La cueillette fait partie de la vie de la Métisse Crystal Desrosiers depuis qu’elle est enfant. « On a un grand terrain familial à Saint-Malo, celui de mon arrière-grand-père. Et comme ma mère était enseignante, j’y étais tous les étés. C’est comme ça que j’ai commencé vraiment jeune à faire la cueillette de fruits et autres. »

La tradition lui a été transmise par ses tantes, les sœurs de son père. « Ce sont comme mes grands-mères. La mienne est décédée quand j’étais très jeune. J’ai vraiment beaucoup appris d’elles. Chaque été, on allait ramasser les cerises et on faisait du sirop ensemble. Elles m’ont montré comment faire différentes choses avec des fruits ou des plantes. »

Devenue mère de trois enfants, Crystal Desrosiers a poursuivi la tradition. « La cueillette m’intéresse beaucoup, donc j’emmène mes enfants partout à la cueillette avec moi. On a toujours fait ça en famille. 

« J’ai aussi un grand jardin et je leurs apprends plein de choses à propos du jardin et de la cueillette. Ils savent comment identifier plusieurs plantes et arbres dans la forêt. »

L’Aînée Dolorès Gosselin, en revanche, n’a découvert sa culture métisse que dans sa quarantaine. Avant cela, elle ignorait qu’elle était Métisse. « Dans le temps de ma grand-mère, on ne disait pas qu’on était Métis. C’était mal vu. Alors elle se cachait. Quand elle faisait un smudge par exemple, elle nous disait qu’elle faisait de la boucane, sinon elle aurait été obligée de nous expliquer. »

Respecter la plante

Aujourd’hui, Dolorès Gosselin a pleinement embrassé les traditions et savoirs métis, incluant l’art de la cueillette. « Quand on fait la cueillette, on ne prend jamais la première plante. C’est important. Et puis on lui demande si on peut cueillir d’autres plantes.

« De plus, on n’arrache pas les plantes, sinon elles ne vont pas repousser. De nos jours, on les coupe avec un ciseau, mais dans le temps, on les coupait avec les doigts en les cassant. On croyait que c’était plus doux pour la plante. »

Par respect pour les autres et la nature, il est également important de ne pas cueillir en trop grandes quantités. « On doit prendre juste ce dont on a besoin pour sa famille et en laisser pour les autres et pour la plante, pour qu’elle puisse continuer de grandir, explique Crystal Desrosiers. Et s’il n’y pas beaucoup d’une plante en particulier, on ne la touche pas. »

Dolorès Gosselin précise que « pour les Premières Nations comme pour les Métis, c’est d’une importance capitale de prendre soin de la nature, parce que nous sommes tous connectés à elle ».

Crystal Desrosiers renchérit : « C’est tellement un beau cadeau, tout ce que la Terre a à nous offrir! La cueillette, apprendre de toutes les choses de la nature, est une vraie passion pour moi. Ça me donne de l’énergie. »

L’Aînée métisse a aussi pour habitude d’offrir du tabac « pour dire merci à la plante d’avoir bien voulu donner sa vie pour moi ». 

Un rituel que Crystal Desrosiers a elle aussi transmis à ses enfants : « Je leur dis toujours que quand on prend quelque chose de la Terre, il faut offrir quelque chose en échange. J’ai moins l’habitude d’offrir du tabac quand je cueille des fleurs pour faire un bouquet, ou des fruits, mais je fais toujours une offrande quand je prends des plantes médicinales. »

Que ramasser?

Sur son grand terrain en campagne, à Stuartburn, Dolorès Gosselin aime cueillir de la sauge pour faire des smudges, ou encore du foin d’odeur. « Quand on marche en nature, on le reconnaît par sa belle odeur. Avec le foin d’odeur, on fait des tresses et ça protège les maisons. J’en ai une chez moi. On peut aussi faire brûler la tresse pour honorer les esprits.

« Avec la tresse de foin d’odeur, il y a tout un enseignement. La tresse représente la communauté. Elle nous enseigne que plus on se met ensemble, plus on a de force. Si quelqu’un m’offre une tresse, j’en suis honorée. »

Certaines plantes ont aussi des vertus thérapeutiques ou nutritives. Crystal Desrosiers en connaît quelques-unes. « Par exemple le plantain lancéolé : tu peux prendre les feuilles, les mâcher, puis les mettre sur ta peau quand tu as une coupure. Je cueille aussi l’ortie, les fleurs de pissenlit, l’hysope, la verge d’or ou encore de l’achillée millefeuille, et je les fais sécher pour faire du thé.

« Je suis toujours en train d’apprendre comment utiliser d’autres plantes, juste pour le fun. Cette année par exemple, je me suis fait une huile pour mettre dans mes vinaigrettes avec les fleurs et tiges de pissenlits. »

Mais ce sont surtout les fruits et les baies que Crystal Desrosiers aime ramasser. « Le nombre de fruits sauvages que je peux trouver sur notre terrain, c’est incroyable! Des fraises sauvages, des framboises sauvages, des prunes, des cerises, des amélanches… 

« Je sais aussi que certaines plantes peuvent être utilisées pour soigner la toux ou le rhume, mais je n’ai pas encore beaucoup de connaissances à ce sujet. La seule chose que j’ai faite, c’est du sirop de sureau. C’est bon pour la toux. J’ai l’intention d’en apprendre plus pour davantage utiliser les plantes pour soigner ma famille. »

Dolorès Gosselin précise qu’elle n’a pas non plus toutes les connaissances en matière de cueillette. « Chaque Aîné.e a un talent spécial, explique-t-elle. Pour certaines personnes, ce sont les plantes, mais moi, c’est plutôt le tambour puis les histoires. Je fais de la réconciliation et de la guérison avec mon tambour, et je donne des enseignements en racontant des histoires. Je n’ai donc pas cherché à recevoir tous les enseignements de la cueillette. »