Plus tôt cet été, l’initiative de CBC Manitoba’s Future 40 Under 40 a mis en valeur quelques personnalités qui jouent un rôle important au Manitoba. Tous ont été reconnus pour leur impact positif sur la société manitobaine au niveau social, éducatif ou de la santé.

Parmi les 10 récipiendaires du prix figurent Alex Nguyen (une icône drag), Christina McKay (aide d’anciens jeunes pris en charge par les services sociaux à suivre des études supérieures), Timi Ojo (agrométéorologue originaire du Nigeria, spécialisé dans la surveillance de l’humidité du sol et la prévision des impacts des inondations) et Annie Drapeau (neurochirurgienne pédiatrique à l’Hôpital pour
enfant du Centre des sciences de la santé).

La docteure Drapeau, qui possède aussi une maîtrise en sciences pharmacologiques de l’Université de Sherbrooke, est née à Shediac au Nouveau-Brunswick. La vie lui a permis de développer un lien particulier avec Winnipeg

« Ce prix vient confirmer un petit peu que les gens me voient vraiment comme une Manitobaine. Ma connexion avec Winnipeg a commencé quand j’avais neuf ou dix ans. J’ai fait du ballet pendant trois étés, et je venais faire des camps d’été ici. Plus tard, dans ma formation en médecine, j’ai effectué ma première année de résidence à Winnipeg. C’est là que j’ai rencontré mon employeur actuel et plusieurs de mes collègues. »

Une experte dans son domaine

Deux raisons principales expliquent la reconnaissance qu’elle vient d’obtenir.

D’une part parce que Annie Drapeau, qui a été un temps la seule neurochirurgienne dans la province, est la seule certifiée en neurochirurgie pédiatrique par l’American Board of Pediatric Neurological Surgery (ABPNS). (Elle est également certifiée en neurochirurgie par le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada.)

D’autre part parce qu’elle est en train de mettre en œuvre une nouvelle technique d’intervention chirurgicale au Manitoba. Après six ans passés au Nationwide Children’s Hospital à Columbus en Ohio, la docteure Drapeau a développé une expertise dans le traitement des affections crâniofaciales pédiatriques, en particulier de la craniosynostose, qui provoque une déformation du crâne. (1)

Au-delà du préjudice physique, la déformation peut aussi provoquer une hypertension intracrânienne et empêcher le développement normal du cerveau de l’enfant. La craniosynostose se traite très bien, toutefois elle nécessite une intervention lourde afin de remodeler le crâne et libérer de l’espace pour le cerveau en développement.

« Pour une chirurgie classique, il faut attendre que l’enfant ait entre six mois et un an. On fait une incision sur le dessus de la tête, une coupure qui va vraiment d’une oreille à l’autre. On expose ainsi une grande partie de l’os du crâne. L’intervention chirurgicale peut nécessiter cinq heures. Comme elle entraîne beaucoup de perte de sang, on a besoin d’une transfusion sanguine. »

Toute la période post-intervention s’avère lourde : enflures, potentielles complications. Les enfants doivent être surveillés aux soins intensifs

Une nouvelle méthode

La Winnipégoise d’adoption souligne que la technique est sécuritaire et qu’elle donne de très bons résultats. De plus, elle reste l’option privilégiée lorsque les enfants sont un peu trop âgés pour l’intervention « minimalement invasive » qu’elle prône.

La méthode minimalement invasive est idéale pour les enfants diagnostiqués dès les premières semaines de leur vie. Annie Drapeau détaille son approche. « On est capable d’offrir cette intervention à la majorité d’entre eux. Il s’agit d’une petite incision, de trois à cinq centimètres.

« On enlève une petite ligne d’os là où la suture devrait exister. En anglais, je dis qu’on unlock le crâne. L’intervention prend une heure et demie. Les enfants n’ont pas besoin de transfusion, parce que la perte de sang est minime. Ils restent tout de même une journée ou deux à l’hôpital, pour s’assurer que tout aille bien. Ensuite ils peuvent rentrer à la maison. »

Pour donner de bons résultats, la chirurgie doit être effectuée entre deux mois et trois mois et demi après la naissance. Il est donc essentiel qu’un diagnostic soit posé rapidement.

« Les enfants doivent ensuite porter un casque, qui est modelé spécialement pour eux et qui guide le remodelage de leur crâne. Ils doivent le porter jusqu’à l’âge d’un an, environ. » La neurochirurgienne précise qu’au Manitoba, la chirurgie et les casques sont couverts par l’assurance santé. « C’est accessible, il suffit de faire le diagnostic. »

La docteure Drapeau souligne qu’elle n’a pas inventé cette technique moins invasive. Mais qu’elle n’était pas utilisée dans la province avant son arrivée.

On estime qu’environ un enfant sur 2 500 peut naître avec une craniosynostose.

(1) Soudure prématurée des sutures crâniennes chez l’enfant, gênant le développement du cerveau.