Depuis, cette dernière n’a pas perdu de son importance stratégique.

Lucien Loiselle se souvient encore de cette inauguration royale du 6 septembre 1984. « J’étais dans la foule ce jour-là. Dans le cadre de projets fédéraux-provinciaux le long de la rivière Rouge, un nouveau quai avait été installé en face du cimetière de la Cathédrale de Saint-Boniface, le long de l’avenue Taché, et on avait demandé à la Reine de venir faire une dédicace. Il y avait du monde en masse! »

Les Saint-Bonifaciens étaient fiers d’avoir une promenade sur la Taché, un lieu fréquenté et stratégique. Normand Gousseau, ancien directeur général d’Entreprises Riel qui a travaillé sur le projet de revitalisation de la Promenade Taché à la fin des années 2010, explique :

« Le long de la Promenade Taché, qui longe une bonne section de la rivière Rouge, se trouvent des institutions et des sites historiques très importants. On parle de l’archevêché de Saint-Boniface, de la Cathédrale de Saint-Boniface, du Musée de Saint-Boniface qui était avant le couvent des sœurs Grises, du parc de La Vérendrye, ou encore de l’Hôpital Saint-Boniface au bout. »

L’embellissement des lieux à partir des années 2010 a d’ailleurs été un effort collectif qui se poursuit encore aujourd’hui. « L’archevêché a beaucoup investi dans sa cour avant en y installant un parc interprétatif pour reconnaître la contribution des Métis. On peut y trouver aussi des sculptures, rappelle Normand Gousseau. La Cathédrale a également fait beaucoup de travaux de rénovations, notamment au niveau de son sous-sol. »

Quant à la Promenade Taché en elle-même, c’est lors de cette revitalisation que le Belvédère Saint-Boniface surplombant la rivière Rouge a été ajouté. « Il fallait faire quelque chose, se souvient Normand Gousseau. La Promenade s’affaissait, le trottoir était croche et pas assez large. Moi-même, je défendais à mes enfants d’aller dessus à vélo quand ils étaient jeunes car c’était trop dangereux. On pouvait facilement y accrocher une pédale et être jeté sur la route! 

« J’ai commencé à travailler avec l’architecte Étienne Gaboury. Lui, c’était une personne d’idées. Il est revenu avec cette idée du Belvédère. Ensuite, c’est Rick Frost de la Winnipeg Foundation et l’architecte paysagiste Garry Hilderman qui on su concrétiser sa vision. Non seulement ça revitalisait la Promenade, mais c’est aussi un bon emplacement pour prendre de belles photos de la Ville, l’Esplanade Riel, La Fourche, le Musée canadien pour les droits de la personne… »

Outre la Winnipeg Foundation, les trois niveaux de gouvernements ont aussi embarqué dans le projet. La Ville, qui voulait alors développer le transport actif, a vu l’opportunité de faire une nouvelle Promenade beaucoup plus large et sécuritaire pour les piétons et les cyclistes.

« L’autre argument que j’ai plaidé à la Ville, poursuit Normand Gousseau, c’est que la Taché fait partie du système de digues pour protéger la ville contre l’inondation. Mais avec les années, les berges de la Rouge s’étaient peu à peu effondrées, l’avenue elle-même avait perdu des voies, et on commençait à voir que les lampadaires le long de la Promenade Taché penchaient vers la rivière. Les fondations s’affaissaient. 

« Si on voulait vraiment continuer de pouvoir se protéger contre les inondations et garder cet accès à l’hôpital, il fallait agir sans attendre et renforcer la berge. C’est ce qui nous a fait gagner notre cause. »

Depuis cette revitalisation, il estime que le nombre de passants a aujourd’hui doublé sur la Promenade Taché. « À pied, à vélo ou même en fauteuil roulant, c’est plaisant désormais. Beaucoup de patients de l’hôpital et leurs familles vont s’y promener. » Des panneaux interprétatifs ont par ailleurs été ajoutés le long de la Promenade, avec l’appui de La Fourche, afin d’encourager davantage des gens d’y circuler.

La vitrine de la communauté

Aujourd’hui, bien que la revitalisation de la Promenade Taché en tant que telle soit terminée, le redéveloppement des lieux continue : l’Hôpital rénove son service d’urgences et prévoit créer un jardin de contemplation sur son terrain à l’arrière, le Musée est en train de faire des travaux de rénovations à l’intérieur, et le parc de La Vérendrye va aussi être repensé.

Erwan Bouchaud, directeur général d’Entreprises Riel, donne des précisions : « On travaille avec la Compagnie de La Vérendrye pour redévelopper le parc dans une vision de Réconciliation. Tout un plan maître a été fait, avec des consultations des communautés locale et autochtone, une recherche historique, etc. 

« Et fait intéressant, le projet de réalité augmentée et histoire orale de Robert Malo, avec son application Histoires cachées, a pu se greffer au projet de redéveloppement du parc pour offrir aux gens une expérience encore plus variée. »

Par ailleurs, Erwan Bouchaud révèle que la compagnie de bateaux de La Fourche, Winnipeg Waterways, travaille avec Entreprises Riel et d’autres organismes communautaires pour offrir des tournées touristiques de la Promenade Taché à partir de La Fourche, en bateau puis à pied. « Le quai que la Reine avait inauguré pourrait être un arrêt où les gens descendraient pour venir visiter des sites le long de la Promenade Taché, avant de reprendre le bateau. On cherche la meilleure formule. Les discussions sont en cours, il y a de l’intérêt. »

La Promenade Taché, « c’est la première chose qu’on voit quand on regarde Saint-Boniface depuis l’autre côté de la Rouge, le côté ‘’anglophone’’ de Winnipeg. On veut donc que la vue soit belle. C’est un peu notre vitrine. Elle ancre notre communauté dans le monde avec , son histoire, son patrimoine. Dans le cœur de nombreux Saint-Bonifaciens, je pense que ça résonne.

« C’est aussi le trait d’union entre la ZAC Provencher et la ZAC Norwood, ce qui nous ramène les uns vers les autres, termine-t-il. Elle nous aide à créer une unité de ce côté de la rivière. »