Par Raymond Hébert.
Constitutionnalisé au 19e siècle, le Collège électoral est une institution regroupant 538 Grands électeurs, élus parmi les 50 états plus le District de Columbia (la capitale Washington). Il n’a qu’une seule fonction : confirmer les gagnants aux élections à la présidence et la vice-présidence dans chaque état, et ainsi pour l’ensemble des États-Unis, lors de réunions tenues dans chaque état à la mi-décembre.
Le décompte des votes le soir des élections (qui s’ajoute au vote par anticipation et au vote d’Américains à l’étranger, plus d’1 million, et de militaires) donne un parti et un candidat gagnant, cette année soit Kamala Harris ou Donald Trump, et leurs vice-présidences.
Autre fait important : ce sont les états qui contrôlent les règles et l’appareil électoral. Ainsi les règles varient d’un état à l’autre, mais la grande majorité accorde au parti gagnant tous les Grands électeurs de leur état (« winner take all »), même si la marge de la victoire est très mince.
Effectivement, donc, le soir des élections, lorsque les résultats arrivent et passent à l’écran, nous sommes témoins de 50 élections dans 50 états différents, chacun possédant un certain nombre de Grands électeurs (1). Sur les 538 Grands électeurs, le gagnant doit en obtenir au moins 270. Alors, devant notre écran le 5 novembre, nous allons constater avec trépidation (même si nous ne sommes pas Américains!), les nombres de Grands électeurs évoluer à mesure que les résultats se font connaître, jusqu’à ce que le chiffre de 270 soit atteint et qu’une victoire soit déclarée (ou non, si le vote est très serré).
Vous me demanderez sans doute, « Mais qu’en est-il du vote populaire? Sûrement ça compte? » Au fait, il ne compte que dans chaque état, mais pas sur le plan national. C’est pourquoi un nombre grandissant d’Américains contestent ce système, qui donne parfois des résultats qui ne sont pas du tout conformes à la volonté populaire.
Il est arrivé deux fois, de mémoire récente, que la candidature perdante avait obtenu plus de votes que le gagnant au Collège Électoral. Ce fut le cas d’Al Gore en l’an 2000 et, plus récemment, d’Hillary Clinton, qui avait battu Donald Trump par près de trois millions de votes en 2016!
Ce système complexe donne une allure très particulière au processus électoral. Nous savons d’avance que les jeux sont joués dans la grande majorité des états, certains états (Texas, Louisiane) étant acquis pour les Républicains (« rouges ») et d’autres (New York, Californie) pour les Démocrates (« bleus »). Ainsi, ce sont une poignée d’états qui déterminent le résultat final. Cette année, ces états sont la Pennsylvanie, le Michigan, le Wisconsin, la Géorgie, la Caroline du Nord, le Nevada et l’Arizona.
Ces distorsions du vote populaire américain dans son ensemble illustrent bien la nature aberrante de cette institution désuète, dans une constitution qui est bien loin d’être un modèle pour les autres démocraties du monde.
(1) Pour voir les nombres exacts de Grands électeurs pour chaque état.