« Le musée et le bâtiment ont une relation unique mais étroite avec la Ville de Winnipeg. En tant que bailleur du bâtiment jusqu’en 2062, la Ville a l’obligation d’exploiter, entretenir et protéger le couvent des Soeurs Grises dans le même état que celui dans lequel il a été réhabilité, conformément à l’accord conclu en 1991 entre le gouvernement canadien et la Ville de Winnipeg », font valoir Cindy Desrochers, directrice du musée et le président des Amis du Musée de Saint-Boniface, Jean-Paul Gobeil, dans une lettre adressée à la Ville en date du 1er septembre 2023 et dont La Liberté a obtenu copie.
« Les Amis du Musée de Saint-Boniface ont fait une demande auprès de la Ville de Winnipeg pour un montant de 860 000 $ », détaille Cindy Desrochers. Il est important de souligner que la Ville de Winnipeg, lors de l’amalgamation en 1972, est devenue responsable du site et du soutien financier pour le Musée de Saint-Boniface. Parce qu’en effet, un bail de 99 ans avait été conclu en 1963 entre la Ville de Saint-Boniface et les Soeurs Grises. Par la suite, la Ville de Winnipeg a hérité de ce bail.
Sur le budget total de 1,4 million $, le Musée de Saint-Boniface est parvenu à confirmer un montant de 513 000 $ grâce à divers paliers gouvernementaux, organismes et fondations (voir encadré).
Cindy Desrochers regrette également que le budget opérationnel actuel ne lui permette pas de prévoir pour ce genre de travaux. « La Ville de Winnipeg contribue à hauteur de 450 000 $ dans notre budget opérationnel. C’est un montant inchangé depuis un moment. Nous avons fait nos calculs, en considérant l’inflation, il nous faudrait un montant opérationnel de 580 000 $. C’est la demande que nous avons soumise à la Ville. »
La réponse de Matt Allard
Matt Allard, conseiller municipal pour Saint- Boniface, est bien au fait de la situation. « Je suis membre du CA du Musée. Après les élections de 2022, lors de notre première rencontre, j’ai été mis au courant de l’état du bâtiment.
« C’est quelque chose qui a été discuté à la Ville de Winnipeg et nous prévoyons 13 000 $ en capital. Il y a toujours un manque à gagner. »
Matt Allard souhaiterait voir d’autres organismes s’impliquer dans le dossier du Musée de Saint-Boniface. « Voyage Manitoba a établi toute une stratégie pour le tourisme francophone. Il y aura certainement quelque chose à faire pour le Musée.
« À plusieurs reprises, le Musée de Saint-Boniface s’est retrouvé dans une position financière difficile. »
En effet, en 2019, la Ville de Winnipeg a éliminé le Conseil des musées de Winnipeg. Dans la foulée, la Ville souhaitait également que ce soit le Conseil des arts de Winnipeg qui distribue le financement des musées. Le Musée se serait retrouvé noyé parmi les autres musées de la Ville de Winnipeg.
Cependant Matt Allard reconnaît que « c’est important d’appuyer le Musée de Saint- Boniface, mais le palier municipal est celui avec le moins de flexibilité au niveau des budgets. Il faut donc voir avec les autres paliers de gouvernement pour prendre soin de ce patrimoine ».
« On veut s’assurer d’avoir une vision pour l’avenir du Musée. On ne veut pas se retrouver dans des situations pareilles tous les 10/15 ans. Si on est capable d’établir de manière claire les travaux d’entretien et les budgets pour l’avenir, ce serait idéal. »
Cindy Desrochers
État des lieux
En raison des désignations historiques, le Musée ne peut pas être entretenu d’un simple coup de peinture. Cela demande un effort concerté, comme l’explique Cindy Desrochers. « Puisqu’on a une désignation aux trois niveaux, municipal, provincial, national, on doit coordonner nos efforts entre les trois niveaux pour s’assurer que les restaurations qu’on veut faire s’alignent de façon patrimoniale avec les attentes sur les désignations historiques. »
Pour autant, Cindy Desrochers reconnaît la nécessité d’avoir de pareilles désignations. « On a 175 ans. Ces désignations sont là pour protéger notre patrimoine. Je ne voudrais pas qu’on les perde, au risque de perdre notre patrimoine francophone. »
historiques, le manque de réparations dans les 30 dernières années met le bâtiment en péril. Dans des documents obtenus par La Liberté, l’étendue des travaux se résume ainsi. « Il n’y a pas eu de travaux de conservation majeurs à l’extérieur du bâtiment depuis qu’une série de rénovations importantes a été entreprise en 1994-95. La chapelle a fait l’objet d’une restauration intérieure élaborée en 1996. Le porche de l’entrée ouest a été réparé en 2010, et la partie supérieure du clocher a été restaurée en 2015.
« Tous les éléments extérieurs en bois, y compris les bardeaux, les portes, les fenêtres, le bardage et les garde-corps extérieurs, ont beaucoup souffert des intempéries. D’importants travaux de conservation du bois, y compris la consolidation, les réparations et les revêtements de peinture, sont nécessaires de toute urgence pour mettre fin à la détérioration. En outre, une infestation de fourmis charpentières sur le mur est du bâtiment principal doit être traitée afin d’éviter toute propagation aux rondins du mur, aux éléments intérieurs du bâtiment et aux objets. La non-intervention ne fera qu’accélérer le pourrissement et la perte des éléments en bois du patrimoine et des caractéristiques architecturales originales de ce site historique national. »
Un toit qui coule
Cindy Desrochers explique : « le revêtement du Musée comme tel est en bois. Le bois, il faut que ça soit peinturé souvent. Sauf que depuis au moins 20 ans, il n’y a pas eu de peinture de faite.
« On a un toit qui coule à différentes places. Il y a de l’eau qui rentre un petit peu autour des fenêtres parce qu’il faut bien comprendre que les fenêtres sont d’époque, donc ce n’étaient pas les mêmes normes. D’ailleurs, dans la peinture, il y a du plomb, et l’encadrage de la fenêtre contient de l’amiante.
« Il y a du rondin de cèdre dans le toit. Quand le cèdre ne sèche pas, il y a de la mousse qui pousse, qui grandit et qui le détériore. Comme il continue d’y avoir une accumulation d’eau et que le bois est à son maximum d’absorption, il y a de l’eau qui rentre à l’intérieur du Musée. »
Un constat malheureux pour le patrimoine francophone du Manitoba.
Protéger les collections
La situation de la bâtisse du Musée n’est pas seulement préoccupante au niveau de sa structure. Elle l’est aussi pour les artéfacts qui se trouvent à l’intérieur.
« On veut s’assurer que la bâtisse est dans un état de pérennité pour protéger les collections qui se trouvent à l’intérieur. Avec les fuites dans le toit, pour l’instant, c’est surtout le troisième étage qui est touché. Mais imaginons qu’au printemps, il y a une fonte rapide de la neige, on ne sait jamais ce qui peut arriver. »
La directrice du Musée espère donc que les demandes de financement seront acceptées rapidement et que des travaux pourront commencer le plus tôt possible.
« On sait que les ouvriers ont la capacité de travailler sur les toits l’hiver. Il faut aussi penser que s’il y a des rénovations, les objets de collection ne peuvent pas être simplement déplacés. Il faut faire extrêmement attention à leur manipulation. »
Si la situation actuelle est préoccupante, Cindy Desrochers espère qu’à terme, une meilleure planification sera mise en place pour éviter de se retrouver dans la même situation plus tard.
« On veut s’assurer d’avoir une vision pour l’avenir du Musée. On ne veut pas se retrouver dans des situations pareilles tous les 10/15 ans. Si on est capable d’établir de manière claire les travaux d’entretien et les budgets pour l’avenir, ce serait idéal. Avec les différents paliers de gouvernement, il faudrait créer des canaux plus rapides pour coordonner l’effort envers le Musée. »
La répartition de l’aide financière (encadré)
Le Musée cherche à récolter 1,4 million $ pour mener à bien des travaux qui permettront à la bâtisse d’être sécuritaire. Sur les 1,4 million $, le Musée a déjà sécurisé 513 000 $ de financement grâce à différents paliers de gouvernement, des organismes et des fondations.
La Province du Manitoba a confirmé un montant de 30 000 $, le gouvernement fédéral, un montant de 250 000 $, la Ville de Winnipeg, 63 000 $ (50 000 $ en nature et 13 000 $ en capital), Thomas Sill Foundation, 15 000 $, le CA du Musée, 150 000 $ et le CDEM, 5 000 $.
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