Des données qui viennent du Programme canadien de surveillance pédiatrique (PCSP). Ce syndrome entraîne notamment de graves troubles alimentaires. Rencontre avec des familles qui vivent avec.
S’il a été décrit pour la première fois en 1956 par trois médecins suisses Andrea Prader, Alexis Labhart et Heinrich Willi, ce syndrome reste encore très peu documenté, comme l’explique le PCSP qui n’a d’ailleurs que des estimations à partager sur la fréquence du syndrome.
En revanche, là où il y a plus de détails, c’est sur les symptômes. Cette maladie génétique est due à une anomalie du chromosome 15. Elle est caractérisée par un dysfonctionnement hypothalamique, qui vient de l’hypothalamus, une partie du cerveau qui joue un rôle capital dans la régulation des fonctions vitales, comme la sensation de faim et de satiété. Ce dysfonctionnement entraîne notamment de l’hyperphagie (1) et de l’obésité et a pour conséquences secondaires le diabète, les maladies cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux et l’apnée du sommeil.
Outre l’impact physique, les personnes atteintes souffrent aussi de déficience intellectuelle, le plus souvent légère ou modérée. Cela peut engendrer des troubles du comportement, un déficit des habiletés sociales, des troubles des apprentissages et des troubles psychiatriques. (2)
« La nutrition est le plus grand des défis. Les personnes atteintes sont capables de manger de grandes quantités de nourriture et souvent ils risquent de mourir par explosion de leur estomac, ou ils s’étouffent avec la nourriture. Donc, on parle de choses graves. »
Carole Elkhal
Une différence dès la naissance
Les tests ADN sont désormais couramment utilisés pour identifier cette anomalie et confirmer le diagnostic clinique du syndrome de Prader-Willi. « Garçon, fille, ethnicité, ça n’a aucun impact, tout le monde est touché de manière égale. C’est quelque chose qui est dans toute la population. Et la très grande majorité des cas ne sont pas héréditaires. On pense qu’autour de 2000 enfants sont touchés au Canada », jauge Carole Elkhal, qui a passé dix années à travailler pour la Fondation pour Prader-Willi Research Canada (FPWRC), créée en 2006 par des parents d’enfants atteints du syndrome de Prader-Willi (SPW).
À la naissance, le SPW se manifeste notamment par une faiblesse musculaire sévère (hypotonie néonatale) qui entraîne des difficultés d’alimentation chez les nouveaux-nés. Carole Elkhal, qui a une fille de 13 ans nommée Giulianna et atteinte par le Prader-Willi, en dit plus.
« À la naissance, je dirais que les enfants sont comme des poupées sans muscles. Un enfant dit « normal » va pouvoir ramener ses bras et ses jambes vers l’intérieur, mais les bébés Prader-Willi n’ont pas un tonus musculaire très fort. Et ils ont un problème de succion. La grande majorité d’entre eux se retrouvent donc au service néonatal pour les aider à manger, parce que malheureusement, ils ne sont pas capables de sucer la bouteille ou le sein. Ensuite, ça progresse vers l’âge de deux ans, on remarque l’entrée de l’hyperphagie. »
Mark Joseph vit avec sa femme Jennifer et sa fille Darwin, 10 ans, et son fils Edison, 7 ans, au Manitoba. Mark Joseph est membre du conseil d’administration de la FPWRC et organise plusieurs évènements autour de Prader-Willi au Manitoba. Il parle de sa fille Darwin, atteinte du syndrome. « Lorsqu’elle est née, nous avons tout de suite su que quelque chose était différent chez elle », commence-t-il.
Comme expliqué par Carole Elkhal, Mark Joseph a aussi immédiatement remar-qué ce manque d’énergie typique des cas Prader-Willi. « Elle était vivante, mais elle ne faisait pas de bruit. Elle n’ouvrait pas les yeux et était souple comme une ficelle. » Il ajoute : « Darwin est née à Toronto, avec un médecin qui n’avait jamais diagnostiqué de Prader-Willi. Mais, on a su qu’un test existait pour ce syndrome. Puis, très heureusement, et je dis bien heureusement, nous avons reçu un diagnostic à quatre semaines de vie. »
En effet, un diagnostic précoce a permis à Darwin de bénéficier d’une prise en charge rapide et adaptée qui ont évité une prise de poids excessive.
Un mode de vie bouleversé
Après ce diagnostic, Mark Joseph et son épouse se sont alors rapprochés de la FPWRC, de l’association Prader-Willi en Ontario, mais aussi d’autres familles touchées pour mieux com-prendre les enjeux d’une telle maladie. « J’ai rapidement compris que notre fille serait confrontée à des difficultés tout au long de sa vie. Et donc, par extension, la famille aussi. Mais j’ai aussi appris que Darwin finirait par marcher, parler, aller à l’école et prendre le train. »
Justement, des défis, les familles impactées en vivent tous les jours. Au premier rang : la question obses-sionnelle de la nourriture.
« La nutrition est le plus grand des défis. Les personnes atteintes sont capables de manger de grandes quantités de nourriture et souvent ils risquent de mourir par explosion de leur estomac, ou ils s’étouffent avec la nourriture. Donc, on parle de choses graves. Il y a aussi cette possibilité d’obésité morbide, et tout ce que ça peut engendrer : diabète, problèmes cardio-vasculaires, etc. C’est très lourd. Il est difficile de vivre normalement en société. Même, avoir un emploi, c’est compliqué, imaginez les lunchs dans la cafétéria… », souligne Carole Elkhal.
Mark Joseph met aussi de l’avant la question sociale. Si Darwin va à l’école comme les autres enfants de son âge, le père de famille concède qu’elle a beaucoup de mal à avoir des relations personnelles. « Les personnes avec Prader-Willi aiment les gens, les bébés et les animaux, mais ils ne comprennent pas comment avoir une conversation à deux, comment donner leur avis, avoir de l’empathie et être compréhensif envers l’autre. Nos gros problèmes actuels sont, oui, le développement social, l’interaction sociale. Nous essayons donc de l’occuper en la faisant participer à de nombreux programmes. »
C’est d’ailleurs aussi ce qu’évoque Darwin quand on lui demande ce que ça fait d’avoir le syndrome de Prader-Willy. « C’est triste », dit-elle. Son père lui a alors demandé : qu’est-ce qui te rend le plus triste? « Le fait que j’ai du mal à me faire des amis », souffle-t-elle.
« Nous avons eu beaucoup de rendez-vous et d’évaluations au cours de ses premières années de vie. Notamment, lors de ses 365 premiers jours, nous avons eu 145 rendez-vous médicaux, évaluations médicales, séances de thérapie, etc. »
Mark Joseph
De la patience et de l’organisation
Mark Joseph confirme à quel point la vie de famille peut être totalement bouleversée par le Prader-Willi.
« C’est un mode de vie atypique. Nous devons répondre aux besoins de Darwin. Elle a d’importants problèmes de comportement qui vont de pair avec la recherche de nourriture. Nous devons donc parfois gérer des situations, mais honnêtement, cela m’a appris beaucoup de patience. »
De la patience et de l’organisation. Les familles avec un membre atteint du syndrome doivent en général suivre un régime strict et éviter les excès. La cuisine des Joseph est par exemple un lieu très encadré : garde-manger qui ne peut s’ouvrir qu’avec une empreinte digitale, frigidaire fermé avec des verrous, aucune nourriture qui traîne (3).
Enfin, quel suivi médical pour les personnes qui vivent avec le Prader-Willi? Mark Joseph explique que sa fille ne voit désormais que très peu les médecins.
« C’est l’un des superpouvoirs du syndrome Prader-Willi : les enfants n’ont pas souvent de maladies dites normales comme le nez qui coule ou la toux. Tous les rendez-vous médicaux, évaluations et suivis de Darwin sont liés à un ou plusieurs symptômes de son syndrome. À cet égard, elle est donc en très bonne santé. Mais nous avons eu beaucoup de rendez-vous et d’évaluations au cours de ses premières années de vie. Notamment, lors de ses 365 premiers jours, nous avons eu 145 rendez-vous médicaux, évaluations médicales, séances de thérapie, etc. Maintenant qu’elle est extrêmement bien prise en charge, elle a des rendez-vous réguliers deux à trois fois par an. » Mark Joseph précise que la Province du Manitoba ne met pas d’argent dans la recherche, mais soutient Darwin notamment grâce aux services sociaux et de l’aide de professionnels. Elle fait aussi partie du Children’s disABILITY Services de la Province.
(1) Se caractérise par des pertes de contrôle, comme des crises ou des rages alimentaires impossibles à maîtriser.
(2) D’autres informations sur cette maladie : https://www.has-sante.fr/jcms/p_3291625/fr/syndrome-prader-willi
(3) Plus de détails en vidéo.
Un espoir médical?
Si, à date, il n’existe aucun traitement pour Prader- Willi, plusieurs experts et études ont montré que des traitements aux hormones de croissance peuvent faire des améliorations, mais n’évitent pas un régime alimentaire strict tout au long de la vie. Darwin en prend quotidiennement notamment.
Mais selon Mark Joseph des avancées significatives pourraient voir le jour très prochainement. « Une spécialiste de Miami en Floride, qui a mené l’essai clinique pendant cinq ans, nous a informés d’un nouveau médicament qui sera disponible, si tout va bien, au cours du deuxième trimestre 2024. Ce sera une pilule à prendre tous les jours. Elle est censée améliorer de manière significative le symptôme de l’hyperphagie. »
Il restera ensuite à voir dans combien de temps Santé Canada approuvera ce nouveau médicament. La question du prix sera aussi un enjeu. « On m’a dit que ce serait assez abordable, quoi que cela puisse signifier pour des personnes de différentes familles. Mais pour comparer, Darwin reçoit une injection quotidienne d’hormone de croissance et le dosage de cette injection est basé sur sa taille. Pour l’instant, cela représente environ 10 000 $ par an pour Darwin. On m’a dit que ce nouveau médicament, en raison de son mode de fabrication, ne coûtera qu’une fraction de ce prix. »
C’est pour soutenir la recherche et les familles touchées par Prader-Willi que la FPWRC fait des collectes de fonds (1). La branche manitobaine de la fondation a notamment prévu de se retrouver au parc Kildonan le 9 juin. « La prise en charge des personnes atteintes de Prader-Willi est coûteuse. Ces recherches sont donc absolument bénéfiques pour leurs vies et celles de leurs proches. Ce que je dis aux gens, c’est qu’il est important de donner à la fondation. 99,9 cents de votre dollar iront directement à la recherche », conclut Mark Joseph.
(1) Détails et informations sur : https://www.fpwr.ca/