Par Isabelle Burgun.

C’est ce qui se dégage d’un rapport d’étude de HEC Montréal publié en juin, qui souligne, sans surprise, les avantages économiques des déplacements par la marche ou le vélo par rapport aux transports motorisés.

« L’idée est d’informer les citoyens que l’auto coûte plus cher, quels que soient les coûts — publics, privés ou les externalités, comme les gaz à effet de serre », relève la diplômée à la maîtrise en management et développement durable à HEC Montréal et coauteure du rapport, Muriel Julien.

C’est que chaque dollar dépensé par les piétons et les cyclistes est une économie pour la société. Les transports collectifs comportent des charges collectives plus élevées, mais c’est l’auto qui bat tous les records, à tous les coups.

Ainsi, le coût total annuel par personne pour la mobilité varie entre 2050 $ pour un marcheur, 7450 $ pour l’utilisateur de transports en commun, et 15 250 $ pour un automobiliste. En matière de coût par kilomètre, cela représente 1,55 $ par km pour le transport en commun contre 2,48 $ pour l’automobile.

Le coût total des transports comprend à la fois le coût que débourse chaque usager (achat d’une voiture ou d’un vélo, carburant, stationnement, etc.), le coût social (construction des routes, déneigement, etc.) et les « externalités », qu’elles soient positives (amélioration de la santé pour les usagers des transports actifs) ou négatives (espace consacré à l’auto, pollution, etc.). 

Quand on additionne tout cela, écrivent les trois auteurs, pour chaque dollar que met le citoyen dans son mode de transport, la société doit débourser 50 sous pour le transport collectif et 1,55 $ pour l’auto. « Cela, sans le bénéfice lié à la santé qu’offrent le vélo et la marche », ajoute la chercheuse.

Les données proviennent des budgets publics — comme le budget prévisionnel 2023 de la ville de Montréal — d’enquêtes statistiques et de recherches universitaires. Les chercheurs ont retenu l’enquête Origine-destination 2018 de l’ARTM pour les données de déplacements.

Montréal a l’avantage de bénéficier d’un réseau de transport en commun à multiples visages (métro, bus, trains de banlieue), tout comme d’un réseau de pistes cyclables en expansion. Mais la place de l’auto reste dominante. Selon une étude internationale portant sur près de 800 villes et publiée en mars, Montréal comptait 71 % de ses déplacements pour le travail en auto, contre 22 % en transports en commun et 7 % en vélo ou à pied. La proportion de ces deux derniers est plus élevée lorsque l’on prend en compte l’ensemble des déplacements.

Ça se passe dans tous les quartiers

« Il importe de regarder les coûts sociaux et privés, mais aussi le quartier », relève Gabrielle Beaudin, autre diplômée à la maîtrise en management et développement durable à HEC Montréal et coauteure du rapport.

La chercheuse et ses deux collègues se sont attardés à trois quartiers de Montréal : Rosemont, Ahuntsic et Pointe-Claire, pour comparer les coûts.

Pour un trajet de 4 km environ à Rosemont, Catherine en voiture et Roger en bus auront à peu près les mêmes coûts sociaux — 2800 $ et 2500 $ respectivement — et privés — 3800 $ contre 4100 $. Ce qui diffère beaucoup, ce sont les externalités : 5850 $ pour Catherine en auto contre 35 $ pour Roger en bus.

Samira, la cycliste, pour un trajet similaire de 3,5 km, aura même des externalités positives : 550 $. « Cela présente des bénéfices pour la société. La cycliste coûte très peu d’argent et va mettre moins de temps pour atteindre sa destination », rappelle Muriel Julien.

Mais, quel que soit le trajet, l’auto coûte plus cher. Même quand les externalités augmentent pour le vélo : « à Pointe-Claire, on est à 300 $, parce qu’il y a très peu de monde à se partager la piste cyclable », note Mme Julien.

Sans compter que nous sous-estimons les effets négatifs de l’automobile sur notre santé, pensent des chercheurs français. En adhérant à la « motonormativité » – un terme qui désigne le fait de voir comme normal de prendre son auto pour se déplacer – nous aurions tendance à tolérer les nuisances : pollution, bruit, manque d’activités physiques.

Pédaler a ses bénéfices

Du côté de la santé, la bicyclette est l’option gagnante. « Adopter le vélo apporte des améliorations des conditions de vie pour tout le monde, pas juste pour les cyclistes. La construction d’une piste cyclable va permettre de ralentir la vitesse des automobilistes et contribuer à l’apaisement de la circulation », relève Muriel Julien.

Des chercheurs français ont même évalué en février dernier les bénéfices de la mobilité à vélo pour la santé publique et le climat. Ils ont observé que les Français pédalent peu — 2 km par semaine — alors que cette pratique éviterait près de 2000 décès et 6000 cas de pathologies chroniques chaque année. 

À Montréal, 68 % des adultes cyclistes considèrent que, l’été, c’est leur mode de transport principal. Le rapport de HEC Montréal relève même un avantage financier du vélo sur la marche : « le temps consacré au déplacement rend la marche proportionnellement plus coûteuse pour la distance parcourue, avec 3,61 $ par km-personne pour la marche et 0,93 $ pour le vélo ». 

Mais pour rendre le vélo plus sécuritaire, efficace et attrayant, quelques aménagements sont nécessaires, autant dans la sphère publique qu’au travail. « On manque de pistes protégées. Quand il y en a, les cyclistes sont au rendez-vous », ajoute Mme Julien.

« Cela prend des aides ciblées, comme des indemnités kilométriques aux cyclistes, ou encore des équipements à destination sur le lieu de travail (casier, douche, etc.) », ajoute-t-elle.

Un portrait exhaustif des coûts liés à la mobilité

Pour Christian Savard, directeur général de l’organisme Vivre en ville, l’étude « confirme que les mobilités douces et actives ont le moins d’impact et nous coûtent moins cher. Cela ramène aussi l’importance de la proximité des services du quotidien pour ne pas prendre la voiture : on voit que plus c’est proche, plus les gains sont importants. C’est un plaidoyer pour la “ville des 15 minutes” ».

Ce concept réfère à des quartiers où tout pourrait se faire en 15 minutes de marche ou de vélo : travail, magasinage, loisirs. Pour les déplacements plus longs et incontournables, le transport en commun et même l’auto auraient toutefois des bénéfices. 

« Lorsqu’on est obligé de le faire, c’est le contraire d’un coût. Je ne parle pas de faire 8 km pour deux litres de lait, mais du coût de prendre la voiture pour aller à des rendez-vous de santé. C’est pourquoi je relativiserais davantage les résultats, même pour l’auto, en fonction des usages et pas seulement du temps. Il faut reconnaître la force de la multimodalité », souligne-t-il.

À son avis, un aspect à ajouter à l’étude serait de reconnaître l’importance de décarboner et donc de s’intéresser à la façon dont l’énergie est utilisée. « Avec le parc-autos qui s’électrifie, cette consommation électrique va mettre de la pression sur l’ensemble du réseau et nous pousser à construire plus de barrages et d’éoliennes », note M. Savard.

L’important, dans le futur, serait plutôt de consommer moins d’énergie pour nous déplacer. « Sans compter que l’utilisation de la voiture cause de la pollution de particules fines en raison des pneus et des freins, qui nuisent aussi à la qualité de l’air », ajoute-t-il.