Pour cette entrevue, La Liberté a rejoint Dominique Rey en pleine installation de plusieurs de ces œuvres d’art au Musée des beaux-arts de Winnipeg. Quelques murs étaient encore vides au moment de l’entre- vue, ils seront bien remplis le jour du vernissage qui a lieu le 11 octobre (1). Près d’une soixantaine d’œuvres rempliront les quelques 12 000 pied carré de l’espace.

À l’approche de son vernissage, c’est un mélange de sentiments qui envahissent Dominique Rey. « C’est très excitant. C’est l’apogée de plusieurs années de démarches artistiques. Cette exposition retrace la jeune enfance de mes deux enfants en mêlant aussi le travail d’autres parents. »

Celle qui se décrit comme collaboratrice de l’exposition avec ces deux jeunes enfants, Madeleine, neuf ans, et Auguste Coar, six ans et son mari, Lancelot Coar, a toujours eu un lien particulier avec l’art. « Je pense que depuis l’âge de mes quatre ans, j’ai été passionnée par l’art. Après le secondaire, j’ai étudié dans le domaine des beaux-arts à l’Université du Manitoba. Pour moi, c’était être le paradis. J’ai toujours su que je voulais devenir artiste. »

Dans son parcours d’artiste, Dominique Rey a pu compter sur l’appui de différents organismes de la francophonie manitobaine. « J’ai suivi mes premiers cours de peinture à l’huile au Centre culturel franco-manitobain (CCFM) lorsque j’étais adolescente. Par la suite, j’ai exposé au CCFM, j’ai aussi fait ma première exposition solo au CCFM.

« J’ai également pu compter sur la Maison des artistes visuels francophones du Manitoba. En effet, je faisais partie des premiers artistes qui ont fondé la Maison des artistes visuels francophones. J’ai ensuite rejoint le CA puis j’en suis devenue la directrice générale. Tout ceci m’a beaucoup liée à ma communauté. »

Première exposition solo

MOTHERGROUND représente la première exposition solo de Dominique Rey au Musée des beaux-arts de Winnipeg. Une exposition qui aura pris huit ans à prendre forme. « Comme artiste, j’ai beaucoup misé sur la vie des femmes, l’identité féminine et les perceptions qui sont en mouvement. Je voulais représenter la femme sous un autre regard et non pas sur celui que la société lui impose. C’est un élément qui a toujours fait partie de ma pratique.

« Quand je suis devenue maman, je ne pouvais pas ignorer l’appel de cette expérience de vie si inspirante. »

L’exposition est alors conçue comme un livre avec des chapitres qui raconte plusieurs moments de la jeune enfance de Madeleine et d’Auguste Coar. « Quand mes enfants étaient très jeunes, malgré les conseils, je me sentais noyée dans un océan. Plusieurs œuvres expriment cette recherche de l’équilibre et de stabilité dans la vie. Surtout qu’à ce moment, je ressentais une perte de ma propre identité.

« Mais d’un autre côté, il y avait aussi ces sentiments de joie intense et d’extase. Alors il y a ce mélange dans les œuvres d’art. Les gens verront du clair-obscur, du mélange couleurs et de noirceur aussi parfois. »

Dominique Rey explore donc la complexité de la parentalité avec différents matériaux au travers des quatre chapitres. « Il y a un mélange de photos et de collage. Toutes les œuvres commencent dans le corps via la performance qui est documentée de façon photographique et filmique. Certaines photos ont aussi eu des ajouts de collage qui ont par la suite inspiré des sculptures à taille humaine. Puis il y a aussi une installation vidéo expérientielle avec une entrée principale assez atypique.

Plusieurs chapitres

« Dans le chapitre un, In Case of Storm, dans cette section, la forme de la mère est remplacée par des photos de la fonte de la neige sur le rivière Rouge que j’ai prise. Ce changement naturel est pour moi une belle métaphore pour nos corps qui sont en fluctuation constante. La glace exprime ce sentiment d’invisibilité d’identité tout en ayant ce sentiment de joie extrême.

« Dans le chapitre deux, Domestic Frieze, le Frieze est un élément architectural de relief que l’on peut voir sur certains bâtiments anciens qui permettaient de raconter des histoires mythologiques ou importantes. Dans cette section, ce qui est mythologique, ce sont les gestes quotidiens entre mère et enfants. Il y a des sculptures en acrylique noir qui prennent place dans cette pièce, elles reflètent l’espace, les spectateurs et qui permettent de donner une nouvelle direction à l’exposition.

« Le chapitre trois, Bildungsroman qui est un genre littéraire, montre dans cette section mes enfants et moi rejoints par d’autres parents et d’autres enfants. Il y a un grand mur glacial qui nous emmène dans la dernière pièce, qui est rouge, avec un film de dix minutes performatif et expérimental. »

Après avoir vu l’exposition au complet, Dominique Rey encourage les spectateurs de la revoir sous un autre œil après le visionnement du film où les corps sont en mouvement. L’exposition se conclut avec une table où les jeunes et les moins jeunes sont invités à réaliser leur propre collage et l’afficher sur l’espace réservé à cet effet.

(1) L’artiste Kelly Bado sera présente lors du vernissage.