À 47 ans, John Ferrer entame l’été avec beaucoup de fierté. Il a quitté la France sans jamais avoir passé son baccalauréat, le diplôme qui en France donne accès à l’université. John Ferrer vient d’obtenir son équivalent. 

« J’ai toujours rêvé d’avoir mon bac. En France, je n’étais pas très assidu dans mes études. Mais j’ai toujours gardé cette envie dans un coin de ma tête. » 

C’est par le biais de sa femme, Mélanie Ferrer, qui travaille à la Division scolaire franco-manitobaine, que John Ferrer a entendu parler du Centre d’apprentissage pour adulte. Sa motivation a fait le reste. 

« J’essaie de me fixer des objectifs chaque année. En 2024, c’était l’éducation. Je voulais me prouver que je pouvais réussir. C’est quelque chose de personnel, dont j’avais envie depuis longtemps. » 

Ce programme andragogique s’adresse aux adultes francophones âgés de 19 ans et plus. Les cours sont du niveau 11e année et 12e année. Pour s’adapter au mieux à la population ciblée, ils sont offerts le soir, du lundi au jeudi, de 18h à 21h, au Collège Louis-Riel. John Ferrer a tout de même dû s’adapter un petit peu. 

« Ça a demandé une certaine organisation personnelle, en particulier pour ma femme. Comme je n’étais plus à la maison le soir, il fallait qu’elle s’occupe de tout : du repas jusqu’au ménage. Son aide m’a permis de me consacrer entièrement à mes études. » 

Des cours adaptés

Ajoutons aux heures de cours les devoirs à faire pendant les fins de semaine et on réalise bien vite que seul le nom différencie le programme pour adultes des classiques cours de 12e année. 

John Ferrer admet volontiers avoir mis sa vie « en suspens pendant quatre mois et demi ». Toutefois il ne tire que du positif de son expérience au Centre d’apprentissage pour adulte. 

D’abord, parce que son aventure studieuse se termine sur un diplôme. Ensuite parce qu’elle était humaine, cette aventure. 

« Je retiens surtout la belle mixité d’élèves. Il y avait au moins une dizaine de nationalités représentées dans les cours du soir. Métissage des cultures garanti! Bien sûr les études sont importantes, mais rencontrer des gens, écouter leurs histoires, c’est très enrichissant. J’ai vécu une belle aventure humaine. » 

John Ferrer ajoute sur le ton de l’anecdote que « l’un des jeunes » de sa classe l’appelle parfois pour lui demander des conseils. « Il y a un rapport humain qui s’est créé. » 

Plus d’une centaine d’élèves ont pris part aux cours du soir de l’année scolaire qui vient de se terminer. Les objectifs, tout comme les parcours scolaires, sont propres à chacun. 

Pour John Ferrer, il s’agissait de relever un défi personnel, de répondre à une envie qui le démangeait depuis longtemps. Pour d’autres, l’obtention de la 12e année est essentielle pour élargir leurs perspectives d’avenir. 

Se donner un avenir

C’est le cas de Prisca Diawala. Âgée de 22 ans, originaire du Congo, elle a rejoint le Centre d’apprentissage pour adulte dès son arrivée au Manitoba à l’âge de 20 ans, en 2021. « Je l’ai fait parce que je voulais reprendre mes études et aller à l’université. » 

Avant d’arriver au Canada, Prisca Diawala était réfugiée en Algérie. « Je n’étais pas dans une position où je pouvais étudier confortablement. » Au Manitoba, grâce aux cours du soir et au diplôme obtenu, les portes de l’Université de Saint-Boniface lui sont dorénavant ouvertes pour devenir enseignante.

Si en termes de contenu et de variété des profils les classes du soir sont similaires à celles des 11e et 12e années régulières, Carole Michalik, qui enseigne depuis cinq ans la biologie au Centre d’apprentissage pour adulte, relève quand même quelques éléments distinctifs. 

« La grande différence, c’est qu’on a affaire à des adultes. Ils sont en général plus responsables, plus autonomes. On n’a pas de suivi des parents (rires). De notre côté, en raison de leurs besoins familiaux ou professionnels, on sait bien qu’ils ont moins de temps pour faire des devoirs à la maison. Une situation qu’on doit prendre en compte. »

Et puisque la population des salles de classe se compose principalement de personnes issues de l’immigration, les professeurs se trouvent souvent à endosser un rôle qui va au-delà du simple enseignement. 

« Ils ont plus de questions sur ce qu’ils pourraient étudier. Nous faisons donc aussi un peu un travail de conseiller pédagogique. Parfois les conseils prennent un tour plus personnel, car les élèves n’ont pas toujours quelqu’un pour les aider ou les guider dans leurs décisions. On joue donc aussi un rôle dans leur intégration sociale et professionnelle. » 

Des responsabilités à caractère social

L’ambition professionnelle existe également au secondaire régulier. Mais au Centre d’apprentissage pour adulte, personne n’occupe de poste dédié à l’orientation. 

Carole Michalik s’accommode volontiers de ces responsabilités à caractère social. « J’aime jouer un rôle, même minime, dans leur orientation et leur intégration à la communauté. On les encourage à inscrire leurs enfants à la DSFM, on leur explique pourquoi c’est important. Ça me fait plaisir de les aider. Et puis j’aime connaître leur histoire, leur vécu. » 

Si les salles de classe comptaient plus d’une centaine d’élèves cette année, Carole Michalik remarque qu’il n’y a pas vraiment de limite au nombre d’élèves adultes que le programme peut recevoir. 

Si le programme ne refuse pas d’étudiants, l’enseignante précise que pour l’année qui vient de passer, il a fallu faire appel à du personnel supplémentaire. Les professeurs qui interviennent dans le cadre du programme ne peuvent généralement pas venir de la DSFM, en raison de leur contrat. 

« Les personnes qui travaillent dans d’autres divisions scolaires peuvent venir au Centre. Certaines sont à la retraite, ou bien viennent de l’Université du Manitoba. Ces gens-là ont un contrat avec la DSFM, mais seulement pour le Centre. »

Pour s’inscrire, il faut s’adresser au directeur du Centre d’apprentissage franco-manitobain, Amadou Cissé. 

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