Pour cette 54 édition de canadien-français ne sera donc pas de la partie. Ce n’est pas la première fois qu’il n’est pas proposé aux adeptes de l’évènement socioculturel annuel. En 2005, le pavillon n’avait pas été présenté pour cause de participation des acteurs principaux à une compétition internationale. Ni en 2006, car le CA de l’Ensemble folklorique avait démissionné en bloc. Dans le contexte tendu, la décision avait été prise de ne pas contribuer à Folklorama.
Cette année, alors que le Centre culturel franco-manitobain célèbre son 50e anniversaire, les responsables ont à nouveau pris la décision de prendre une pause.
Sa directrice générale, Ginette Lavack, n’était pas disponible pour une entrevue. Elle a fait parvenir la déclaration explicative suivante :
« Le pavillon canadien-français a pris une année de pause afin de permettre aux troupes de danse et aux équipes organisatrices de réimaginer et de revitaliser le pavillon. Cette pause a également offert une opportunité au CCFM de concentrer ses énergies sur la célébration de son 50e anniversaire. […] Nous serons heureux de revenir en 2025 avec un pavillon réinventé, prêt à offrir des moments inoubliables. »
Rêver plus grand
Lucien Loiselle avait joué un rôle déterminant dans la mise sur pied du Pavillon canadien-français, qui a contribué à redonner une dynamique à ce groupe de danse emblématique. À son sens, la longévité du pavillon est inespérée.
« Dans les années 1970, nous avions relancé les Gais manitobains, une troupe de danse mise sur pied en 1946. J’étais alors enseignant au Collège Louis-Riel. J’en ai profité pour faire du recrutement auprès des jeunes. Ils étaient assez réceptifs.
« Mon épouse, Lucienne, avait suivi des cours de gigue au Québec. C’est elle qui a apporté cette danse si typique aux Gais manitobains. En 1974, nous avions même présenté un spectacle de gigue en France. »
De fil en aiguille, les Gais manitobains s’étoffent, rêvent de plus grand et, pour des raisons d’évolution des mœurs, se muent en Danseurs de la Rivière-Rouge. En 1979, les administrateurs proposent de rejoindre Folklorama. Lucien Loiselle évoque avec plaisir cette décision aux larges répercussions.
Une décision pas si évidente
« Nous avions écrit un document pour expliquer nos raisons de rejoindre Folklorama. C’était assez simple comme arguments. Nous avions fait valoir que nous sommes un peuple fondateur du Manitoba, que nous avons une culture canadienne-française et que nous voulons la partager.
« On était allé à la rencontre de la communauté. Il y a eu un peu de réticence de la part de certains. » Là, Lucien Loiselle manie l’euphémisme. À preuve certains articles parus dans La Liberté.
Ainsi dans les pages de La Liberté du 1er février 1979, on apprend que les groupes politiques tels que « la Société franco-manitobaine en tête, appuyée également par les Éducateurs franco- manitobains et la Fédération provinciale des comités de parents, s’étaient vivement opposés à ce qu’un groupe francophone rejoigne la galerie des manifestations à caractère multiculturel ».
La principale raison invoquée pour s’opposer aux désirs de la troupe de danse était de nature politique. Après tout, conformément au discours officiel de l’époque, les francophones n’étaient pas « un groupe ethnique comme les autres ».
Cependant les Danseurs de la Rivière Rouge ont persisté. Avec l’appui d’autres organismes, ils ont pu concrétiser leur vision d’un Pavillon canadien-français. L’année inaugurale a d’ailleurs connu un vif succès. Dans les pages de La Liberté du 23 août 1979, Lucien Loiselle rapportait que « près de 15 000 personnes ont part- icipé au pavillon, dont 15 % à 20 % sont francophones ».
Une belle longévité
En 2024, Lucien Loiselle affiche sa satisfaction quant à la constante popularité du pavillon. « Les débuts ont été à la hauteur de nos espoirs pour l’avenir. Il y avait tellement de monde! Je revois une lignée qui allait jusqu’à la Provencher et qui se poursuivait jusqu’à la rue Des Meurons. »
Au vrai, il n’aurait jamais cru que le pavillon jouirait d’une telle longévité. « Je suis ébahi du fait qu’on a duré aussi longtemps. On pensait peut-être faire quelques années. Au 10e du pavillon, la joie de vivre était encore au rendez-vous. Elle l’est encore aujourd’hui. Même s’il y a eu une petite pause de deux ans, on parle d’un accomplissement impres- sionnant.
« Surtout qu’au fur et à mesure du temps qui passait, il y a eu une deuxième génération de leadership, puis une troisième et une quatrième, et ainsi de suite. »
Même si Lucien Loiselle est dorénavant bien moins impliqué, son cœur reste proche du Pavillon canadien- français. « Je m’y rends chaque année pour voir le spectacle. J’observe la manière dont évolue la troupe. Depuis qu’elle a été relancée dans les années 1970, elle a vraiment connu un très beau parcours. Tous mes vœux d’affection vont vers elle, afin qu’elle puisse poursuivre son développement. »