Après quasiment quarante années d’enseignement, il quitte l’établissement avec le sentiment du devoir accompli dans plusieurs domaines.

C’est un immense chapitre que vient de clore Ibrahima Diallo. Arrivé du Sénégal au Manitoba en 1984, Ibrahima Diallo a commencé à enseigner à l’USB l’année suivante. 39 années d’enseignement terminées il y a quelques semaines quand il a donné son tout dernier cours. « J’ai eu un pincement au coeur », avoue-t-il. « Travailler dans ce contexte-là pendant toutes ces années, c’est une vie et ça restera toujours là. Quand j’ai annoncé mon départ à mes élèves dans mon cours de physiologie certains m’ont dit : Non, monsieur, vous ne pouvez pas partir. Je me suis attaché aux étudiants, aux collègues, aux cours, à l’établissement. »

Le vétérinaire de formation est devenu professeur titulaire en 1998 au département de sciences expérimentales à la Faculté des sciences de l’USB. Et de 2000 à 2010, il a été le doyen de la Faculté des arts, d’administration des affaires et des sciences. Il a notamment oeuvré pour finaliser et renforcer le baccalauréat en administration des affaires. En tant que doyen, il a aussi pu participer à la création d’un baccalauréat en service social en français.

La science pour tous

Avoir eu la possibilité d’oeuvrer à l’USB a été « une chance inouïe », selon Ibrahima Diallo. « J’ai bâti ici ma seconde carrière. J’ai pu beaucoup travailler pour la vulgarisation de la science, j’ai notamment beaucoup fait ça dans les années 1990, ça m’a rendu très fier. »

Le spécialiste des grands animaux admet par ailleurs que cette carrière de professeur n’était pas vraiment prévue. Mais il a pris goût à la pédagogie et explique comment il a réussi à faire passer des idées, parfois compliquées et techniques, à ses élèves.

« Après ma première année, j’ai été assistant d’un cours de biologie donné par André Fréchette, qui est devenu doyen par la suite. Je l’ai vu enseigner dans un laboratoire. Il parlait de manière si simple, dans un langage abordable en y apportant de l’humour. Ça a été un déclic. Je me suis dit : Ibrahima, tu n’as pas à monter sur un piédestal, mais tu dois descendre au ras des pâquerettes et donner un langage que les gens peuvent comprendre. » 

Ibrahima Diallo évoque d’ailleurs tout le travail accompli pour rendre la science accessible au Manitoba et au Canada. À son arrivée, il y avait un vide immense d’apprentissage scientifique en français. Pour améliorer la situation, il cite en exemple ses collabora-tions importantes avec les Productions Rivard pour la réalisation de vidéos au sujet des serpents à Narcisse et aussi 26 émissions sur la faune de l’Ouest et du Grand Nord.

« Pour les sciences, la plupart des ouvrages dispo-nibles étaient en anglais. Je me souviens que le premier cours de biologie que j’ai donné ici était avec un manuel en anglais. C’était étrange, j’avais déjà étudié la biologie et j’avais des livres en français quand j’étais au Sénégal. Mais ici, rien. Ça a été notamment une des missions de l’Acfas (1). C’est important que les jeunes d’ici sachent qu’ils peuvent étudier et faire de la science en français. Ça a été mon leitmotiv. »

Président de la Société de la francophonie manitobaine (SFM) entre 2006 et 2011 et actuel vice-président de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), Ibrahima Diallo est également un important artisan de la francophonie hors Québec.

Membre fondateur de l’Amicale de la francophonie multiculturelle au Manitoba, consul honoraire du Sénégal, le professeur a aussi eu un rôle essentiel dans la venue de nouveaux arrivants dans la province. Un changement qu’il a pu remarquer directement à l’USB.

« Déjà dans le corps professoral, à mon arrivée, je pense que nous étions trois enseignants qui venaient d’Afrique. Il y avait très peu d’étudiants étrangers sur le campus. Puis, il y a eu une internationalisation du campus, j’en étais l’un des artisans. Je voyais des gens qui voulaient venir étudier ici et l’USB représentait, à mon sens, une excellente porte d’entrée. Être étudiant francophone en baignant dans une mer anglophone, c’était une carte forte, un atout. »

Retraité actif

Ibrahima Diallo se souvient d’ailleurs avoir fait un voyage en 2002 au Sénégal. Il avait fait le tour des lycées pour vanter les mérites de l’USB.

Jeune retraité de l’enseignement, Ibrahima Diallo reste encore impliqué dans plusieurs organismes. S’il compte bien ralentir le rythme, il restera tout de même très actif, ça fait partie de son tempérament. « La nature a horreur du vide comme on dit. Je reçois encore beaucoup de sollicitations, mais je vais quand même prendre du temps pour ma famille. Je vais ralentir, tout en continuant à pédaler (rires). Ma vie n’a jamais été ennuyeuse, j’ai toujours fait des choses qui m’intéressent. J’ai suivi des cours de menuiserie, de plomberie, de réparation de petits engins, je n’arriverai pas à rester assis devant la télévision. Je suis un homme d’action. »

(1) L’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences. Pour sa contribution à l’association, Ibrahima Diallo en est devenu membre émérite en 2019.