En 2015, Nilüfer Demir devenait tristement célèbre pour ses photos d’un petit garçon syrien, Aylan Kurdi sur une plage turque. Ses photos retentiront et émouvront le monde entier sur la crise migratoire qu’étaient en train de vivre des milliers de personnes.

Bien conscient de l’impact de cette photo, l’artiste Darcy Ataman et le président-directeur général de Make Music Matter, voulait alors envoyer un message fort. « Durant les 15 dernières années, j’ai été impliqué à un niveau humanitaire dans les zones de conflits. J’ai vu ce qui arrive aux migrants. En 2017, j’étais à la frontière de la Syrie, en train de discuter avec des jeunes qui venaient de fuir la Syrie en traversant la frontière en toute sécurité.

« Nous avions une conversation sur ce qui leur était arrivé. Au milieu de la conversation, un homme m’a arrêté et m’a dit : Non, non, non, non, vous ne comprenez pas. Nous savons que vous voyez les images tous les jours aux informations depuis trois ans, nous savons que personne ne viendra nous sauver et nous savons pourquoi. C’était déchirant. Mais il avait raison. »

Darcy Ataman, artiste et président-directeur général de Make Music Matter. (photo : Ophélie Doireau)

La ministre du Travail et de l’Immigration, Malaya Marcelino a aussi pris la parole, assurant que le Manitoba se voulait être un chef de file en matière d’accueil. « À cette fin, notre province travaille actuellement sur une réponse humanitaire aux migrants. Chaque année, à chaque crise, nous sommes toujours surpris lorsque ces choses se produisent et que nous recevons des flux importants de personnes. Et nous réagissons au lieu de répondre.

« Mais cette réponse humanitaire aux migrants doit être abordable, équitable et accueillante. »

La ministre du Travail et de l’Immigration, Malaya Marcelino. (photo : Ophélie Doireau)

Parole de réfugiés

Après les prises de paroles officielles et le dévoilement de l’œuvre, trois personnes réfugiées au Manitoba ont pris la parole. Elizabeth Aluk Andrea, réfugiée du Soudan; Izzeddin Hawamda, réfugié de la Palestine et Maysoun Darweesh, réfugiée de la Syrie.

Elizabeth Aluk Andrea a raconté son histoire personnelle tout en n’oubliant pas d’où elle vient. « Nous contribuons à la société canadienne ici au Manitoba, mais aujourd’hui, je suis solidaire des 43 millions de réfugiés et des 120 millions de personnes déplacées dans le monde. Je partage mon expérience de réfugiée d’un pays déchiré par la guerre, le Soudan à l’époque et le Sud-Soudan aujourd’hui. »

Elizabeth Aluk Andrea. (photo : Ophélie Doireau)

Sous forme de poème, Izzeddin Hawamda a conté l’histoire déchirante de sa mère obligée de vivre une grossesse lors de la première intifada. « Les cris et les grognements des soldats m’ont atteint avant ma naissance, alors que ma mère mettait en balance sa peur pour nos vies et ses espoirs pour mon avenir, ma vie vacillait dans son ventre comme une bougie dans la tempête. »

Izzeddin Hawamda. (photo : Ophélie Doireau)

Ce sont des larmes du public qui ont accompagné l’histoire de Maysoun Darweesh. Après un départ précipité en janvier 2008, elle se rend jusqu’en Chine avec ses deux enfants pour rejoindre son mari. « Nous n’étions pas reconnues comme des êtres humains, nous n’avions pas le droit de travailler. Nous n’avions même pas le droit de sentir que nous étions égales, au minimum, aux gens de ce pays. » Finalement, en 2012, ils atterrissent au Canada. « Nous avions enfin le sentiment que nous pouvions être égaux. Nous pouvons être humains. Je peux travailler. Aujourd’hui, mon aînée a 20 ans. Elle étudie à l’université de Toronto avec une double spécialisation en histoire et en paix, conflit et justice. »

Une leçon de vie

Néanmoins, en 2020, une nouvelle tragédie frappe la famille. Maysoun Darweesh perd son mari. Pour elle, ce sont des leçons de vie durement apprises. « Il nous a fallu beaucoup de temps pour comprendre que la vie peut être généreuse. Mais qu’il ne faut jamais rien tenir pour acquis. En voyant cette grande œuvre d’art, nous nous rappelons qu’il ne faut jamais rien tenir pour acquis.

« Nous devons comprendre comment nous pouvons aller de l’avant et aider tout en nous rappelant que le nombre de réfugiés dans le monde est en augmentation. Jusqu’à présent, il n’y a pas de solution durable et que même faire venir des réfugiés n’est pas une solution. »

L’exposition sera présente jusqu’au 23 septembre à Winnipeg. Par la suite, elle sera transportée à Ottawa où elle sera exposée sur la pelouse de la colline du Parlement.

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