La Liberté a décidé de donner la parole à des personnes qui sont directement concernées par ce débat.
La Saskatchewan a fait passer en force sa loi qui consiste à ce que les parents d’élèves de moins de 16 ans doivent donner leur accord aux écoles pour l’utilisation du prénom/pronom voulu par leur enfant à l’école. Si un juge avait accordé une injonction pour empêcher temporairement la mise en œuvre de cette loi, le Premier ministre Scott Moe a utilisé la disposition de dérogation afin de passer outre cette injonction.
Décision décriée
Plusieurs organismes de défense des droits LGBTQ2S+ et des enfants ont décrié cette décision. L’argument étant que tous les enfants n’ont pas des milieux sécuritaires dans leur famille pour pouvoir affirmer leur identité de genre. Charlie Dilk, membre de la communauté LGBTQ2S+, regrette que ce débat ait lieu en 2023. « Cette décision va décourager des jeunes à vouloir changer leur nom ou leurs pronoms sachant qu’ils ont peut-être des parents qui ne les soutiennent pas. C’est quelque chose qui va causer plus de mal que de bien. En tant que membre de la communauté, je sais combien de tort ça peut causer. C’est décevant qu’en 2023, cela arrive encore. C’est un peu ridicule. »
Même son de cloche du côté de Chelsea Howgate, également membre de la communauté LGBTQ2S+, qui déplore les manifestations qui ont lieu au Canada au nom « de la protection des enfants ». « On entend beaucoup parler de l’endoctrinement des enfants. Ou même de termes vraiment très négatifs. Mais la réalité est que ces personnes qui manifestent n’en ont aucune idée. C’est très frustrant et terrifiant en même temps. Les gens peuvent croire facilement à cette rhétorique.
« L’idée que ces adultes ont des droits qui surpassent les droits des enfants, c’est inquiétant. Mais le fait qu’ils veuillent imposer leurs idées à tout le monde, c’est encore plus inquiétant. »
« Le fait est que si tu n’as pas ces personnes de confiance, si tu n’as pas d’espace sécuritaire dans ta vie, si tu n’as pas d’adultes qui reconnaissent cette diversité et qui la chérissent, ça peut être vraiment très épeurant, tu peux être inquiet pour ta santé mentale. »
Chelsea Howgate
De l’évolution
Ni Charlie Dilk, ni Chelsea Howgate n’ont changé leur prénom ou pronom à l’école. Mais dans leur expérience scolaire, ils ont pu compter chacun/e sur des adultes de confiance. Chelsea Howgate explique : « Au secondaire, j’avais des adultes de confiance avec qui je pouvais parler de mon identité. Le fait d’avoir un environnement de confiance et sécuritaire m’a beaucoup aidée pour affirmer mon identité, pour me sentir bien avec moi-même.
« Le fait est que si tu n’as pas ces personnes de confiance, si tu n’as pas d’espace sécuritaire dans ta vie, si tu n’as pas d’adultes qui reconnaissent cette diversité et qui la chérissent, ça peut être vraiment très épeurant, tu peux être inquiet pour ta santé mentale. »
D’ailleurs, contrairement à ce qui est beaucoup entendu dans les débats, il est possible que certains enfants sachent très tôt à propos de leur identité de genre. C’est le cas de Chelsea Howgate. « Ceux et celles qui disent que les enfants sont trop jeunes, c’est faux. Moi, j’ai su à l’âge de sept/huit ans que j’étais une fille, je n’avais pas le vocabulaire. C’est venu plus tard. Mais je l’ai su très tôt. Donc non, les enfants ne sont pas trop jeunes pour avoir ces conversations. »
L’expérience de Charlie Dilk est légèrement différente. Si l’école n’était pas vraiment un espace sécuritaire, c’est aussi parce que les discussions n’étaient pas aussi avancées sur la question. « Quand j’étais à l’école, j’ai refusé de sortir du placard parce que je savais justement que ce n’était pas un environnement sûr. Mon expérience à l’école était très différente des jeunes d’aujourd’hui parce que la communauté LGBTQ2S+ commençait seulement à se faire connaître. »
Une liberté d’explorer
Aujourd’hui, Charlie Dilk intervient dans les écoles pour divers ateliers et il porte un regard positif sur la situation. « J’ai remarqué qu’il y a beaucoup de personnes qui veulent être alliées et s’assurer que les jeunes peuvent utiliser les noms ou les pronoms qu’ils préfèrent. C’est très bien. Mais il y a encore beaucoup de jeunes qui me disent que leurs parents ne sont pas très favorables à ça. Alors l’école est la seule place où ils se sentent en sécurité. »
Dans le témoignage de Chelsea Howgate et de Charlie Dilk, ce qui ressort, c’est l’importance d’avoir des espaces sécuritaires pour aborder cette question, sans jugement de la part de personne. Chelsea Howgate : « Je pense que c’est vraiment important qu’il y ait des espaces sécuritaires pour les personnes qui explorent leurs identités. Je parle de vrais espaces pour explorer son identité, où les gens sont prêts à avoir des conversations. C’est important que les personnes laissent cet espace exister. »
Charlie Dilk : « L’école doit être un espace sécurisé où les jeunes peuvent s’exprimer et se découvrir. Il y a toujours du travail à faire, mais les écoles commencent. Si on retire cet espace sécuritaire, des jeunes pourraient cesser d’aller à l’école et la société sera affectée en fin de compte. »