Toutefois à l’approche des prochaines élections fédérales, en principe prévues en 2025, le politologue Christopher Adams croit que les militants libéraux devraient plutôt pointer leurs attaques contre le chef conservateur.
Depuis déjà plusieurs mois, des sondages donnent le Parti libéral perdant aux prochaines élections fédérales générales. Avec la baisse de popularité de Justin Trudeau coïncide la montée en popularité du Parti conservateur. Un phénomène de vase communicants qui provoque des questions dans les rangs de certains élus fédéraux libéraux qui avaient même demandé une réunion du caucus libéral.
D’après le sondage effectué en ligne par la firme Léger, entre le 28 et le 30 juin, avec une marge d’erreur de plus ou moins 2,51 %, seulement 27 % des personnes sondées approuvaient le travail de Justin Trudeau comme Premier ministre. Toutefois 63 % des sondés libéraux pensent que Justin Trudeau devrait conduire leur parti à la prochaine élection. Ce pourcentage d’appui pour le chef monte à 82 % pour les militants du Nouveau Parti démocrate et de même pour les adhérents du Parti conservateur.
Chute de popularité
Plusieurs facteurs peuvent expliquer la chute de popularité du Premier ministre, comme l’explique Christopher Adams, professeur associé d’études politiques à l’Université du Manitoba. « Tout d’abord, le gouvernement libéral est au pouvoir depuis 2015. Après neuf ans, il se développe souvent une sorte de lassitude envers ceux qui gouvernent.
« Pendant la campagne de 2015, nous avons vu Winnipeg devenir très rouge, très libérale. Une réalité que nous n’avions pas vu depuis plusieurs élections. Mais au fil du temps, un sentiment de désenchantement s’est installé à l’égard de Justin Trudeau. »
Christopher Adams évoque plusieurs faux pas, comme des vacances à Tofino lors de la première journée nationale de la Vérité et de la Réconciliation, des erreurs d’appréciation concernant l’organisme de charité WE Charity, ou encore des tensions avec l’ancienne ministre de la Justice autochtone Jody Wilson-Raybould.
Mais surtout, le professeur rappelle que le chef libéral « se présentait comme un réformateur. Notamment sur la question du système électoral. Finalement, il n’a pas agi dans ce dossier. Je dirais que Justin Trudeau a commis l’erreur de ne pas réaliser un grand nombre des promesses optimistes faites lors de l’élection de 2015. »
Des promesses oubliées
Outre les facteurs de déception qui relèvent du seul Justin Trudeau, il y a également le facteur de l’Opposition officielle qui joue en sa défaveur. « Andrew Scheer et Erin O’Toole ne faisaient pas consensus au sein de leur parti. Pour Pierre Poilievre, c’est différent. C’est un leader efficace. Il attaque Justin Trudeau de front sur des questions comme l’abordabilité du logement, la fiscalité. Si bien que le Premier ministre doit pour la première fois faire face à un chef de l’Opposition qui a l’aval de son parti et qui est capable de le défier. »
Ces raisons expliqueraient donc principalement le désintérêt des Canadiens envers le Parti libéral. Un désintérêt qui s’est manifesté durant l’élection partielle de la circonscription de Toronto – St. Paul’s.
Cette défaite libérale, Christopher Adams la présente d’une manière imagée : « Si vous regardez la carte électorale de la région de Toronto, vous verrez une carte rouge avec juste une pointe de bleu. Cette pointe de bleu représente le début de la chute des libéraux dans les régions riches en sièges de l’Ontario. Beaucoup d’observateurs pensent que s’ils ne peuvent pas garder Toronto, ils ne peuvent pas garder le pouvoir à l’échelle nationale. »
Tout peut arriver
L’actuelle grogne au sein du Parti libéral pourrait s’avérer une distraction dont les conservateurs pourraient profiter pour gagner du terrain, pense Christopher Adams. Le politologue constate que « des cercles libéraux disent qu’il devrait se retirer et organiser une course à la direction. La réalité, c’est que Justin Trudeau les a amenés à la victoire en 2015, en 2019 et en 2021. Pour ma part, je le vois bien se retrousser les manches, se lancer dans la campagne et réussir ce qu’il a accompli aux dernières élections.
« D’ailleurs, les libéraux devraient se concentrer sur certains faits. Par exemple : Pierre Poilievre n’est pas populaire chez les femmes. Il faudrait pour eux réussir à tirer profit de cette situation. Jusqu’à présent, ils se sont montrés plutôt mal avisés dans leur contestation de Pierre Poilievre. Ils ont à toutes fins utiles été presque silencieux. De leur part, ce n’est pas une bonne stratégie.
« Pour voir ce qui va arriver, en admettant que Justin Trudeau reste, il faudra suivre la campagne électorale. Justement parce que tout peut arriver durant une campagne électorale. Surtout qu’il reste encore vraisemblablement au moins une année avant qu’elle ne soit déclenchée. »
Elmwood – Transcona : la toile de fond
Une élection partielle devrait bientôt avoir lieu au Manitoba.
La circonscription d’Elmwood – Transcona est traditionnellement acquise au Nouveau Parti démocratique (NPD), à l’exception d’une parenthèse entre 2011 et 2015 lorsque le conservateur Lawrence Toet l’avait emporté.
Christopher Adams, professeur associé d’études politiques à l’Université du Manitoba, rappelle le contexte qui avait mené à cette exception. « Au moment où le très populaire Bill Blaikie s’est lancé en politique provinciale, c’est Jim Malloway (NPD), un autre néo-démocrate assez connu, qui s’est présenté et qui a remporté l’élection. Cependant, il n’avait pas la solide réputation de Bill Blaikie. À l’élection suivante, en 2011, il avait perdu la faveur des électeurs sur la question de l’enregistrement des armes à feu. Les conservateurs en ont profité pour récupérer le siège. De plus, Lawrence Toet avait bénéficié de la popularité grandissante de Stephen Harper.
« La démographie d’Elmwood – Transcona s’était aussi transformée. On était déjà passé d’un monde surtout ouvrier à, entre autres, des enseignants, des comptables. Lawrence Toet a su tirer avantage de ce changement sociologique. »
Avec le contexte politique fédéral actuel, où Pierre Poilievre jouit d’une popularité grandissante, la question est de savoir si le NPD va pouvoir conserver ce siège. « Ce qui est sûr c’est que chaque parti va présenter des nouveaux visages dont la popularité n’est pas acquise d’avance. »
Christopher Adams tient aussi à rappeler que les élections partielles ne répondent pas aux mêmes dynamiques que les élections fédérales générales. « Dans une élection partielle, le candidat local peut faire une énorme différence. De plus, lors d’élections partielles, le taux de participation est beaucoup plus faible, il tourne généralement autour de 30 à 35 %. »
Initiative de journalisme local – Réseau.Presse – La Liberté