Parmi les villes qui ont déposé des projets figurent Victoria, Edmonton, Saskatoon, Windsor, Halifax et Winnipeg, où un comité de citoyens a décidé de tenter sa chance avec le projet La Petite Fourche. L’idée? Développer les berges où la rivière Rouge et la rivière Seine se rencontrent.
L’âme derrière ce projet s’appelle Jean Trottier, un professeur agrégé au Département d’architecture paysagère à l’Université du Manitoba. Au point de départ, il n’avait pas prévu de s’impliquer dans pareille initiative de développement urbain. « En 2021, le gouvernement fédéral s’est engagé à créer davantage de parcs urbains nationaux dans son budget.
Le contexte de ce projet
« À ce moment-là, j’avais écrit une lettre ouverte dans The Globe and Mail pour pousser Parcs Canada à sortir de leurs pratiques traditionnelles. En leur suggérant d’explorer ce qu’un parc urbain pourrait donner. Dans la lettre, je mentionnais notamment ce qu’on pourrait envisager avec des parcs urbains dans les quartiers centraux de Winnipeg, comme Point Douglas. J’ai reçu des commentaires de la part de Sel Burrows. Un activiste qui a été impliqué à plusieurs niveaux pour améliorer les quartiers centraux. »
Des discussions s’en sont suivies. Finalement, à la demande de Sel Burrows, Jean Trottier a accepté de prendre la charge de proposer un projet à Parcs Canada. Le professeur à l’Université du Manitoba a alors monté une équipe de six personnes pour faire de la recherche et déposer une esquisse de projet auprès de Parcs Canada. Jean Trottier précise que le Fédéral n’est pas seul à décider dans pareil dossier. « Outre Parcs Canada, il faut convaincre : la Ville de Winnipeg, la Fédération métisse du Manitoba et Treaty One Nation. Nous les avons rencontrés. Ils sont intéressés. À eux maintenant d’effectuer des recherches complémentaires. »
Pour qu’un projet soit retenu, Parcs Canada a établi trois critères principaux : la protection de l’environnement, l’augmentation de l’accès à la nature et la réconciliation avec les Peuples autochtones.
Pour Jean Trottier, aucun doute que projet déposé répond à ces trois exigences. « La jonction de la rivière Seine et de la rivière Rouge est un des endroits avec le plus de valeur écologique dans Winnipeg. Malheureusement, du côté de Point Douglas, des terrains ont été développés depuis plus de 150 ans. L’endroit est donc forcément contaminé. »
« La jonction entre la rivière Seine et la rivière Rouge revêt un caractère historique pour les Métis. C’est, entre autres, l’endroit où Louis Riel est né. »
Jean Trottier
Un projet de réconciliation
« En revanche, dans le corridor de la rivière Seine, l’organisme Sauvons notre Seine a déjà accompli beaucoup de travail ces dernières années pour développer le terrain.
« Le projet soumis permettrait de faire la même chose du côté de Point Douglas pour finir par obtenir la même valeur écologique des deux côtés des berges. »
Par rapport au critère de réconciliation avec les Peuples autochtones, le professeur Trottier est bien au fait de la valeur culturelle du lieu. « La jonction entre la rivière Seine et la rivière Rouge revêt un caractère historique pour les Métis. C’est, entre autres, l’endroit où Louis Riel est né. »
Walter Kleinschmit, un activiste bien connu qui porte plusieurs casquettes touchant des projets patrimoniaux, note que « la rivière Seine a été une des artères principales à la création de la province du Manitoba. Les colons se sont servis de la rivière Seine pour voyager. Son histoire est assez ignorée à Winnipeg. À preuve : dans le développement du lieu historique de La Fourche, la rivière Seine a complètement été ignorée, alors qu’elle a joué un rôle essentiel à l’époque où se développait la Colonie de la Rivière-Rouge.
« Le projet permettrait une réhabilitation de la rivière dans sa fonction primaire : le voyage sur l’eau, les activités sociales et la protection de l’environnement. »
À titre de président d’Héritage Saint-Boniface et de l’Association des résidents du vieux Saint-Boniface, Walter Kleinschmit a présenté le projet à autant de personnes que possible pour aller chercher leur aval.
Accès à la nature
Quant à l’accès à la nature, Jean Trottier estime qu’il est temps de se concentrer davantage sur les quartiers dits centraux. « Ces endroits parmi les plus défavorisés économiquement représentent tout de même 20 % de la population de Winnipeg, et qui a le moins accès à la nature.
« Quand je dis que c’est un quartier qui a le moins accès à la nature, je veux dire qu’il y a des déficiences en termes de superficie d’espaces verts par habitant. Ces résidents n’ont pas accès à ce que les normes internationales considèrent comme optimales. »
D’après le rapport établi par Jean Trottier et son équipe, les résidents du centre-ville et des quartiers anciens doivent se contenter de 30 m2 à 41 m2. Soit beaucoup moins que la moyenne canadienne qui est de 50 m2. Et encore moins que les résidents des banlieues de Winnipeg qui peuvent espérer presque 80 m2.
Le chercheur pointe « qu’il y a tellement d’études sur la santé mentale qui montrent l’importance d’avoir accès à la nature. Avec les problématiques comme les changements climatiques, de plus en plus d’études s’intéressent aux espaces verts dans les villes. Certaines ont d’ailleurs démontré le lien entre la réduction des températures et le développement d’espaces verts dans la ville ».
Aucun budget n’a été présenté dans le rapport pour définir les coûts d’un tel projet.
Initiative de journalisme local – Réseau.Presse – La Liberté