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Le scénario est le même dans la plupart des provinces et territoires au pays. Le fédéral, les gouvernements provinciaux et territoriaux doivent reconnaitre l’importance d’offrir des services en français et assurer une stabilité du financement des organismes.
« Il y a très peu de ressources pour les femmes [qui sont aux prises avec la violence] en Saskatchewan, malheureusement. En français, il n’y a absolument rien. C’est aussi simple que ça », se désole Mélissa Gagnon, vice-présidente de l’organisme Entr’Elles Regroupement femmes de la Saskatchewan.
« Il y a très peu de maisons d’hébergement pour les femmes. Il y a quelques hébergements de seconde étape, mais même là, les listes d’attente sont très longues », ajoute-t-elle.
Au Manitoba, la directrice de ChezRachel, Sonia Grmela, fait la même observation. « Le service francophone est extrêmement limité. On est le seul endroit où il y a un programme d’appui et un hébergement qui est francophone à Winnipeg, et je crois que, dans l’Ouest canadien, on est les seuls », précise-t-elle.
Même si certains organismes et maisons d’hébergement ont la capacité d’offrir des services dans les deux langues officielles, leur nombre est limité et l’offre de services en français est variable d’un endroit à l’autre, précise Sonia Grmela.
Une situation qui peut avoir d’importantes conséquences sur la capacité des femmes à se sortir du cycle de violence.
« Elles restent plus longtemps dans la situation dangereuse parce qu’elles ne savent pas où se tourner », observe Marie Dussault, gestionnaire et cofondatrice de l’organisme Inform’Elles, en Colombie-Britannique. En raison de leur vulnérabilité et de la difficulté de leur situation, le manque de services en français a des répercussions même chez les femmes qui sont complètement bilingues, selon elle.
« [Les femmes aux prises avec la violence sont] émotives, très déboussolées. De comprendre comment ça fonctionne, de dire les bons mots, de demander les bonnes choses, de comprendre ce qu’on nous dit aussi, c’est important. Alors, les conséquences sont très graves. »
Marie Dussault soutient que le manque d’accès à des services dans sa langue risque de compromettre la sécurité des femmes et parfois celle de leurs enfants. « Ça aussi, c’est une grosse inquiétude », ajoute-t-elle.
Les femmes francophones invisibilisées
En 2022, le ministère Femmes et Égalité des genres Canada a publié le Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe. Le document ne fait aucune mention de la réalité des femmes francophones et acadiennes aux prises avec la violence.
Une omission à laquelle a répliqué l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne (AFFC) dans sa Stratégie nationale et plan d’action pour contrer les violences faites aux femmes et aux filles vivant dans les communautés francophones et acadiennes.
« Ce sont 1,326 million de femmes francophones et acadiennes qui vivent en situation minoritaire et c’est la responsabilité du gouvernement fédéral d’assurer un leadeurship pour protéger et assurer l’accessibilité des services en français pour elles. »
Près de la moitié des organismes membres de l’AFFC (7 sur 15) ne reçoivent pas de financement de fonctionnement de base servant notamment à couvrir les couts d’administration et de fonctionnement.
La plupart des programmes fédéraux actuels servent strictement au financement de projets ponctuels, ce qui contribue à la précarité des services offerts par ces organismes.
« Il y a des risques énormes pour les femmes qui sont aux prises avec les violences genrées, peu importe où ça se situe sur le spectre [de la violence] », déplore Mélissa Gagnon. Elle confirme que l’organisme Entr’Elles souhaiterait pouvoir offrir plus de services aux femmes francophones de la Saskatchewan.
« Présentement, on ne peut pas faire grand-chose. On n’a pas le budget pour avoir une employée à temps plein, donc c’est principalement du bénévolat. On a une employée à temps partiel et elle en fait déjà vraiment beaucoup. »
Une situation similaire prévaut en Colombie-Britannique chez Inform’Elles, ce qui irrite Marie Dussault. « C’est ça qui est dommage. On met tellement d’énergie pour essayer d’assurer la pérennité de notre service que ça nous empêche justement de nous développer. Et puis ça, c’est l’argument qu’on fait et tout le monde le comprend. En même temps, les gens nous disent tous : “mais vous n’êtes pas les seules.” Mais on dit : “oui, on est les seules” [à offrir un service en français comme celui-ci]. »
Au Manitoba, Sonia Grmela rappelle que le gouvernement fédéral a des obligations linguistiques à respecter. « On est quand même un pays bilingue et on devrait, officiellement en tout cas, pouvoir offrir [des services en français] », insiste-t-elle.
Assurer la stabilité
Dans son mémoire présenté lors des consultations pour le budget fédéral de 2024, l’AFFC recommande notamment que le gouvernement « assure un financement de base spécifique pour toutes les organisations de femmes francophones et acadiennes en situation minoritaire ».
Consultez le mémoire de l’AFFC déposé lors des consultations en vue du budget fédéral de 2024
« Chacun peut s’entraider dans le milieu »
Pour assurer des services aux femmes francophones, certains organismes francophones s’investissent dans la sensibilisation à l’offre de services en français auprès d’organismes partenaires anglophones. C’est le cas notamment chez Inform’Elles, en Colombie-Britannique.
« On veut faire des formations du milieu majoritaire par rapport à la réalité des femmes francophones, explique Marie Dussault. Les intervenantes sont très intéressées, elles ne nous connaissent pas et elles ne comprennent pas nos réalités. » La gestionnaire déplore toutefois que ce travail de sensibilisation soit toujours à recommencer auprès de la communauté majoritaire.
« Chacun peut s’entraider dans le milieu », affirme Sonia Grmela, qui reconnait que certains organismes anglophones offrent des services minimaux en français. Son organisme encourage les femmes à apprendre l’anglais pour faciliter leur accès aux services d’aide.
« Quand on habite au Manitoba, on n’a pas vraiment le choix. Mais ça ne veut pas dire que le français doit être négligé. Il y a une communauté franco-manitobaine ici et on doit garder cette langue et le droit d’avoir des services en français », ajoute-t-elle.
Le travail de sensibilisation dans la lutte à la violence genrée se fait en continu. C’est pour cette raison que le travail de l’AFFC, des organismes membres et des maisons d’hébergement au pays est essentiel pour permettre aux femmes francophones et acadiennes de briser le cycle de la violence.