avec des informations d’Hugo Beaucamp
Pour autant, l’art autochtone est encore sujet à beaucoup de préjugés qu’il est nécessaire d’abroger pour laisser place à son épanouissement.
Avec sa collection de plus de 27 000 œuvres d’art, le Musée des beaux-arts de Winnipeg possède une collection impressionnante d’art autochtone de différentes communautés autochtones au pays. Néanmoins, l’aile Qaumajuq regroupe à elle seule 14 000 œuvres d’art inuites, la plus grande collection du monde.
Alors de quelle manière la nature, la terre et le territoire ont eu une influence sur certaines œuvres d’art présentées au Musée des beaux-arts de Winnipeg? Marie-Anne Redhead, conservatrice adjointe de l’art autochtone et contemporain, a tenté de répondre à cette question.
« Sans aucun doute, la nature est une grande source d’inspiration pour plusieurs artistes autochtones. Tout comme la manière dont les artistes ont été élevés influence aussi beaucoup l’inspiration qu’on peut avoir de la nature.
« Les artistes qui travaillent sur des médiums plus traditionnels qui sont reliés à la culture, comme la couture, là oui il y aura une forte influence de leur communauté, de leur territoire. Comme on peut le voir, l’art inuit est très différent de l’art de la côte ouest. »
Un lien différent
Elle relève aussi que la nature a été source d’inspiration au travers des siècles. Néanmoins, elle nuance cette influence sur des artistes autochtones. « Je crois que les artistes autochtones ont un lien différent avec la terre et la nature. On peut voir une différence de représentation de la terre entre les artistes autochtones et les artistes non autochtones.
« Par exemple, dans les paysages des artistes autochtones, il y a moins de romantisme. C’est plus réaliste que pour les artistes non autochtones.
« Une partie de ceci s’explique parce que la relation à la nature est différente. Les Autochtones ne regardent pas la nature d’une manière où on va exploiter les ressources et les vendre. Non, il faut être en harmonie avec elle, c’est comme être en relation avec un autre être. Alors dans leur représentation de la nature, il y a quelque chose de moins prétentieux. »
Une nouvelle perspective
Au sujet de la représentation de la nature, Marie-Anne Redhead apporte aussi une autre dimension. « Ce que j’aime beaucoup au sujet de l’art autochtone lié à la nature, c’est aussi cette autre perspective sur le monde qu’il ouvre. Peut-être aussi parce que nous vivons dans un monde très urbain qui nous éloigne de la nature et l’art autochtone nous montre aussi une réalité très méconnue de la nature. »
Ce lien avec la nature peut également se traduire de manière différente, Marie-Anne Redhead souligne que « je prends l’exemple de Maureen Gruben qui est une artiste inuite. Elle prend son inspiration en marchant sur la plage et récupère des matériaux pour son œuvre.
« Il y a quelques années, elle avait fait une œuvre avec des os d’ours polaire. Elle voulait vraiment provoquer quelque chose en donnant une seconde vie à ces os. Mais jamais un ou une artiste dakota ne fera une œuvre avec des os d’ours polaire parce que ça ne fait pas partie de sa réalité.
« D’une certaine manière, la nature prodigue aussi ce qu’il faut pour les artistes autochtones. Il y a un échange. »
L’influence de la terre
Le changement d’environnement et du territoire est aussi une source d’inspiration pour des artistes comme l’explique la conservatrice adjointe qui aussi membre de la Première Nation crie de Fox Lake. « Omalluq Oshutsiaq est une artiste de Kinngait (Cape Dorset) qui dessine des scènes de sa vie quotidienne. Elle nous permet de nous immerger dans sa réalité le temps d’un dessin.
« Dans son art, il est commun de voir des images de la nourriture, parce qu’avant la colonisation, nous mangions ce qui venait de la terre. Mais après il y a eu la nourriture de l’épicerie avec des aliments transformés qui sont très mauvais pour la santé. Ces épiceries ont aussi déstabilisé plusieurs communautés autochtones qui n’étaient pas habituées à avoir accès à autant de nourriture. »
Et si la colonisation et son impact ont leur place dans quelques œuvres des artistes autochtones, Marie-Anne Redhead tient absolument à faire le point suivant.
« Je dirais que l’art autochtone est aussi sous les préjugés du colonialisme. C’est-à-dire qu’il existe beaucoup d’œuvres qui décrient les méfaits de la colonisation. Mais peut-être trop parce qu’on dirait que les gens s’attendent à ce que l’art autochtone soit en rapport avec la colonisation.
« L’art autochtone est beaucoup plus riche que ceci. Par exemple, dans l’exposition de Lita Fontaine, qui est présentée en ce moment au WAG, j’ai choisi délibérément de ne pas inclure des pièces en rapport avec la colonisation. L’art autochtone ne doit pas être réduit à la colonisation.
Sans préjugé
« Il faut que les gens s’éloignent de ce préjugé pour apprécier pleinement l’art autochtone. Si la seule façon de profiter l’art autochtone, c’est de voir les traumas du passé et du présent, c’est dommage. Il y a vraiment beaucoup de beauté dans nos communautés. Pour penser à l’avenir, il faut aussi axer sur la joie et la beauté. »
Tout autant, l’art est un domaine qui reste ouvert à l’interprétation, un point essentiel d’après Marie-Anne Redhead. « Il arrive que dans certaines œuvres, un artiste ne cherche pas forcément pas à faire un message au travers de son art. Mais ce n’est pas forcément ce que ressent le spectateur. C’est la beauté de l’art, il y a de la place pour l’interprétation.
« Cela étant, il y a des artistes qui sont très militants et qui font passer des messages très frontaux qui ne laissent pas de place au doute. Encore une fois, c’est une question de parcours et d’influence dans la vie. »