Par Maria F.Arensten


Cela m’invite à voir le monde autrement. C’est ce que je souhaite partager.

Pablo a récemment été très malade, au point qu’il a dû passer quelques jours à l’hôpital. J’étais alors en voyage pour mon travail, et ça m’a pris trois jours pour rejoindre Winnipeg. Ma fille, Marie-Claire, qui habite à Montréal, a pu se rendre à son chevet plus rapidement. Nous avions très peur, car Pablo est fragile. Quand il est malade, je prends douloureusement conscience de sa vulnérabilité.

Il faut bien sûr que quelqu’un soit avec lui tout le temps parce qu’il ne sait pas s’exprimer. Comme il habite dans une maison communautaire de St. Amant, il a été, pendant son séjour à l’hôpital, accompagné 24 heures sur 24 par des personnes qui y travaillent. Ce ne sont pas des personnes ordinaires, elles appartiennent à ce type d’être humain qu’on rêve de rencontrer et d’avoir la chance de côtoyer, ne serait-ce qu’une fois dans nos vies, car elles ont une qualité humaine exceptionnelle. Elles portent dans leur cœur les personnes pour qui elles travaillent. Elles établissent avec elles des relations profondément humaines, enrichissantes et transformatrices. Elles sont à la fois sages, humbles, patientes, pleines d’amour et d’attention, mais elles peuvent être redoutables si les conditions l’exigent, comme les mères-ours.

C’est ainsi que quatre d’entre elles, Esméralde, Daniela, Annette et Joanne, ont passé des jours et des nuits assises sur une chaise à l’hôpital en guettant la respiration de Pablo, ses mouvements, sa température, ses moindres besoins… Les jours qui ont précédé notre retour à ses côtés, elles nous ont accompagnées à distance, en répondant à nos messages, à nos appels anxieux, en essayant de nous réconforter, alors qu’elles faisaient le pont pour assurer la communication entre nous et le personnel de l’hôpital.

Elles ont fait preuve de patience, d’intégrité, de force, de sagesse… et surtout, d’amour. Dans le monde « normal », on trouve ce don de soi parmi les membres de la famille qui s’occupent de leur être cher.

Lorsque les gens apprennent que j’ai un frère qui a la trisomie, je perçois dans leurs réponses un geste de pitié accompagné de mots tels que « Oh pauvre toi », ou « ça doit être dur! ». Mais je m’empresse d’expliquer : « non ! bien au contraire ! La trisomie de Pablo n’est pas une tragédie, loin de là! Pablo est un cadeau merveilleux pour notre famille. » Pablo est merveilleux, c’est vrai, à cause de lui, de qui il est, de ce qu’il nous apporte. Mais il l’est aussi car il est entouré par des gens qui sont autrement exceptionnels. Ce sont des personnes extrêmement généreuses, des personnes au cœur pur qui font une différence dans ce monde.

Ces personnes sont rares, on les croise exceptionnellement dans la vie. Dans notre famille, nous avons accès à elles grâce à Pablo. C’est un des cadeaux qu’il nous apporte : une connaissance du monde et des humains qui est assez unique et privilégiée.

Dans les moments éprouvants, d’angoisse et de crise, les réponses des personnes et leur attitude dévoilent leurs valeurs. Alors que Pablo était à l’hôpital, ces personnes exceptionnelles ont veillé sur lui comme s’il était leur frère. Cette expérience m’a fait penser que le monde serait bien différent s’il y avait plus de personnes comme celles qui sont dans la vie de Pablo.