Par Raymond Clément.

Du côté du Canada, la Société canadienne d’habitation et de logement (SCHL) calcule que le pays aura besoin de 3,1 millions de logements d’ici 2030.

L’offre de logements n’a pas suivi la demande, soutenue surtout par l’immigration : 600 000 personnes ont immigré en 2023 et 1 million en 2024. Clairement, l’immigration ajoute à la croissance économique en stimulant l’offre de la main-d’oeuvre. En revanche, elle ajoute une pression inflationniste au coût pour se loger, étant donné que la demande en logements est plus forte que l’offre.

Explication de la dérive en cours

En utilisant les comptes nationaux de Statistique Canada, j’ai fait un petit calcul. Entre 1990 et 2023, le revenu des ménages a été multiplié par quatre, tandis que le coût d’une hypothèque a augmenté plus de huit fois. Dit autrement, le ratio hypothèque/revenu est passé de 61 % en 1990 à 134 % en 2023. Dit encore autrement : par le passé, dans un ménage il suffisait qu’une seule personne travaille pour honorer l’hypothèque. Maintenant les deux doivent travailler.

Pareille réalité invite à poser LA question : Comment le niveau des hypothèques a-t-il pu exploser à ce point-là au cours des 30 dernières années? Parce que le système financier est devenu très créatif. Une panoplie de manoeuvres a été élaborée : diminution de la mise de fonds pour obtenir une hypothèque; augmentation de la période d’amortissement; baisse du taux d’hypothécaire dû à la baisse du taux directeur de la Banque du Canada.

Avec quel résultat? Une explosion de la dette hypothécaire canadienne, que le revenu national a d’énormes difficultés à soutenir, surtout à cause de la hausse des taux d’intérêt qu’on connaît.

Conséquences sur les jeunes ménages

Une conséquence de la forte croissance des prix du logement est que les jeunes ménages ont beaucoup de difficultés à en obtenir un. En ce moment au Canada, le ratio dette/revenu se situe à 185 %, comparativement à 125 % pour la moyenne des pays du G7.

Généralement, l’immobilier représente 55 % de la richesse d’un ménage canadien. Mais pour un jeune ménage, l’immobilier représente 89 % de sa richesse, ce qui le rend plus vénérable aux hausses des taux d’intérêt ou à un effondrement de l’immobilier.

La hausse des coûts de financement pousse les jeunes ménages à se tourner vers leurs parents. En 2015, 20 % des jeunes couples étaient aidés par leurs parents. Ce pourcentage était monté à 30 % en 2022. En termes de dollars, l’aide est passée de 52 000 $ à 82 000 $. Les jeunes couples gagnent à avoir des parents riches.

Le profit plutôt que la justice sociale

Il faut retenir que le système financier a délaissé l’investissement dans du capital productif pour se tourner vers l’immobilier. Cette approche affecte la croissance économique du Canada qui, relativement à d’autres pays du G7, connaît des faiblesses de productivité.

Voilà ce qui arrive quand les logements deviennent des instruments d’investissement et non de simples biens de consommation. Alors que d’un point de vue de justice sociale, les logements devraient être compris comme des biens de consommation pensés sur le long terme.