Une bonne occasion de décortiquer les techniques, les astuces et les ingrédients qui se cachent derrière cet art de la scène en apparence si simple, et pourtant si complexe. Réponses avec certains des joueurs de cette nouvelle saison.
Créée en 1990, la LIM est un incontournable des soirées franco-manitobaines. Chaque année, dans la salle Antoine-Gaborieau du Centre culturel franco-manitobain (CCFM), quatre équipes de six à huit joueurs s’affrontent les vendredis soirs dans une joute verbale sans texte prédéfini et sans mise en scène pensée à l’avance. La LIM met donc en avant l’improvisation théâtrale.
Si le genre n’est pas nouveau, son caractère imprévu rend chaque match unique. Mais comment prépare-t-on l’imprévu? Comment trouver le bon mot au bon moment? Et comment gérer son stress? « C’est une affaire individuelle », lance Roger Durand, 24 LIM et trois Ligue d’improvisation du secondaire tellement époustouflante (LISTE) derrière lui. Avec sa grande expérience, il décrit son approche.
« Pour moi, il a fallu comprendre comment construire une histoire. C’est venu petit à petit, quand j’ai commencé à entraîner des équipes au secondaire. J’ai essayé de décortiquer ce qui faisait une bonne improvisation, et pouvoir le démontrer m’a beaucoup aidé. Maintenant, je sais qu’avoir des conversations avec d’autres improvisateurs m’aide beaucoup. Et chaque année, j’essaie d’ajouter leurs différents points de vue à mon jeu. »
Éternellement à la recherche d’amélioration, Roger Durand essaie de nouvelles choses dès qu’il sent qu’il « frappe un plateau ».
À 24 ans, même si elle ne vit que sa troisième édition de la LIM, Léanne Marchildon se pose les mêmes questions que Roger Durand. Celle qui a étudié les sciences infirmières se souvient de ses premiers pas à la LIM. « C’était pas mal intimidant. Je jouais devant ma communauté, je voyais pas mal de monde. Donc faire une mauvaise impro pouvait être embarrassant! Puis, les années passent, tu deviens correct devant le public, et tu apprends l’autodérision. Les mauvaises impros, ça arrive et ça permet de s’améliorer. »
Les clés d’une bonne improvisation
Alors que Léanne Marchildon évoque les mauvaises improvisations, il est intéressant de se demander à l’inverse : qu’est-ce qu’une bonne improvisation? Là, chaque joueur peut avoir une interprétation différente.
« Pour moi, c’est une impro qui avance, qui a un bon flow. Il faut qu’il y ait un début, un problème et une résolution. S’il y a ces trois éléments, il est fort probable que ce soit une bonne improvisation », explique Alexandre McMurray, qui vit cette année sa deuxième édition de LIM.
Alexandre McMurray, 26 ans, souligne aussi le caractère soudain de l’improvisation, avec des réactions parfois à l’instinct. « Si je suis sur le banc et que j’ai quelque chose à ajouter à une impro en cours, il faut le faire immédiatement. Il ne faut pas manquer le moment, c’est essentiel. »
Habituée aux arts de la scène, Véronique Demers est cette année dans l’équipe jaune pour sa deuxième participation à la LIM. Selon elle, comme Alexandre McMurray, une bonne improvisation est une improvisation qui roule, sans temps mort.
« C’est très subjectif. Ce que je peux qualifier d’une bonne impro, quelqu’un peut ressentir l’inverse! » Mais Véronique Demers souhaite surtout rappeler que pour elle, bien finir une improvisation reste la partie la plus dure. « L’impro peut se commencer avec n’importe quoi : un personnage, un lieu, une émotion. Mais ensuite, il faut prendre toutes les informations données pendant l’impro et en faire une fin qui a du sens. Retomber sur ses pieds est souvent délicat. »
Histoire cohérente
Si l’improvisation n’a pas nécessairement besoin d’être drôle, tous les intervenants s’accordent sur la cohérence de l’histoire comme un élément incontournable.
« À la fin de tout, c’est le public qui décide. Le public veut quelque chose de jamais vu, de la créativité et du divertissement. Une bonne histoire avec de bons personnages et de l’émotion sont les clés d’une bonne improvisation », décrit Roger Durand, qui a fait pratiquer plusieurs des joueurs participants à la LIM.
Malgré toute son expérience, Roger Durand reste encore surpris par certaines de ses répliques, ou encore le jeu de ses coéquipiers. « Parfois, je ne comprends pas tout. Ça sort simplement, c’est incroyable. Il y a des moments magiques où tout le monde comprend que c’est vraiment bon. C’est pour ces moments que je fais de l’impro. J’attends toujours ce prochain moment-là. »
Références communes
C’est l’une des particularités et des forces de la LIM : la diversité de sa francophonie. Les joueurs représentent la francophonie manitobaine et sa richesse de langue. Alors que tous n’ont pas le même âge, la même culture ou encore le même vocabulaire, comment avoir des références communes pour s’assurer de jouer sur la même longueur d’onde? « Même entre Manitobains, on ne peut pas s’assurer d’avoir les mêmes connaissances. Mais à force jouer ensemble, on se comprend de mieux en mieux. Et peu importe d’où l’on vient, on peut apprendre à se comprendre », remarque Roger Durand.
Tous mentionnent égale-ment des moments passés hors des matchs pour améliorer son jeu, mais aussi mieux se connaître. « Ça aide à créer un meilleur esprit d’équipe. Et puis parfois, s’il y a une mésentente, on continue quand même! (rires) », ajoute Véronique Demers.
Les différences culturelles sont aussi un atout pour les équipes. Cela offre des découvertes intéressantes et parfois de nouvelles possibilités.
« On a cette année une nouvelle dans notre équipe, Océane Goigoux, qui vient de la France. Lors d’un match, elle a demandé ce que voulait dire le mot niaiseux. On lui a expliqué et surtout, on lui a dit d’inclure ça dans son jeu (rires). Et elle nous apprend aussi de nouveaux mots, c’est enrichissant », conclut Alexandre McMurray.
Ma première LIM
À la différence des joueurs cités dans l’article La science de l’improvisation, Xyza LaRochelle vit, à 18 ans, sa toute première LIM. Les arts de la scène sont arrivés dans sa vie un peu par hasard. En 8e année, parmi plusieurs options, elle décide de suivre un cours de théâtre. « Je suis directement tombée amoureuse de cet art! C’était vraiment le fun! Le fait de ne pas trop savoir ce qui va se passer, ne pas avoir de texte notamment pendant les impros, c’est magique. »
Après un temps de pause forcé par la pandémie, Xyza LaRochelle a vite repris le théâtre. La jeune adulte a notamment participé à deux éditions de la LISTE et était cet été, avec la délégation manitobaine, aux Jeux franco-canadiens du Nord et de l’Ouest pour participer à l’épreuve de l’improvisation. Après ces étapes, tenter sa chance à la LIM était la suite logique. « Tout le monde a été super acceptant. C’est vraiment une chance d’avoir été choisie par une équipe. Et le premier match est arrivé, c’était bizarre d’improviser devant autant de monde. En plus, j’étais avec des gens qui font ça depuis des années. C’était intimidant au début. »
Sur scène, un « sentiment incroyable »
Membre de l’équipe jaune, celle qui vient de Sainte-Agathe raconte ses premiers pas sur la scène de la LIM. « J’ai regardé la foule, j’ai regardé mon équipe, c’était un sentiment incroyable. Il y a encore quelque temps, j’étais dans le public avec ma mère. J’ai eu beaucoup d’émotions. Au final, ça s’est bien passé, c’était très amusant. »
Xyza LaRochelle se souvient aussi du soutien de son équipe, mais aussi des joueurs adverses qui l’ont tous aidée à passer ce moment et à réduire son stress. « J’ai eu beaucoup d’encouragements, c’est un bel environnement. » Sur scène, Xyza LaRochelle a d’ailleurs remarqué que son stress se calmait grandement. « Je me sens comme si j’avais un pouvoir. C’est toute une bouffée d’adrénaline. Je me sens invincible. Comme si je pouvais tout faire. Peu importe ce qui va se passer, je sais que ça va bien aller. »
Alors que cette nouvelle saison n’a pour l’instant que quelques semaines, Xyza LaRochelle a déjà hâte de jouer ses prochains matchs pour s’améliorer. À seulement 18 ans, elle essaie de prendre un peu de recul sur ce qui lui arrive et se dit fière de son parcours. « Oui, parfois je m’impressionne un peu moi-même. Je sens que ma mentalité change par rapport au secondaire, notamment quand ça vient au fait de juger mes performances. Maintenant, j’arrive à bien réfléchir à ce que je fais. J’arrive à admettre si j’ai bien fait ou mal fait une impro. Et peu importe comment ça s’est passé, je vais essayer de voir à ce que j’aurais pu ajouter. »