Michelle Smith étudie alors au Collège universitaire de Saint-Boniface et cherche à s’impliquer dans sa communauté.

C’est lorsque son professeur de français demande à ses élèves Qui pourrait être intéressé à rejoindre un groupe de jeunes? que Michelle Smith lève la main. « Je suis allée à une rencontre préliminaire. Le CJP s’est ensuite officiellement formé en 1974. J’ai immédiatement rejoint le conseil d’administration. À cette époque, je trouvais qu’il était difficile d’exprimer ma fierté pour le français. Faire partie du CJP m’a permis de rejoindre un groupe qui partageait les mêmes idées que moi. »

Michelle Smith mentionne que, dans les débuts de l’organisme, la priorité était donnée aux camps de leadership et aux camps de formation.

« Ça bouillonnait d’idées et de créativité. On se rendait dans les écoles pour rencontrer des jeunes et on les réunissait les fins de semaine pour des formations en histoire, en politique, ou encore en techniques de leadership. On organisait souvent des évènements autour de la musique, des rencontres inter-villages, précurseurs de ce que l’on peut retrouver aujourd’hui. »

La décennie 1970 a connu des évènements marquants, comme l’épisode de la brouette ou encore le festival On s’garoche à Batoche. Michelle Smith s’en souvient bien. « À ce temps-là, on menait beaucoup de contestations, focalisées sur notre langue. En 1977, il y a eu la mise sur pied de la Commission Pépin-Robarts, qui sondait le pays au sujet du bilinguisme. Avec les membres du CJP, dont le président était alors Richard Chartier, on avait pris une brouette qu’on avait remplie de documents, et on l’a déposée devant les commissaires. »

Ces documents étaient en lien avec la situation précaire des francophones et portaient le message : Tout a été dit. « Les Franco-Manitobains étaient frustrés de répéter la même chose : Nous existons; nous avons des droits. On avait un côté révolutionnaire, on voulait lancer des actions pour changer les choses. Dans cette même décennie, on avait aussi créé un relais pour les jeunes au Festival du Voyageur : Le Relais des jeunes pionniers. Mais je dirais que le plus gros évènement a été On s’garoche à Batoche. »

On s’garoche à Batoche

Ce rassemblement, qui s’est déroulé du 29 juin au 2 juillet 1979, a été organisé par le mouvement l’Ouest en action, un regroupement des associations de jeunesse francophones des quatre provinces de l’Ouest (1).

Au moins 700 jeunes étaient présents sur le site historique national de Batoche, en Saskatchewan. Michelle Smith avait été la coordonnatrice de l’évènement pour le Manitoba.

« Ça a été un rassemblement très créatif, qui a marqué les esprits. Il y avait des comédiens qui présentaient des pièces de théâtre, une panoplie d’activités ont été organisées. Le but de ce festival était de faire la promotion de notre identité francophone, et de faire valoir notre fierté.

« On s’agaroche à Batoche a été un marqueur pour les jeunes de cette époque. C’était toute une expérience, on vivait dans des tentes, il fallait s’organiser pour la nourriture, on mangeait dehors, ça a été un des temps forts pour le CJP. Au niveau identitaire, je crois que l’évènement a eu un grand impact.

« Les années 1970 ont, je pense, marqué la vie de bien des jeunes. Le CJP était dans ses débuts et cherchait à motiver les jeunes, à nourrir la fierté de qui on est et à renforcer la confiance en soi. »

Alors que son amour pour la langue française avait du mal à se tailler une place, Michelle Smith a eu l’occasion d’exprimer qui elle était.

« Grâce au CJP, les francophones qui cherchaient à s’exprimer ont pu le faire. Pour ma part, j’ai développé mes talents de leadership, j’ai participé à un moment important dans le développement de la francophonie. Cette expérience m’a aidée tout au long de ma vie.

« Je me suis fait beaucoup d’amis, j’ai vécu une expérience enrichissante. Le CJP, c’était une belle place pour exprimer ma jeunesse. J’étais dans le feu de l’action. Je planifiais, rencontrais du monde, mettais en place des stratégies. C’est sûr que ça a contribué à façonner la personne que je suis devenue, une personne qui s’est impliquée dans de nombreux organismes. »

Michelle Smith en souhaite tout autant à d’autres jeunes. « J’espère que le CJP pourra continuer à épauler les jeunes dans leur quête identitaire. C’est essentiel d’avoir un organisme de ce genre dans notre communauté, un organisme au sein duquel les jeunes peuvent se regrouper. Longue vie au CJP! »

(1) Pour plus d’information, consultez l’article de La Liberté paru le 5 juillet 1979 : Les jeunes francophones de l’Ouest se sont « garochés » à Batoche.