais que le Hamas était en mesure d’organiser une attaque de cette nature.
Probablement que cette attaque a été organisée en utilisant un système de communication qui ne pouvait pas être découvert avec le système de renseignement très sophistiqué qu’Israël utilise. C’est-à-dire la surveillance des appels cellulaires, les courriels, etc. [Le Hamas a] probablement utilisé une technologie beaucoup moins avancée pour éviter d’être pris par le service de surveillance d’Israël.
D’une certaine façon, on peut dire que [les communications] sont passées sous le radar de tous les services de renseignement.
Quelle analyse faites-vous de l’attaque du 7 octobre?
C’est une attaque de proportion beaucoup plus grande que toutes les autres attaques qu’on a vues dans le passé, et surtout, c’était une attaque absolument claire dans sa nature terroriste, c’est-à-dire une attaque à la population.
C’est clair qu’à ce moment, Israël voit cette attaque comme une atteinte à sa souveraineté, ses citoyens, et c’est pour ça qu’on voit cette réponse, maintenant aérienne. Mais peut-être que ça va être une réponse de l’armée qui entre dans la bande de Gaza, dans le but probablement d’essayer de complètement détruire le gouvernement du Hamas dans la bande de Gaza. Est-ce que c’est possible ou faisable? Ça, c’est une autre question.
Mais c’est clair que maintenant, le but de l’État d’Israël n’est pas de tout simplement réduire le pouvoir du Hamas, mais c’est plus d’éradiquer complètement le pouvoir du Hamas dans la bande de Gaza.
Que sait-on de l’histoire du Hamas?
Le Hamas est une organisation islamiste qui a été créée à partir des Frères musulmans, une organisation basée en Égypte.
Au début, c’était surtout une organisation qui faisait des programmes sociaux, d’éducation pour les jeunes Palestiniens, mais aussi un programme de santé.
Il y avait toujours une tension entre le Hamas et le Fatah, soit l’autorité palestinienne. Mais progressivement, le Hamas est devenu une organisation avec des buts politiques.
Le but politique, tel qu’écrit dans leur charte, est la destruction d’Israël. Ce n’est pas de chercher une solution à deux États, un État d’Israël à côté d’un État palestinien, mais c’est la création d’un État palestinien sur la loi de la charia.
[…]
[Après les élections palestiniennes de en 2006], il y a eu presque une guerre entre le Fatah et le Hamas, on peut dire presque un conflit civil. Il y a eu de la violence entre les deux côtés qui s’est terminée avec une fracture.
C’est-à-dire que le Hamas a pris le pouvoir complètement dans la bande de Gaza et les représentants du Fatah ont pris le contrôle de la Cisjordanie.
Depuis 2007, on a deux acteurs. Quand on parle de processus de paix entre Israël et les Palestiniens, le dialogue se fait seulement entre Israël et l’autorité palestinienne de la Cisjordanie.
Ça cause des problèmes, parce que ces dialogues ne représentent pas la totalité des Palestiniens. Une grosse partie d’entre eux, c’est-à-dire les deux millions qui habitent dans la bande de Gaza, ne sont pas représentés.
L’attaque du Hamas contre Israël a surpris plusieurs acteurs sur la scène internationale. Comment expliquer la réaction des différents États comme le Canada ou la France?
Il n’y avait aucune autre alternative que de condamner l’attaque terroriste du Hamas. Il faut se souvenir aussi que le Hamas est classifié en tant qu’organisation terroriste par le Canada, les États-Unis et plusieurs pays de l’Union européenne, alors c’est clair que la première réaction était de soutenir Israël et de condamner le Hamas.
J’imagine qu’on va aussi entendre des préoccupations pour le sort des civils qui habitent à Gaza. Mais la première réaction, comme on s’y attendait, c’est une réaction de support à Israël dans ce moment, après une attaque comme ça de cette dimension.
Dans ce conflit qui perdure depuis plus de 75 ans, quelle a été l’évolution de la relation diplomatique entre le Canada et les deux États du Proche-Orient?
Je dirais qu’il y a deux côtés à cette question. Il y a le côté de la position officielle du gouvernement canadien, une position très claire. C’est-à-dire que le Canada supporte le droit d’Israël d’exister en sécurité, mais le Canada supporte aussi le droit des aspirations des Palestiniens à créer leur État souverain.
D’un autre côté, le Canada ne reconnait pas le droit d’Israël de rester dans les territoires occupés, il ne reconnait pas la souveraineté d’Israël sur la Cisjordanie, Gaza ou Jérusalem-Est.
Ce qu’on a vu, dans les 15 dernières années, c’est un message plus fort de la part du gouvernement sur les relations entre le Canada et Israël, soit le soutien que le Canada offre entre autres à Israël, des rapports scientifiques et économiques entre les deux pays.
Le Canada soutient une révolution pacifique, supportant le droit international et n’a pas reconnu la souveraineté d’Israël sur les territoires occupés.