Dans un rapport (seulement en anglais) intitulé The Case of Eco-Certification in Manitoba’s Commercial Fisheries: Path forward for Manitoba fishers, l’Institut international pour le développement durable (IISD), étudie notamment l’impact de ce label sur les pêcheries certifiées au Manitoba.

La plus ancienne pêcherie certifiée étudiée s’appelle Osh-koo-na-ning Walleye and Northern Pike Commercial Gillnet Fishery. Elle a d’abord été certifiée en 2014 avant de voir son label à nouveau être validé en 2020. Osh-koo-na-ning pêche donc le doré et le brochet et se situe entre le lac Manitoba et le lac Winnipegosis.

L’autre pêcherie a été certifiée en 2022, aussi pour la pêche du doré et du brochet, et se trouve au lac des Cèdres (Cedar Lake). Easterville étant le principal centre de production.

Les critères de l’écocertification

Comme d’autres, ces pêcheries ont été certifiées par un organisme tiers. Dans ce cas, il s’agit du Marine Stewardship Council (MSC), un organisme, fondé à Londres en Angleterre, qui atteste que la pêche est effectuée de façon durable et responsable. 

En résumé, pour avoir l’écocertification MSC, une pêcherie doit remplir certains critères. Pratiquer une pêche qui permet à la population de rester en bonne santé, s’assurer de garder un écosystème sain et enfin la pêcherie doit avoir des opérations bien gérées tout en étant capables de s’adapter à l’évolution de l’environnement.

Emily Kroft est la chercheuse principale à l’origine de ce rapport. L’experte, qui travaille sur cette étude depuis plus d’un an, s’est intéressée à ce sujet en remarquant que de plus en plus de personnes souhaitaient s’assurer qu’ils consomment de manière durable. Pour revenir sur l’écocertification, Emily Kroft confirme qu’il s’agit d’un processus long et coûteux. « Le processus officiel d’obtention de l’écocertification dure généralement entre 12 et 18 mois. Mais il existe également un processus de pré-évaluation, qui peut durer de 6 à 18 mois. Le coût dépend du lac et des spécifications. Par exemple, s’il s’agit d’un très grand lac, le coût peut même dépasser 250 000 $. »

Processus long et coûteux

Cela sans compter l’investissement pour la précertification estimé entre 30 et 40 000 $ auquel il faut ajouter les 30 000 $ supplémentaires chaque année pour l’audit annuel. « C’est un engagement important, mais il ne faut pas précipiter les choses, car on ne saurait pas si la norme est respectée. C’est un processus cher qui nécessite un soutien financier important de la part du gouvernement du Manitoba », poursuit Emily Kroft.

Mais, c’est un processus qui a aussi des bénéfices. « Une fois l’écocertification obtenue, chaque $ investi pendant cinq ans rapportera environ 250 $ », peut-on notamment lire dans le rapport. Ce chiffre se réduit à environ 16 $ pour les petits lacs. Le rapport d’Emily Kroft liste d’autres avantages : « l’amélioration de l’image, l’amélioration des pratiques de pêche, la réduction des infractions aux règles, l’augmentation de la confiance et de la coopération entre l’industrie et les gestionnaires, et l’augmentation de la collaboration entre les pêcheurs. L’amélioration de la santé des principales populations de poissons a également été observée dans les pêcheries écocertifiées du Manitoba. »

L’industrie de la pêche du Manitoba est le deuxième producteur commercial de poisson d’eau douce au Canada et compte environ 2 000 pêcheurs agréés. Peuvent-ils tous être certifiés? « En théorie, c’est possible, mais les ressources sont limitées. Dans l’état actuel des choses, il n’y a pas assez de ressources disponibles pour que toutes les pêcheries puissent être écocertifiées immédiatement », souligne Emily Kroft.

S’appuyer sur le savoir autochtone

À noter également que la majorité des pêcheries commerciales du Manitoba sont exploitées par des Autochtones. Ils pêchent dans ces lacs depuis toujours et ont aussi leurs propres données scientifiques à propos de leurs exploitations. Des données qui peuvent différer des connaissances occidentales que le processus d’écocertification implique. Dans son rapport, Emily Kroft appuie donc pour un respect total du savoir autochtone qui est un avantage essentiel. « Beaucoup de ces pêcheurs ont un savoir multigénérationnel qui leur a été transmis depuis des millénaires. Ils ont donc des bases très solides en matière de durabilité. Ce processus pourrait alors permettre d’harmoniser leur savoir avec la science occidentale. »

Si l’écocertification pour tous les pêcheurs manitobains ne devait pas arriver à court terme, Emily Kroft voit quand même quelques signes positifs. « Même si nous sommes très loin, l’industrie de la pêche fait de gros efforts. Ils essaient de faire des progrès. Des pêcheurs du lac Winnipeg sont en ce moment dans le processus de précertification. » Aussi, des communications avec les responsables politiques ont lieu régulièrement pour parler de ce sujet, ajoute Emily Kroft.

Enfin, la chercheuse rassure : il est aussi possible de faire attention aux écosystèmes sans être certifié. « Une option qui existe déjà, c’est un plan d’amélioration des pêches. Et c’est quelque chose qui peut être fait même sans qu’une écocertification soit nécessaire. »