Les acteurs locaux francophones du sujet, ChezRachel et Pluri-elles, font le point sur une situation qui reste très délicate.
C’est par quelques chiffres forts que l’AFFC rappelle le contexte autour du sujet très grave des violences genrées. En 2022, 184 femmes ont été tuées, soit une augmentation de 20 % par rapport à 2019. Près de 8 victimes sur 10 de violences entre partenaires intimes sont des femmes. Selon des données de 2019, 60 % des victimes de violences familiales étaient des femmes.
Sonia Grmela, la directrice générale du refuge de deuxième étape ChezRachel, essaie d’expliquer cette difficile réalité. « Oui, il y a une hausse de violence vis-à-vis des femmes et des enfants, de violence familiale. Ce que l’on remarque aussi, c’est que la COVID-19 a donné une opportunité à ceux qui manifestaient de la violence de pouvoir faire ça dans un contexte où les femmes ne pouvaient pas facilement quitter leur habitation. En temps normal, on a un partenaire qui sort pour aller travailler par exemple, et les femmes peuvent en profiter pour demander de l’aide. Alors certaines femmes se sont retrouvées parfois prisonnières. C’est un peu ce qui est arrivé aux enfants aussi. Avant, ils pouvaient trouver une issue à l’école pour parler de ces problèmes. »
L’AFFC appuie donc sur trois axes pour cette nouvelle campagne : le soutien aux personnes aux prises avec les violences et à leur famille, un système judiciaire réactif, et la prévention et l’éducation. Léa Caumartin, conseillère en travail social pour Pluri-elles, appuie dans ce sens.
« Je pense notamment aux garçons, aux jeunes hommes et aux hommes, pour les rendre alliés. L’égalité des genres passe par une collaboration, un soutien et une solidarité de tout le monde. Mais c’est un peu compliqué finalement d’élargir toutes ces solutions, parce que c’est difficile de projeter la fin de ces violences. On a l’impression qu’on met en place des choses, que ce soit dans les campagnes de prévention, que ce soit par le travail que fait Pluri-elles au quotidien. Ça avance, mais vraiment très, très doucement. »
« Ce que je trouve positif en ce moment, c’est qu’il y a beaucoup de discussions sur ces sujets. Il y a une conscientisation. Et j’aime à penser que les femmes hésitent moins à demander de l’aide. J’ai l’impression que la communauté reconnaît le problème et qu’elle a un rôle à jouer. Parce que la violence a souvent été un sujet à tabou, un peu secret. »
Sonia Grmela
Lentille francophone
Le plan stratégique de l’AFFC vient aussi répondre à une omission du gouvernement fédéral. En novembre 2022, le gouvernement du Canada dévoilait un Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe.
« Un plan attendu, mais la francophonie est invisibilisée, avait alors lancé l’AFFC.Et comment expliquer cette invisibilité, dans un plan qui reconnaît que la violence fondée sur le sexe s’enracine dans l’inégalité entre les sexes et les genres, réalités que viennent aggraver les inégalités systémiques, sans jamais mentionner l’appartenance à une communauté de langue officielle en situation minoritaire comme étant une de ces inégalités? », souligne l’organisme.
Même constat pour Pluri-elles : la question de la francophonie est essentielle pour appuyer la libération de la parole. « Forcément, ça va créer de l’inégalité. À partir du moment où une personne est victime ou témoin de violence, peu importe le type violence, si elle a besoin d’avoir un appui, de l’information, du conseil, il faut qu’elle puisse au moins s’exprimer dans sa langue maternelle, parce que c’est là où l’on parle d’émotion. Et l’on est quand même beaucoup plus à l’aise pour parler d’émotion, de sentiment, de ressenti, quand on est dans sa langue maternelle », détaille Léa Caumartin.
Casser les tabous
Au-delà même de l’aspect francophone, Sonia Grmela souhaite surtout qu’on parle encore plus du sujet des violences genrées. Elle remarque tout de même que la sensibilisation semble faire son effet.
« Ce que je trouve positif en ce moment, c’est qu’il y a beaucoup de discussions sur ces sujets. Il y a une conscientisation. Et j’aime à penser que les femmes hésitent moins à demander de l’aide. J’ai l’impression que la communauté reconnaît le problème et qu’elle a un rôle à jouer. Parce que la violence a souvent été un sujet tabou, un peu secret. Les familles ne voulaient pas trop en parler. Des femmes avaient souvent honte de ce qui leur arrivait et elles n’avaient pas vraiment d’espoir de recevoir une aide. »
Comme ChezRachel, Pluri-elles fait donc partie de cette aide. Les deux infrastructures soutiennent les personnes qui en ont besoin. Pour ça, les organismes rappellent qu’ils dépendent de la qualité du soutien des politiques mises en place. Valérie Williamme, coordonnatrice chez Pluri-elles, souhaite avoir le plus d’outils possible pour intervenir dans de bonnes conditions :
« C’est sûr qu’on peut toujours faire plus. On dépend évidemment des bailleurs de fonds, que ce soit la Province ou le Fédéral. L’argent est entre leurs mains, on va dire. Si eux se donnent les moyens de nous donner suffisamment de financement, c’est certain qu’on pourrait avoir plus de personnes, par exemple. Si l’on est quatre ou si l’on est dix, tout le travail qu’on peut accomplir, ça fait une grosse différence. »