Le rapport 2022-2023 sur l’offre des services en français publié par le Secrétariat aux affaires francophones du Manitoba soumet un état nuancé des lieux.
Le rapport souligne une absence de progrès réalisés dans la mise en œuvre de services en français, en précisant que la période évaluée était encore soumise aux effets de la pandémie.
Quant aux plans stratégiques mis en place par les différentes entités publiques pour répondre aux dispositions de la Loi sur l’appui à l’épanouissement de la francophonie manitobaine, voté à l’unanimité en 2016, ils semblent difficiles à concrétiser.
Dans ses conclusions, le rapport laisse entendre que ce manque d’avancement pourrait être en partie dû au fait que les éléments les plus « faciles » des plans stratégiques ont été traduits en acte lors des trois ou quatre premières années.
Néanmoins, le rapport met en valeur quelques exemples encourageants. Il est indiqué, entre autres, que le nombre de postes désignés bilingues a augmenté, quoique légèrement. Il est passé de 736 pour le cycle précédent à 764.
Des progrès ont aussi été notés dans l’offre de services et d’informations en français en ligne.
Les demandes auprès des Centres de services bilingues ont augmenté de plus de 100 % : 66 573 demandes par rapport aux 32 576 pour la période 2021-2022.
Pénurie de main d’œuvre
Pour autant, force est de constater que les progrès sont souvent éclipsés par d’autres points négatifs. Ainsi, la capacité globale bilingue au Manitoba a diminué de 17 %.
Teresa Collins, la directrice générale du Secrétariat aux affaires francophones du Manitoba, rappelle que le rapport porte sur l’année 2022-2023. Et que les conclusions tirées ne reflètent pas nécessairement la réalité du cycle en cours.
« Je pense que le rapport est assez clair sur le fait que l’on reconnaît qu’il y a encore du travail à faire. En 2022-2023, on souffrait encore des effets de la pandémie, il y a eu beaucoup de changements dans tous les secteurs. »
Teresa Collins mentionne aussi un certain nombre de départs à la retraite, un « roulement de personnel » et une difficulté à embaucher, « surtout pour les postes désignés bilingues ».
Là réside d’ailleurs l’une des principales raisons derrière les difficultés pour assurer des services en français : le manque croissant de ressources humaines.
En effet, le nombre de postes vacants a augmenté de 50 % par rapport à l’exercice précédent.
L’insécurité linguistique
La directrice générale du Secrétariat aux affaires francophones du Manitoba remarque que les statistiques pour la période 2023-2024 sont encore en train d’être rassemblées. Elle ne peut donc pas confirmer « de manière définitive » que le recrutement de personnel bilingue reste un problème.
«Mais on sait qu’il y a encore des défis de pénurie de main-d’œuvre. Il va falloir trouver d’où vient le problème, car ça va nous informer sur les démarches à suivre pour le résoudre.
« On ne contrôle pas le bassin de candidats disponibles et qualifiés pour un poste désigné. Ce que nous pouvons faire par contre, c’est peut-être améliorer nos efforts de recrutement, d’essayer de rendre la fonction publique plus attrayante. Et de mettre en place des mesures pour soutenir les employés bilingues une fois qu’on a réussi à en embaucher. »
Teresa Collins aborde également une autre préoccupation pertinente : l’insécurité linguistique. « On a un système d’immersion qui est très populaire, on a des centaines d’anglophones bilingues qui obtiennent un diplôme chaque année.
« Mais plusieurs n’ont pas la confiance d’offrir un service en français. Là aussi, il faut qu’on s’interroge : Qu’est-ce qu’on peut mettre en place pour les encourager et les aider à gagner en confiance? »
De son côté, Daniel Boucher, le directeur général de la SFM, croit aussi que le recrutement est un enjeu essentiel pour la fonction publique provinciale. Il prône une collaboration renforcée avec la Province.
Un bon problème à avoir
« Il y a toute sorte de stratégies qu’on peut mettre en place. Elles ne fonctionneront pas forcément du jour au lendemain. Mais je pense que si on se donne des objectifs et une stratégie commune avec le gouvernement pour aller chercher davantage de main-d’œuvre bilingue, on va réussir.
« C’est juste une question de s’asseoir et de voir comment on va régler la situation. Les solutions pour résoudre un problème de cette nature rapidement fonctionnent rarement. »
Teresa Collins et Daniel Boucher s’accordent évidemment pour dire qu’il reste du travail à accomplir. Mais aussi que si la problématique du recrutement se pose, c’est bien parce qu’il faut répondre à une réelle demande. Et ça, estiment-ils à l’unisson, « c’est un bon problème à avoir ».