Le projet est d’une envergure impressionnante. Un projet de construction d’environ 145 millions de $, un édifice de 620 000 pieds carrés (14 acres) pour une production anticipée de 5 000 tonnes de poisson par année.
L’ambition est claire : devenir le principal producteur d’omble chevalier (Arctic Char) dans le monde. Et tout cela, en étant situé dans la municipalité rurale de Rockwood, en plein milieu des Prairies.
Pour y parvenir, l’installation exploitera une technologie d’aquaculture bien précise, communément appelée RAS (Recirculating Aquaculture Systems)
Aujourd’hui, la grande majorité des élevages de poissons se font dans des étangs ou en mer, la technologie RAS permet la mise en place de véritables fermes à poisson, n’importe où, sur la terre ferme.
Les poissons sont retenus dans des réservoirs dont l’eau est nettoyée et recyclée en permanence. Par rapport aux systèmes d’élevages classiques, cette méthode permet notamment de réduire l’impact environnemental.
C’est ce que Ken Blair, président-directeur général de Sapphire Springs Inc, explique. « C’est un environnement complètement contrôlé. Il permet d’assurer une qualité maximale de l’eau et de l’air. Pour une espèce comme l’omble chevalier, très sensible à son environnement, cette technologie permet aussi d’assurer une belle qualité à la chair. » Le PDG indique également que le système de recyclage permet de grandement réduire les dépenses en eau.
Une exploitation durable
Aujourd’hui, les élevages intensifs de poissons en milieux naturels posent de multiples problèmes : éthiques et environnementaux.
Les aliments et les déchets de poisson posent un risque et peuvent polluer les eaux environnantes. Les poissons d’élevage peuvent s’échapper et endommager l’écosystème. Enfin, comme c’est le cas pour toutes les autres formes d’élevages intensifs, la proximité entre un grand nombre d’animaux peut donner lieu à des épidémies de maladies et de parasites qui, dans le cas présent, se retrouvent ensuite dans les courants d’eaux naturels.
Ken Blair soutient que « le système RAS permet de contourner ces défis-là, mais les coûts au départ sont énormes. » En effet, environ 190 millions de $ sont nécessaires à la construction de l’installation et sa mise en route.
La fin des travaux est prévue pour la fin d’année 2025. « Mais il faut environ 17 mois à l’omble chevalier pour atteindre la maturité. La machine devrait donc être en marche à compter de la fin 2026 ou début 2027. »
Puisque les coûts au départ sont particulièrement élevés, il est légitime de s’interroger si cela aura un impact sur le prix de vente du poisson. Ken Blair fait valoir que « l’efficacité de cette installation compense ses coûts ». Il faut donc comprendre que les avantages à long terme devraient empêcher le prix de vente de gonfler.
Toujours dans une optique environnementale, l’entreprise Sapphire Springs Inc. s’est engagé dans l’initiative 100 % Fish.
Cette dernière, qui a vu le jour en Islande, vise à inciter les acteurs de l’industrie des produits de la mer à exploiter l’intégralité de chaque poisson. Pour réduire les déchets, dans un premier temps et aussi pour augmenter les opportunités commerciales.
Un partenariat avec ProteinMB a vu le jour dans le cadre de cette démarche. Jillian Einarson, directrice générale et Kate Badger, responsable de l’engagement pour ProteinMB, ont indiqué qu’il était un peu tôt pour savoir précisément quels seraient les sous-produits qui pourraient voir le jour grâce à la future exploitation.
Malgré tout elles ont donné quelques exemples de ce à quoi les têtes, les os et les huiles de poisson pourraient servir. « Ces éléments peuvent servir à créer de la nourriture pour chien, du fertilisant ou bien des produits cosmétiques. Au Manitoba, nous avons une Chaire de recherche sur les protéines durables et certains éléments peuvent représenter une occasion d’apprentissage pour les étudiants ou bien servir à des projets de recherche. »
Des retombées économiques importantes
Ce n’est pas tout à fait par hasard si c’est la municipalité rurale de Rockwood qui a été choisie pour accueillir cette exploitation d’ombles chevalier.
La raison invoquée par Ken Blair, peut même surprendre de prime abord. « Plusieurs éléments essentiels ont permis la création du site. L’un d’eux, c’est que nous avons accès à Singapour, qui est une grande plateforme de distribution de la pêche. Nous pouvons exporter des produits frais dans les 36 heures à partir de Winnipeg. » Il faut voir Singapour comme une porte d’entrée vers le marché international.
Pour ce qui est de la scène locale, André Brin, directeur général du World Trade Centre de Winnipeg est formel. « C’est un projet qui est très intéressant à bien des niveaux. C’est un énorme investissement dans une région rurale », à ce propos la ferme devrait permettre de créer environ 80 emplois. « L’impact économique va être énorme, en raison des impôts qu’ils paieront. Mais c’est aussi une compagnie connue un peu partout dans le monde, ils peuvent donc se faire les ambassadeurs du Manitoba à l’international dans le domaine de l’aquaculture. »
+++ L’omble chevalier, un poisson à la mode? +++
Il serait facile de comparer la chair d’omble chevalier à celle du saumon. Elles sont pourtant bel et bien distinctes. Et c’est le chef cuisinier Luc Jean qui le dit.
« C’est un poisson qui est plus délicat. La chair est moins ferme que le saumon. »
Le chef cuisinier explique alors que travailler l’omble chevalier demande un peu plus d’attention. « Quand on le tranche, on peut facilement casser le poisson. »
Mis à part cela, les deux poissons se cuisinent de façon relativement similaire, même si Luc Jean souligne que le goût est différent. D’après lui, le goût de l’omble chevalier est plus relevé que celui du saumon.
Pour ce qui est du prix, là encore les deux espèces sont assez similaires, pourtant, l’omble chevalier semble prendre en popularité ces dernières années.
« C’est un poisson canadien en quelque sorte. On en trouve au Nord. Il se trouve facilement. »
Pour le chef, l’arrivée de ferme comme celle de Sapphire Springs Inc. risque de renforcer cette popularité. « Les gens cherchent aussi une forme de nourriture plus responsable. »
++++++
Initiative de journalisme local – Réseau.Presse – La Liberté