Will Tishinski, un ancien vice-président d’Hydro Manitoba, avait exprimé sa conviction en 2011 que si la société de la Couronne avait écouté ses ingénieurs, elle ne serait pas dans le pétrin où elle se trouvait (déjà) alors. 

M. Tishinski, un ingénieur avec une carrière de 36 ans à Hydro, envoyait sûrement une flèche à l’ancien PDG Bob Brennan, le deuxième comptable à la tête d’Hydro Manitoba, entre 1990 et 2012. Sous sa gouverne, la société de la Couronne a acquis Centra Gas en 1999 et Hydro Winnipeg en 2002. 

Cette dernière acquisition a suscité la controverse, plusieurs analystes étant convaincus qu’Hydro Manitoba avait payé beaucoup trop cher Hydro Winnipeg. Avec cette transaction, Hydro Manitoba se lestait en plus de deux vieux barrages sur la rivière Winnipeg. 

Mais Will Tishinski reprocha surtout à Bob Brennan d’avoir accepté de faire passer la ligne de transmission Bipole 3 du côté ouest du lac Winnipeg. En d’autres mots, un ingénieur n’aurait jamais embarqué dans un pareil projet.

Pour servir la vérité, je pense que Will Tishinski avait oublié l’époque du PDG Len Bateman (1972-1979), un ingénieur qui avait entrepris les projets Lake Winnipeg Regulation et Churchill River Diversion. Ces décisions avaient entraîné la mise sur pied de la Commission Thrischler. En 1979, l’enquête concluait qu’Hydro Manitoba avait développé son réseau beaucoup plus rapidement que la demande ne l’exigeait. Et en plus à une période où les coûts de construction étaient élevés.

Au moins, en 1976, Hydro Manitoba avait repoussé la construction du barrage Limestone jusqu‘en 1985. À un autre temps, certaines analyses avaient établi qu’avec des mesures adéquates de conservation d’énergie, Keeyask aurait pu être retardé jusqu’en 2034.

Le Grand Plan d’expansion d’Hydro

Depuis toujours, le Grand Plan d’Hydro Manitoba est de développer toute la capacité électrique du Nord de la province, évalué à plus de 4 000 MW. Le défi est de trouver des marchés. Depuis toujours, la société s’appuie sur la croissance économique et l’exportation d’électricité pour agrandir son réseau. Malheureusement, ces deux moteurs de sa stratégie tournent au ralenti depuis au moins une quinzaine d’années. 

Conclusion inévitable : il faut réviser le Grand Plan et bien réfléchir sur la façon d’aller de l’avant. En gardant à l’esprit les défis qui montent à l’horizon, comme la crise climatique, les sècheresses, les feux de forêts.

Voici donc quelques recommandations pour le nouveau PDG

Cher monsieur Allan Danroth

Tu arrives à la tête d’une entreprise plombée par une énorme dette, un réseau d’infrastructures vieillissantes, des ventes à l’exportation aléatoires, et l’ombre de la sècheresse qui plane toujours. 

Alors surtout prends ton temps, essaie de comprendre la situation énergétique manitobaine et tente de trouver des sources d’énergies alternatives qui pourraient réduire la consommation d’énergies fossiles. Modernise le réseau avec de nouvelles technologies.

Oublie, pour le moment, le mirage d’une forte croissance économique et le doublement du réseau évoqué par ta prédécesseure début 2024. 

Étudie surtout de près la relation entre l’économie et la demande en électricité. Les anciens PDG ne se sont pas assez penchés sur le sujet. 

Entoure-toi de gens compétents à l’interne comme à l’externe, avec lesquels tu peux travailler en confiance. Parce que ce n’est pas facile d’arriver de l’extérieur et d’avoir à gérer plus de 5 000 employés.

Et par-dessus tout rappelle-toi que ton rôle n’est plus de développer davantage le réseau (l’obsession de tes prédécesseur, ingénieurs ou non), mais plutôt de contribuer à décarboner l’économie.