Depuis qu’elle a sept ans, Awa Soumbounou prépare des jus de fruits dans les cuisines du restaurant de sa mère, qui lui a appris à le faire, au Sénégal. Mais ce ne sont pas des fruits ordinaires, parfois ce ne sont même pas des jus de fruits, mais des jus de fleurs. Du jus de tamarin, de gingembre, d’hibiscus ou encore de baobab, Awa Soumbounou a ramené ses recettes dans ses valises lorsqu’elle s’est installée à Winnipeg, il y a maintenant 11 ans.
« Depuis que je suis au Canada, je fais ces jus pour mes amis, en certaines occasions comme les fêtes. Mais je n’aurais jamais pensé en faire une affaire », explique-t-elle. Pourtant, cela fait un an maintenant qu’Awa Soumbounou a, sous les encouragements de ses proches, décidé de « se lancer » dans cette aventure entrepreneuriale. À travers son entreprise Awa Bissap corp, la Winnipégoise d’adoption vend les boissons emblématiques de son pays d’origine aux Manitobains, mais pas seulement, puisqu’elle livre également des clients au Québec.
Il faut dire que ce genre d’entreprise professionnelle n’impressionne pas du tout la jeune femme, qui n’en est pas à son coup d’essai. « J’ai toujours aimé l’entrepreneuriat, dit-elle. Petite déjà, j’achetais des choses pour les revendre. »
C’est dans une cuisine collective, située dans le quartier du vieux Saint-Vital, qu’Awa Soumbounou confectionne ses produits. « C’est une cuisine que je partage avec d’autres entreprises. » Cette dernière compte trois stations de travail et, si elle n’est pas petite, la cuisine n’est pas non plus gigantesque. Mais l’entrepreneuse s’assure tou-jours d’avoir la place nécessaire. « Je viens pendant les week-ends ou bien après le travail de 17 h à 21 h. À ces moments-là, il n’y a généralement personne. »
À raison de 15 $ par heure, Awa Soumbounou passe « au minimum » 8 h par mois dans cette cuisine à préparer ses jus. Du temps qu’elle prend en plus de son travail à temps plein dans une compagnie d’assurance. Mais Awa Soumbounou a bon espoir pour la suite. « Je pense que d’ici quelques années, je vais pouvoir m’investir dans mon entreprise à 100 % », lance-t-elle, pas peu fière du succès rencontré jusqu’à présent.
« J’étais à la fois étonnée (du succès) et pas vraiment en même temps (rires). Parfois, tu te lances dans quelque chose et tu sens que ça va fonctionner. »
Car Awa Bissap compte plus de 1 000 abonnés sur TikTok et certaines vidéos cumulent plus de 15 000 vues. C’est d’ailleurs sur les réseaux qu’elle fait la majeure partie de sa promotion. À travers des vidéos de préparation, des idées de cocktails, ou simplement en répondant aux questions des internautes.
Des produits venus d’ailleurs
Il faut dire que sur le marché de la boisson, ce que propose la Sénégalaise d’origine, ça ne court pas les rayons. Pourtant, la majorité des produits qu’elle utilise se trouvent ici. « Le gingembre, le tamarin et l’hibiscus, j’en trouve ici, dans des magasins ethniques africains par exemple. Le baobab en revanche, c’est difficile. Il a fallu que je l’importe depuis le pays. C’est un peu coûteux, mais pour le moment ça fonctionne comme ça. »
Pour les curieux, le fruit du baobab, aussi appelé « pain de singe », est issu de l’arbre du même nom. C’est une grande coque dure, de couleur verte. À l’intérieur, cependant, l’on trouve des graines tendres de couleur blanche, qui ressemblent à s’y méprendre à du pop-corn. Les coûts de production varient donc en fonction du produit. « L’hibiscus est moins cher par rapport au baobab et au tamarin, et cela me coûte environ 150 $ pour faire une vingtaine de litres, sans compter les autres ingrédients qui entrent dans la confection, comme le sucre par exemple. »
Au-delà du côté exotique de ces produits, et de leurs goûts, les fruits et fleurs utilisés peuvent avoir des bienfaits sur la santé (1). « Le gingembre est bon pour le cœur, l’hibiscus est bon pour la peau, la perte de poids et les maux de ventre. Le fruit du baobab quant à lui est riche en vitamine C et est un excellent antioxydant. »
L’aide de la communauté
Même si elle ne s’est pas « lancée à l’aveugle », il n’est jamais simple de lancer une entreprise de zéro. Mais la jeune femme souligne qu’elle a pu compter sur le soutien de la communauté. Pour cela, Awa Soumbounou s’est rapprochée de plusieurs personnes. Des restaurateurs, notamment ceux de l’Université de Saint-Boniface (USB), ou encore des propriétaires de magasins ethniques. « Je voulais qu’ils m’aident en vendant mes produits, et ils ont accepté. Les gens m’ont beaucoup aidée, ils ont acheté mes produits, mais aussi, ils m’ont identifiée sur les réseaux sociaux. Le lancement a été très bon. Et ce n’est pas seulement que les gens voulaient m’aider, ça montre aussi qu’ils apprécient le produit et ça, ça facilite un peu les choses. »
Pour ce qui est des canaux de diffusion, Awa Soumbounou fait livrer ses produits, qu’elle stocke d’ailleurs dans un frigidaire attitré dans la cuisine collective. Mais ses jus se trouvent aussi auprès de certains magasins comme les Jardins Saint-Léon ou encore le supermarché Millad, qui vend, entre autres, des produits africains. « Ces commerçants accueillent bien les entrepreneurs locaux. Les grands magasins, eux, demandent trop, c’est plus difficile. » Toutefois, avec l’assurance qui la caractérise, Awa Soumbounou ajoute : « Mais je ne suis pas inquiète, je sais que je vais y arriver. »
Awa Soumbounou faisait également partie des 25 commerçants à avoir participé à la deuxième édition du Marché d’artisans et entrepreneurs noirs organisé par Wilgis Agossa, qui se tenait plus tôt au mois de février. Pour l’entrepreneure, ce genre d’initiative est très importante. « Ça m’a permis de faire des contacts, et bien sûr, ça a donné l’occasion aux gens qui ne connaissaient pas mes jus de les goûter. Ça m’a beaucoup apporté, 90 % de ma visibilité provient de ce genre d’évènement. »
(1) Bien que le gingembre, l’hibiscus et le fruit du baobab aient des propriétés bénéfiques pour la santé, il est important de prendre en compte votre situation individuelle et toute condition médicale préexistante.