Un phénomène qui peut servir une fédération comme le Canada.

Cet été à Paris, plus de 10 000 athlètes originaires de 206 Comités nationaux olympiques (CNO) sont attendus. Pour les Olympiques d’hiver, ils sont environ 3 000 athlètes représentant 80 CNO.

Représenter un pays immense comme le Canada, constitué de provinces et de territoires, n’est pas une affaire anodine. « C’est même central, si on considère que les succès des athlètes vont être célébrés par le pays tout entier », lance d’emblée Gaël Rajotte-Soucy, qui enseigne au Québec les sciences politiques au niveau collégial et qui s’est spécialisé dans les questions d’appartenance nationale et de politique sportive.

« Quand seul le pays est représenté et non les provinces, le sport de haut niveau permet de mettre un peu de côté le lien à sa province. Juste pour prendre un exemple, une victoire d’un athlète manitobain sera autant célébrée que celle d’une athlète ontarienne. »

Le Canada avait envoyé 371 athlètes aux JO d’été 2020 à Tokyo. 215 athlètes canadiens étaient présents aux JO d’hiver 2022 à Beijing. À travers leurs performances, ils ont reflété l’ensemble du pays au monde entier.

Gaël Rajotte-Soucy souligne la possibilité offerte : « Il est difficile de mettre en images ce qu’est un Canadien. Mais lorsqu’on voit une équipe sportive qui représentele Canada, on peut poser nos yeux sur une représentation des Canadiens. Les Jeux olympiques nous permettent de renouveler notre image du Canada et des Canadiens. »

Gaël Rajotte-Soucy
Gaël Rajotte-Soucy enseigne les sciences politiques au niveau collégial. (photo : Gracieuseté Gaël Rajotte-Soucy)

Le monde regarde le Canada

Au-delà de la puissance diplomatique, économique ou encore militaire, un pays peut aussi rayonner par sa puissance athlétique et sportive. En l’occurrence, certaines victoires marquantes peuvent avoir un impact relativement important.

« Pour plusieurs sociologues, le sport a remplacé le champ de bataille pour faire la démonstration de sa supériorité. Les Jeux olympiques nous permettent de montrer notre puissance face à des alliés et des ennemis.

« Par exemple, lorsqu’un sprinteur canadien remporte la course de 100 mètres face aux coureurs américains, c’est une victoire du Canada face aux États-Unis. Une victoire importante pour notre appartenance, puisqu’elle nous permet de nous différencier des États-Unis.

« Cette différenciation est essentielle, puisque la culture canadienne est imbriquée dans la culture américaine. Il est nécessaire de se distinguer pour continuer à développer une identité canadienne et non une identité américaine. »

Gaël Rajotte-Soucy pousse son raisonnement plus loin. L’éducateur pense que la logique d’affrontement sportive « crée un lien fort, qui peut dépasser les frontières du sport jusqu’à avoir des répercussions sur la vie de tous les jours des Canadiens ».

Si les victoires et les médailles symbolisent la fierté de toute une nation, leurs impacts concrets sur les Canadiens et Canadiennes restent toutefois difficilement quantifiables.

« Les gouvernements en général, tout comme le gouvernement du Canada, justifient le financement des athlètes de haut niveau par la logique du cercle vertueux du sport. C’est-à-dire que si nos athlètes d’élite remportent des victoires, elles donneront le goût aux Canadiens de pratiquer des sports. Ce qui va faire en sorte que le bassin d’athlètes sera plus grand, ce qui en principe devrait augmenter nos chances de médaille dans le futur. Les gouvernements utilisent cet argument, mais il ne repose sur aucune donnée scientifique. »

Les JO d’hiver sont plus marquants

Gaël Rajotte-Soucy note aussi une différence canadienne qui n’est pas présente dans tous les pays. En effet, l’identité nordique du Canada fait que les « Jeux olympiques d’été ont moins d’influence que les Jeux olympiques d’hiver sur l’appartenance des Canadiens.

« Nous avons moins de disciplines de prédilection où nous produisons constamment des champions et championnes. Et lorsque nous en avons, ces athlètes nous marquent moins.

« L’exemple le plus frappant est Damian Warner, le champion olympique en titre au décathlon. Il est très peu connu, alors que cette discipline est une des plus respectées aux Jeux olympiques. Tout le contraire se passe lors des Jeux d’hiver, où nous sommes les champions du monde dans plusieurs disciplines et où le Canada peut espérer terminer premier du classement général. »

Pour rappel, le Canada a accueilli deux fois les Olympiques d’hiver (Calgary en 1988 et Vancouver en 2010) et une fois les Olympiques d’été (Montréal en 1976).

Gaël Rajotte-Soucy peut-il imaginer le Canada accueillir à nouveau les JO d’été pour équilibrer le déficit été contre hiver? « Il n’est pas réaliste de penser qu’à court terme le Canada voudrait recevoir les JO d’été. Les coûts des infrastructures sont trop élevés. D’autant que nous sommes un des pays au monde avec le plus d’infrastructures sportives d’hiver. »