On admettra volontiers que le constat devient quelque peu redondant, mais il n’en est pas moins vrai pour autant. Le coût de la vie augmente.
Les factures, les loyers, l’essence, sans oublier, les courses, et certaines familles ont de plus en plus de mal à suivre le rythme.
Alors avec l’inflation, l’insécurité alimentaire et la malnutrition augmentent aussi. C’est certainement le cas en ville, à Winnipeg, et ça l’est aussi dans les zones rurales.
C’est en tout cas le constat que fait Aurèle Boisvert, président de la banque alimentaire de Sainte-Anne. «Ça va de mal en pis. Le montant de la demande augmente toujours. J’espère que ça va se calmer parce que ça devient inquiétant. »
Dans les locaux de la banque alimentaire de Sainte-Anne, une centaine de paniers sont entreposés et remplis à ras bord par près d’une dizaine de bénévoles. Le contenu des paniers est sélectionné avec soin, en fonction de la famille ou de l’individu auquel il est adressé. Aurèle Boisvert montre du doigt la petite feuille de papier collée sur l’un des cartons.
Ces dernières respectent un code couleur et indiquent le nombre d’enfants et d’adultes dans la résidence où le panier sera livré. Les paniers sont garnis avec des bananes, des denrées non périssables comme des pâtes, du riz. Et même de la viande.
« Présentement, on est autour de 105 paniers distribués toutes les deux semaines, indique Aurèle Boisvert. La valeur d’un petit panier va être autour de 100 $ et on peut compter 200 $ pour un gros. » Le président précise toutefois qu’il s’agit du prix, en magasin. « Nous, on ne paye pas ça. Nous avons toutes sortes d’arrangements avec les coopératives, les commerçants locaux et nous recevons aussi des dons de nourriture. »
Bien entendu, l’inflation a également un impact sur le fonctionnement de l’organisme en lui-même. « Tous les prix augmentent, étant donné que le nombre de paniers que l’on doit préparer augmente aussi alors ça coûte plus cher. »
Augmentation de budget
Mais Aurèle Boisvert, dans le même souffle, fait valoir que la banque alimentaire bénéficie du soutien, à la fois de la communauté, et aussi de la Ville de Sainte-Anne et de la Municipalité. Les deux entités subventionnent d’ailleurs le budget opérationnel de la banque. Et cette année, cette dernière a demandé et obtenu une augmentation. « Tous les deux donnent 10 000 $ cette année. » Soit une augmentation de 2 000 $ par rapport à l’année passée.
Puisque le contexte socio-économique change, qu’en est-il du profil des personnes qui font appel à la banque alimentaire?
Selon Aurèle Boisvert, il existe une grande variété de profils parmi les bénéficiaires. « Il y a des personnes qui ont des défis cognitifs, de la difficulté à garder leur emploi. Des gens qui travaillent de manière saisonnière, d’autres qui se sont blessés à l’ouvrage. Il y a des mariages brisés, des situations monoparentales.
« Il y a aussi des gens qui travaillent très fort et qui ont encore besoin de la banque alimentaire. Ils ont tous leur histoire et la chose qu’ils ont en commun c’est qu’ils n’ont pas assez d’argent pour s’acheter de la nourriture. »
Et parfois, c’est aussi une affaire de choix. Comme le dit si bien Aurèle Boisvert, il y a des choses qu’il faut absolument payer. Comme le loyer, au risque de finir dehors, l’essence pour aller travailler ou encore le chauffage. « Le seul budget malléable, c’est la nourriture et les médicaments. Ils sacrifient souvent ça pour d’autres dépenses. »
Jusque dans les écoles
La problématique de l’insécurité alimentaire n’épargne personne. Et en dépit des efforts de certains parents, les enfants peuvent aussi en pâtir. Dans le budget 2024 de la Province, il est possible de lire à propos de la création d’un programme universel de nutrition scolaire pour lequel 30 millions $ ont été alloués.
À quelques kilomètres de Sainte-Anne, à l’École Saint-Joachim, on a décidé de prendre le problème à bras le corps. Une demande de subvention a été placée auprès du Child nutrition council of Manitoba et un octroi de 8 000 $ a été accordé à l’école au mois de mars. «Ça nous fait 8000$ pour les quatre derniers mois de l’année scolaire, explique Karine Pilotte, la directrice de l’école. Ça fait un bon 2 000 $ par mois alors nous étions très enthousiastes de pouvoir ajouter cela à notre offre et d’aider nos élèves à ajouter un peu dans leur boîte à lunch chaque jour. »
Ainsi tous les matins, une fois passés les portes de l’école, une table garnie de fruits, de légumes et de céréales attend les 435 élèves de l’école qui peuvent se servir librement, mais raisonnablement quand même. « Nous ne nous sommes pas contentés de dire aux élèves : prenez ce que vous voulez », précise la directrice.
Éducation
En effet, en plus de cette initiative, à laquelle a grandement contribué le conseiller scolaire Claude Arnaud, un programme d’éducation a été mis en place en parallèle. « Pour leur parler de ce qu’est une alimentation équilibrée. Leur dire qu’on ne porte pas de jugement sur qui prend quoi. On parle de gaspillage, et le message est aussi de dire : on prend ce dont on a besoin, mais on laisse aux autres ce dont ils ont besoin. »
Par la même occasion, Karine Pilotte estime que le programme permet aussi d’enseigner « des valeurs de respect et de privilège aussi ».
« Ils réalisent : moi j’ai de la chance d’avoir ce que j’ai dans ma boîte à lunch par rapport à d’autres. Ça permet de créer un sentiment d’empathie et de compassion. » Le système mis en place vise à éliminer totalement le potentiel stigma et le sentiment de honte que pourrait ressentir un élève en proie au phénomène d’insécurité alimentaire.
Au sein de l’établissement, le constat est assez similaire à celui d’Aurèle Boisvert, « certaines situations familiales font en sorte que c’est plus difficile de fournir des aliments de qualité ».
Une demande de subvention a déjà été placée pour la prochaine année scolaire. Le montant demandé est un peu plus élevé cependant, car la directrice aimerait continuer d’allouer 2 000 $ par mois à ce programme de nutrition.
Un partenariat local
Le programme de nutrition de l’école Saint-Joachim permet notamment de faire fonctionner l’économie locale du village. En effet, le conseiller scolaire Claude Arnaud a démarché le Red River Co-op local pour fournir les fruits et les collations. « Il a fallu qu’ils planifient, indique Karine Pilotte. Parce que lorsqu’on leur a dit qu’on allait prendre 10 sacs de pommes, c’est normalement ce qu’ils vendent en trois ou quatre jours. » Malgré la demande importante, la coopérative a répondu présente.
Initiative de journalisme local – Réseau.Presse – La Liberté