Par Raymond Hébert
Qui aurait cru, en effet, que les États-Unis seraient si près d’élire (une deuxième fois!) un criminel condamné, qualifié de fasciste par certains de ses plus proches collaborateurs, instable mentalement selon bien des psychiatres et des psychologues, et dont le discours quotidien mènerait à son expulsion d’une classe de troisième année à la DSFM!
Pourtant, selon tous les sondages crédibles, Donald Trump a de bonnes chances de l’emporter le 5 novembre. Mais la grande question demeure : pourquoi?
On pourrait énumérer maintes raisons, toutes aussi valables les unes que les autres, et toutes analysées à fond ces derniers mois : les mensonges innombrables et répétés de Donald Trump et de son entourage, l’impact des médias sociaux, l’ingérence de puissances étrangères (Russie, Chine, Iran) dans les élections, etc. J’en ajouterais une autre, qui n’a pas été suffisamment explorée, à mon avis : la misogynie d’un grand nombre de mâles américains qui fait que jamais ils ne voteraient pour une femme, encore moins une femme forte comme Kamala Harris. Ils se chiffrent par millions, j’en suis sûr, mais nous n’en connaîtrons jamais le nombre exact, puisque personne, dans un sondage, admettrait être misogyne!
Il existe présentement des tendances profondes dans la société américaine qui rendent ce peuple, pourtant si avancé sur bien des plans, tout aussi vulnérable que d’autres qui, depuis un siècle, ont sombré dans diverses formes de dictature. Deux en particulier s’imposent.
D’abord, c’est aux États-Unis que l’on trouve les plus grandes inégalités dans la répartition de la richesse parmi à peu près toutes les démocraties contemporaines, notamment celles du G7 (1)
Aux États-Unis, 50 % de la population ne possède actuellement que 1 % de la richesse totale du pays, alors que l’autre moitié en possède 99 % (2)! Et un grand nombre de gens dans le premier groupe sont endettés. Quelle source de désespoir permanent! Pas étonnant donc que pour ces gens, les mots « On n’a rien à perdre » résonnent si fort! Et on le voit dans leurs cris déchaînés dans les ralliements de Donald Trump…
On aurait pu espérer qu’un bon système scolaire pourrait réduire au moins par- tiellement ce fossé entre riches et pauvres. Or, il n’en est rien. Comme tout le reste aux États-Unis, la qualité des écoles est une fonction de la richesse du quartier où l’on demeure. Les riches ont les meilleures écoles, mêmes publiques, et les pauvres… Cela se manifeste de maintes façons dans le comportement de tous les jours, notamment par un manque d’esprit critique. Les scientifiques ont établi, par exemple, une corrélation entre un bas taux de vaccination et donc un taux plus élevé de mortalité dans les états et les comtés américains qui ont voté républicain (3). Littéralement, voter républicain peut être mauvais pour la santé…et pour la démocratie américaine.
Ajoutez à tout cela la vénalité de quelques milliardaires, qui ont acheminé des centaines de millions de dollars ces dernières semaines vers Donald Trump, et vous comprendrez pourquoi on peut se permettre d’être pessimiste quant au résultat…
(1) Worldpopulationreview.com. Chiffre pour 2024, et la tendance vers une plus grande inégalité s’accentue d’année en année.
(2) Smil, Vaclav, Size: How it Explains the World, 2023, p. 210.
(3) Voir par exemple : https://www. sciencedirect.com/science/article/pii/S2590229623000199