Li Keur : Riel’s Heart of the North est un opéra de grande envergure qui met en lumière la vision autochtone du monde de 1870, et surtout qui donne la place, sur scène, à des langues et des cultures que le colonialisme a longtemps tenté de faire disparaître.
Joséphine-Marie est une jeune fille métisse contemporaine interprétée par Charlene Van Buekenhout. À travers le récit d’une « Mémère » (campée par Paulette Duguay), elle se retrouve transportée depuis le 21e siècle vers le Montana de 1870, où elle tombe sur l’une de ses ancêtres, Josette Lagrande (Rebecca Cuddy), qui voyage avec Louis Riel (Evan Korbut) et les dernières brigades de bisons.
Opéra historique
Il s’agit en quelque sorte d’un opéra historique, avec un soupçon de fantastique, écrit par la librettiste docteure Suzanne Steele et composé par Neil Weisensel et Alex Kusturok. Fruit d’une collaboration multiculturelle, l’opéra est mis en scène par le Métis francophone, Simon Miron, qui décrit l’opéra comme une « fiction inspirée par l’histoire ».
La première de l’opéra est prévue le samedi 18 novembre. Les répétitions ont donc lieu tous les jours à l’église Westworth United. Paulette Duguay, présidente de l’Union nationale métisse Saint-Joseph du Manitoba, confie que les répétitions demandent « beaucoup de travail ».
Malgré cela, elle se réjouit de cette initiative artistique. « J’ai accepté avec plaisir. Il n’y a jamais eu d’opéra métis, c’est quelque chose d’assez spécial et d’important. »
Important pour les communautés métisses et autochtones, mais aussi pour les femmes de ces mêmes communautés. Après tout, même si le nom de Louis Riel figure dans le titre de l’oeuvre, il n’en est pas nécessairement le sujet principal.
Collaboration
En tant que metteur en scène, Simon Miron a rejoint le projet en 2018. Son travail consiste « à créer l’histoire physique de la pièce, son déroulement sur scène ». Il a donc travaillé étroitement avec l’auteure de l’opéra. « Louis Riel joue un rôle important dans cette histoire, mais l’opéra s’intéresse particulièrement aux femmes métisses autour de Louis Riel. Il montre qu’il a existé des femmes pas connues mais qui ont continué de faire vivre notre culture après la mort de Riel, qui ont créé toute une économie pour faire survivre la culture métisse lorsqu’il n’y avait plus de bisons. »
Le scénario est donc inspiré en partie par l’histoire, mais Simon Miron mentionne autre chose. « Dre Suzanne Steele a trouvé un journal écrit par un Anglais venu sur ces terres pour faire la chasse aux bisons. Il a rencontré un guide métis. Dans ce journal, il explique comment il est tombé en amour avec une jeune femme métisse, et il parle de ce guide extraordinaire nommé Baptiste Robideau et d’une sorte de triangle amoureux. Dre Suzanne Steele avance la théorie que ce Baptiste Robideau pourrait être Louis Riel. C’est en tout cas ce qui a inspiré cette histoire. »
Et pour raconter cette histoire sur scène, ce sont 70 personnes qui monteront sur les planches de la Salle du Centenaire. Des chanteurs, des choeurs, des danseurs et des musiciens, et cela sans compter l’orchestre symphonique de Winnipeg qui les accompagnera. Beaucoup de monde sur scène pour représenter plusieurs langues. Cinq en tout : michif du Sud, michif français, ojibwé, français et anglais.
Authenticité
L’écriture a donc demandé beaucoup de travail de collaboration. De plus, pour s’assurer de leur authenticité et que les cultures soient respectées, les costumes et les arts apportés sur scène ont aussi été réalisés en collaboration avec des artistes autochtones. Et pour Simon Miron, Métis, cette démarche-là est au coeur de la production de Li Keur : Riel’s Heart of the North.
« C’est aussi une façon de donner de l’espace à nos artistes, leur donner l’occasion d’être vus, puis d’être capables de travailler, de comprendre et d’apprendre à propos de nos langues. »
Finalement, le metteur en scène espère que ce projet, pour lequel des personnes autochtones ont eu leur mot à dire tout au long de sa création, pavera la voie vers une évolution du monde de la scène. « On veut investir dans un futur où tous les acteurs pourraient être autochtones. Ça prend peut-être plus de temps, et dans le monde du théâtre, on a tendance à vouloir aller vite, mais cette façon de faire nous apporte de bonnes leçons. Prendre le temps de bien faire les choses par exemple. On ne peut pas faire les choses de la même façon sans arrêt. Si l’on veut travailler avec des personnes autochtones, cela demande quelques ajustements. Métisser le théâtre et l’opéra, c’est ça vraiment notre espoir pour le projet. »
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