Par Raymond Hébert
Sur le plan économique, il y a consensus parmi les analystes qu’un régime mené par Kamala Harris serait plus favorable pour le Canada qu’un pays dirigé par Donald Trump. Bien qu’il y ait eu convergence depuis 2016 entre démocrates et républicains sur une approche plus protectionniste et moins multilatérale qu’auparavant, trois réalités rendent Donald Trump beaucoup plus dangereux.
D’abord, dans tout conflit économique, il a une tendance instinctive de se rabattre sur les tarifs comme menace ultime contre ses adversaires (lire : à peu près tous les pays du monde, y inclus le Canada). Deuxièmement, sa personnalité impulsive le rend imprévisible d’une journée à l’autre, et, sans avertissement, il peut adopter des mesures qui peuvent être très dommageables aux intérêts canadiens. Enfin, ses positions extrêmes sur l’immigration (ex., déportation de 11 millions d’immigrants illégaux) poseraient un danger immédiat pour le Canada, et on pourrait anticiper des pressions extraordinaires sur le système d’immigration canadien.
Dans le domain politique
Dans le domaine politique, le Trumpisme a déjà fait des alliés importants au Canada, surtout chez l’extrême droite, centrée en Alberta, mais qui s’établit lentement mais fermement au sein du Parti conservateur du Canada. La présence très controversée de l’agitateur américain d’extrême droite Christopher Rufo lors d’une conférence récente de la Canada Strong and Free en Alberta en est qu’un exemple. La poussée de l’extrême droite au sein du Parti conservateur place son chef Pierre Poilievre dans une position délicate : jusqu’où va- t-il se plier en quatre pour faire la volonté de ses députés de plus en plus radicaux? On se souviendra sans doute de cette image indélébile de M. Poilievre assis confortablement et souriant avec un trucker lors de l’occupation d’Ottawa début 2022 qui avait immobilisé la capitale (et bloqué plusieurs routes commerciales entre le Canada et les États-Unis). Ce geste d’appui à un mouvement illégal et qui avait entraîné des pertes dans les milliards de dollars demeure incompréhensible chez celui qui désire devenir le premier ministre du Canada. Évidemment cet incident n’est qu’une poussière à comparer aux actes illégaux innombrables de Donald Trump, mais son accession à la présidence ne ferait que renforcer la remise en question du régime de droit aux États-Unis, avec des effets certains sur le Canada.
valeurs canadiennes et du discours public
Mais c’est au niveau des valeurs canadiennes et du discours public qu’une présidence Trump pourrait avoir le plus grand effet à long terme. Le style oratoire de Trump, déjà présent constamment sur nos écrans, serait amplifié mille fois s’il devenait président. C’est un style axé sur des insultes à l’endroit de toutes les minorités, de vitupération contre ses innombrables «ennemis» et sur des mensonges répétés au point où un grand nombre d’Américains en « perdent le nord », littéralement. Déjà M. Poilievre est connu pour ses propos insultants et méprisants à la Chambre des Communes et ailleurs; on pourrait en anticiper bien plus si M. Trump se rendait à la Maison Blanche et nous inondait quotidiennement de sa bile.