Cette installation a fait quatre galeries publiques en Alberta et est exposée hors de la province pour la première fois, à Winnipeg.
Son parcours commence Montréal, où Patricia Lortie a étudié le design industriel et l’administration des affaires. Elle travaille cinq ans avant de suivre des cours à l’Université des arts de l’Alberta à Calgary où elle fait un an d’études artistiques.
Plus de 20 ans de carrière
Il y a près de 24 ans que Patricia Lortie a débuté sa carrière en tant qu’artiste professionnelle. Après avoir passé dix ans à peindre des paysages et à exposer des toiles, elle décide de s’engager vers de nouveaux horizons. Elle commence ensuite à exposer ses projets d’installations solo, inspirés de la nature.
Pour Patricia Lortie, le monde qui nous entoure reste un thème proéminent de son travail, qui est « inspiré de notre relation de symbiose avec la nature ». À travers son art, elle a pour objectif de « démontrer visuellement le fait qu’on est inséparable de la nature, que nous sommes la nature ».
L’artiste explique que le concept artistique Les Gardiens est né pendant la pandémie de COVID-19, lorsqu’elle faisait une résidence au Centre d’art Kiyooka Ohe à Calgary. « Il y avait quelque chose qui se passait au niveau de soi, de la communauté et comment les gens vivaient la pandémie. Il y avait un genre de conflit entre le communautaire et le personnel. C’est ce que je ressentais.
« Je me suis alors demandée : Qu’est-ce que je vois dans la nature qui est vraiment une représentation de cette idée? D’individus qui se retrouvent dans une communauté qu’ils doivent faire fonctionner? » Le concept de la forêt était donc son « point de départ ». « J’ai décidé que j’allais créer une installation qui est comme une forêt, dans laquelle les gens peuvent entrer et se promener, et dans laquelle ils deviennent partie intégrante de cette communauté. »
Les gardiens et leur ancêtre
L’installation comprend des sculptures en carton recyclé qu’elle appelle « les gardiens ». Ces figures qui ressemblent à des troncs d’arbres se rassemblent en une « communauté », au centre de laquelle se trouve « l’ancêtre ».
« J’ai pris ce matériel et j’ai créé mes gardiens, qui sont une forêt de sculptures qui donnent l’impression d’être des arbres. Au centre, se trouve une sculpture qui est plus grosse que les gardiens, mais fabriquée de la même façon. Je l’appelle “l’ancêtre”. J’ai fait le tronc plus gros pour y installer un projecteur à la tête. »
Pendant un an, l’artiste a pris le temps de filmer la canopée de la forêt près de chez elle pour compléter son oeuvre. « J’y allais lorsqu’il y avait un changement dans la forêt, toujours à la même place. J’ai suivi la transition des saisons qui est projeté sur le plafond de la salle. C’est pour cette raison que celui avec un projecteur est appelé l’ancêtre. C’est le témoin et la mémoire du temps qui passe. »
Son installation est aussi accompagnée d’une projection de « vagues de corps humains qui passent à travers les arbres » et qui représentent « le passage de l’humain sur notre planète. »
Des êtres avec une expression
Patricia Lortie évoque que, pour elle, les 11 sculptures évoquant des arbres, sont « devenues vivantes à leur façon ».
« C’est comme s’ils prenaient une vie qui était en dehors de la mienne, mais qui m’accompagnait. Quand je choisis la manière de les installer dans la galerie, je me dis ce sont des êtres avec une expression qui leur appartient, et puis j’essaie de respecter ça le plus que possible. »
Elle explique également que Les Gardiens est « vraiment une installation qui touche les gens », ce qui semble être un aspect important pour l’artiste. « J’ai mis debout dans mon studio la première sculpture que j’ai terminée. Lorsque le directeur du centre d’art est venu me voir, Il est rentré dans le studio et a pris la sculpture dans ses bras. Là, j’ai compris quelque chose. J’ai compris que les sculptures qui avaient émergé de mon travail étaient des entités qui attiraient. »
Entre réflexion et partage
C’est dans sa vie quotidienne que Patricia Lortie trouve un refuge pour son inspiration artistique. « C’est vraiment de mettre mon corps en relation avec la nature et de vivre, et ensuite de faire sortir ces abstractions au niveau artistique. Essayer de se laisser imprégné par l’expérience qu’on vit physiquement et ensuite réinterpréter ça au niveau visuel », ajoute-t-elle.
Quant au rôle de l’artiste dans la société, « c’est de prendre le temps de réfléchir et de pousser l’engagement par rapport au sujet sur lequel il travaille, à un niveau qui n’est pas nécessairement possible à toute la population ».
« Pour moi, c’est ça mon travail », dit-elle. « L’artiste a le privilège de pouvoir prendre la majorité de son temps, et de l’investir dans une réflexion. Cette réflexion-là peut être partagée dans la société. Je pousse ma réflexion par rapport à notre symbiose à la nature et ensuite ma responsabilité est de la partager, afin de pouvoir provoquer une réflexion ou un sens d’appartenance plus profond chez les gens. »