À l’occasion du 25e anniversaire de l’entrée en ondes d’APTN, le réseau de télévision diffuse désormais du contenu entièrement dédié aux langues autochtones. 

Le 14 mai dernier, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) avait approuvé la demande d’APTN de modifier ses services. Sa cheffe de la direction, Monika Ille, explique ce que signifie cette décision. « Nous avions déposé la demande en juin 2023. Pour nous, c’est la direction que doit prendre APTN. Nous avons quatre réseaux : Nord, Sud, Est et HD. Nous allons les rassembler dans deux chaînes, ce qui va tout de même simplifier notre façon de faire. » 

Depuis sa première diffusion en 1999, APTN a diffusé du contenu en 54 langues autochtones. Le réseau de télévision tente annuellement de diffuser du contenu dans 15 langues différentes. En 2024, précisément 665 per-sonnes y travaillent. 

À partir du 1er septembre, APTN proposera sur une chaîne une programmation uniquement en français et en anglais ; tandis que la deuxième chaîne APTN Langues offrira du contenu en langues autochtones. 

Monika Ille précise tout de même que « les seuls programmes qui ne seront pas en langues autochtones seront les nouvelles et nos émissions d’affaires publiques. Pourquoi? Il y a tellement de langues autochtones que nous ne voulions pas en choisir une au détriment d’une autre. » Le Canada compte plus de 70 langues autochtones. 

La grille horaire de cette deuxième chaîne sera régionale dans sa nature. « En créant des blocs de langues autochtones, c’est-à-dire des blocs de langues de l’Est, du Centre, du Nord, de l’Ouest, ça devient plus facile de faire de la promotion. Et c’est aussi une façon de ne pas perdre le téléspectateur. Car on ne peut pas sauter d’une langue Mi’kmaq de l’Est à une langue Haïda à l’Ouest. La confusion serait totale. 

« Cette nouvelle articulation nous permettra de mieux déterminer où sont les manques. Ainsi lorsque nous irons au Comité de production autochtone, nous pourrons leur montrer les besoins en telle ou telle langue. » 

Deux ans de travail 

La concrétisation de ce projet repose sur deux ans de travail. La cheffe de la direction y voit un bel accomplissement : « Cette idée d’une chaîne en langues autochtones a fait bien du chemin dans la tête de plusieurs. » 

Depuis quelques mois, plusieurs producteurs ont pu soumettre des projets de langues autochtones qui alimentent le réseau APTN et qui alimenteront aussi les débuts d’APTN Langues en septembre. 

Monika Ille espère ainsi engendrer un mouvement chez les producteurs cana-diens. « Nous allons pouvoir offrir davantage d’occasions aux producteurs. Maintenant, ils pourront livrer uniquement en langues autochtones. Par exemple, si un producteur soumet une série d’anima-tion, il pourra la soumettre en plusieurs langues autochtones. 

« Il faut reconnaître aussi qu’il y a des langues plus fragiles que d’autres. C’est donc plus difficile d’offrir un programme dans certaines langues, tout simplement parce qu’il y a peu de monde qui la parle. » 

Il faut dire aussi que toute une dynamique entoure la revitalisation des langues. À commencer par le fait que les Nations Unies ont déclaré en 2022 une Décennie internationale des langues autochtones. Monika Ille souligne que « lors de la modernisation de la Loi canadienne sur la radiodiffusion, nous voulions nous assurer que les langues autochtones soient reconnues au même titre que le français et l’anglais. 

« De même chez plusieurs personnes autochtones, il y a un mouvement de revitalisa-tion. Beaucoup d’efforts sont entrepris dans différentes communautés pour retrouver des traditions, une culture, une langue. On constate aussi toute la fierté d’apprendre sa langue. » 

Une initiative du Manitoba 

Au Manitoba, des initiatives ont cours sur cet enjeu de revitalisation. Par exemple, dans la municipalité rurale de Saint-Laurent, l’école anglophone a cessé d’enseigner le français pour le remplacer par le michif français. Des aînées métisses de Saint-Laurent donnent les leçons. 

Dans le cadre de cet élan de revitalisation, Monika Ille insiste sur un point en particulier. « Si on nous propose un projet qui n’est parlé que par une poignée de personnes, on va le faire quand même. On l’a déjà fait. L’important est de montrer que ces langues existent. Il faut pousser et montrer qu’il y a de l’intérêt. Les gens peuvent se dire : Oh! on a entendu notre langue à la télé, sur un réseau national. C’est important. On existe, on a une visibilité. Je crois beaucoup à l’importance du rôle que joue encore la télévision. » 

Elle est toutefois consciente de son déclin depuis plusieurs années. « Oui, il y a un déclin de la télé classique. Mais il reste quand même un appétit pour les contenus sur demande. » 

APTN compte environ neuf millions de téléspectateurs et téléspectatrices. Pour chaque abonné, le diffuseur reçoit 35 cents. La deuxième chaîne entraîne une augmentation de trois cents par abonné. 

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