Les professionnels de l’éducation se disent satisfaits et attendent désormais de voir l’impact qu’aura ce retour.
Aboli en 2017, le retour de ce poste était demandé par certains. En plus d’apparaître dans le discours du Trône, il s’agit aussi de l’une des demandes écrites dans la lettre de mandat fournie au ministre de l’Éducation, Nello Altomare.
Pour rappel, en octobre 2017, au motif de procéder à une restructuration, Jean-Vianney Auclair avait été muté à un autre poste. Le BEF était alors passé sous la responsabilité d’un sous-ministre adjoint anglophone, Rob Santos.
Cette décision avait été unanimement mal reçue par la francophonie manitobaine. Son retour représente une aubaine pour améliorer les liens entre cette communauté et le gouvernement selon Josh Watt, directeur général de la Manitoba School Board Association. « C’est une bonification des relations. À notre avis, on voit là la réalisation des efforts investis par la communauté pendant plusieurs années depuis l’établissement de ce poste pour s’assurer qu’on a toujours une voix au sein du gouvernement pour faire avancer les objectifs de l’éducation en français dans notre province. »
Du côté d’Alain Laberge et de la Division scolaire franco-manitobaine (DSFM), ce retour est un peu plus à nuancer. En effet, le directeur général de la DSFM rappelle que malgré ces six années d’absence, les projets ont tout de même bien avancé. « Même si nous avons eu des interlocuteurs anglophones, nous avons continué à travailler. Nous avons notamment obtenu trois nouvelles écoles. Je n’ai rien à redire sur le travail qui a été fait, le BEF a aussi continué à avancer. On nous avait d’ailleurs garanti que malgré l’absence de ce sous-ministre adjoint-là, on ne serait pas perdants. »
Quel rôle et quelle influence?
Alain Laberge appuie dans ce sens. Selon lui, ce retour ne sera bénéfique que si la personne qui occupera ce poste est assurée d’avoir une réelle influence sur les décisions. « Pour nous, la partie la plus importante, c’est d’avoir un/une sous-ministre adjoint.e francophone qui a de l’impact au niveau ministériel. Oui, on gagne un poste. Mais si cette personne-là n’est pas là pour faire avancer nos dossiers, on sera un peu pris entre l’arbre et l’écorce. »
En plus du niveau de responsabilité, Josh Watt attend également un individu qui a l’expérience de la francophonie manitobaine, si unique au pays.
« C’est une expérience différente au Canada. Cette personne doit avoir la connaissance de la lutte communautaire pour protéger et promouvoir les droits francophones. On ne peut pas séparer l’éducation de son contexte communautaire. Pour nous, rétablir ce poste vient remplir ce manque. »
Si les initiatives ont, comme l’explique Alain Laberge, pu avancer, il est important, selon Josh Watt, de pouvoir retrouver « un champion » pour s’assurer du maintien des projets.
Dernière interrogation pour Alain Laberge : un changement dans les processus. En effet, avec un intermédiaire en plus, est-ce que cela va changer des choses pour avoir facilement l’accès à l’oreille du ministère?
« Encore une fois, tout dépend du rôle qu’on donnera à cette personne. Si c’est pour avoir une autre étape pour accéder au ministre, le processus s’alourdit. Alors bien sûr, on aura une personne francophone qui nous connaît bien avec nos réalités. Mais c’est peut-être une étape supplémentaire pour faire avancer des projets. »
Du côté du gouvernement, le ministre de l’Éducation Nello Altomare rappelle l’importance pour les élèves francophones d’avoir « accès à un enseignement de qualité dans leur langue et leur culture. »
Quant au processus de recrutement, le ministre ne donne pas de détails concrets mais précise qu’il « est en cours et les Manitobains peuvent s’attendre à une mise à jour sur ce poste au cours de la nouvelle année. »
Un sous-ministre adjoint aussi pour l’apprentissage autochtone
En plus du rétablissement du poste de sous-ministre adjoint pour le Bureau de l’éducation française, le gouvernement néo-démocrate a annoncé la création d’un poste lié à l’éducation des élèves autochtones. « Nous soutiendrons l’apprentissage autochtone en créant un poste de sous-ministre adjoint pour l’excellence dans ce domaine afin de faire de la réussite des élèves autochtones un pilier du système scolaire du Manitoba », peut-on lire dans le discours du Trône.
Sans plus de détails concrets, le ministre de l’Éducation Nello Altomare avait notamment précisé, dans une rencontre à la mi-novembre, que cette personne devrait diriger « la création de milieux d’apprentissage inclusifs et culturellement sécurisant pour tous les élèves autochtones du Manitoba. » Et tout comme les élèves francophones avec le poste de sous-ministre adjoint pour le Bureau de l’éducation française, il est essentiel, pour le ministre que « les élèves autochtones aient accès à un enseignement de qualité dans leur langue et leur culture. »
Robert-Falcon Ouellette, anthropologue et chercheur dans les domaines de l’éducation autochtone, salue cette annonce, mais en attend plus. « Ce dont on a le plus besoin, c’est des ressources dans les écoles pour s’assurer de la réussite des élèves. Pour moi, c’est un poste qui peut être important, mais aussi symbolique si les ressources ne suivent pas. »
Celui qui a été récemment candidat pour le Parti libéral dans la circonscription de Southdale garde tout de même toujours de l’espoir pour améliorer les choses. « Au moins, il y aura une personne allouée à la réussite des élèves autochtones, mais va-t-il vraiment regarder aux problématiques? Va-t-il aussi faire un état des lieux des programmes déjà en place? Par exemple, à l’Université du Manitoba, les problèmes d’apprentissage, on les voit. Il y a notamment du décrochage scolaire dès la première année. Il y a donc des sujets de fond sur l’apprentissage de la lecture, de l’écriture, des sciences, des mathématiques. Toutes ces matières premières ne sont pas bien enseignées. »
Le processus de recrutement pour le poste sous-ministre adjoint pour l’excellence autochtone « est en cours » et une mise à jour est attendue « au cours de la nouvelle année. »