Isaac Kabuha est arrivé au Manitoba en 2015 comme résident permanent. Après avoir fui la guerre en République démocratique du Congo et avoir été réfugié en Ouganda, il souhaite apporter son aide aux nouveaux arrivants du Canada, qu’importe leur statut d’immigration. 

Attention, cet article contient des propos qui pourraient heurter la sensibilité des personnes. 

Originaire de l’est de la République démocratique du Congo, Isaac Kabuha et sa famille proche ont décidé de fuir l’instabilité du pays. Il y a eu un passage obligatoire par l’Ouganda. « L’insécurité, la guerre, tout ceci aforcé ma famille à prendre la décision de partir du pays. Nous étions réfugiés en Ouganda pour une période de quatre ans. Après cette période, le gouvernement du Canada nous a acceptés comme résidents permanents. »

Pendant leur période en Ouganda, la vie n’était vraiment pas évidente pour différentes raisons. « Quand il y a la guerre, nous devons tout laisser derrière nous. C’était difficile de devoir quitter des membres de notre famille, nos amis, notre travail et nos habitudes pour un pays où on ne parle pas la langue. C’était vraiment difficile. 

« Surtout que nous ne pouvions pas forcément travailler comme réfugiés. Le climat en Ouganda faisait qu’il y avait cette croyance comme quoi les réfugiés venaient prendre le travail des locaux. Il y a beaucoup de préjugés à l’égard des réfugiés dont nous faisions partie. »

Après une longue bataille avec l’administration, Isaac Kabuha et le reste de sa famille, plient bagages pour s’installer au Manitoba. « Nous sommes reconnaissants que le Canada nous ait donné la chance de s’installer dans un pays sécuritaire. Le Canada est vraiment notre deuxième maison. 

« Lors du processus, nous avons sélectionné le Manitoba et la Province nous a acceptés. Et depuis, je n’ai aucun regret. Pouvoir apprendre l’anglais tout en pouvant s’appuyer sur des services en français, c’était une grande occasion. »

Bienvenue au Manitoba

C’était donc un nouveau départ pour Isaac Kabuha, il a dû passer un an dans une école pour adultes afin de valider certains crédits pour reprendre les études à l’Université de Winnipeg. « Je ne parlais pas anglais alors il me fallait prendre des crédits. En mathématiques aussi. Puis, je me suis inscrit à l’Université de Winnipeg pour compléter une double spécialisation en baccalauréat justice criminelle et développement international avec une mineure en résolution de conflit. 

« Je dois dire que la guerre dans mon pays m’a motivé à suivre ces cours pour faire une différence. »

Grâce à la résidence permanente, Isaac Kabuha a pu emprunter de l’argent auprès d’une institution financière pour aller à l’université. « Je n’aurais pas pu reprendre d’études autrement. »

En 2015, quelques temps après son arrivée, Isaac Kabuha est confronté à la réalité d’un nouveau pays. « Au milieu de l’été, un homme en voiture s’arrête à mon niveau et m’interpelle en me hurlant : retourne dans ton pays, sale singe. Une autre personne était présente et s’est tout de suite interposée en lui demandant ce qui n’allait pas chez lui.

« Une autre fois, je quittais l’épicerie et une personne m’a demandé : comment tu t’adaptes à la vie en ville vu qu’en Afrique, vous vivez dans la jungle. Ce sont bien sûr des incidents isolés…J’ai rencontré plus de belles personnes que de personnes qui semblaient avoir un manque d’éducation. »

Néanmoins, dans son nouveau pays, Isaac Kabuha voit aussi de réels progrès pour lui. « Au Congo, les institutions ne pouvaient jamais être questionnées. En arrivant au Canada, ça m’a pris du temps de comprendre que les différents paliers de gouvernements étaient là pour m’aider. Même la police. Nous avons organisé une manifestation pour dénoncer ce qui se passait au Congo et la police nous a encadrés. C’était vraiment un changement pour moi. »

Le déclic

En parlant de bonnes personnes, Isaac Kabuha, ne peut passer sous silence l’organisme Centre Flavie. « Les premiers vêtements que j’ai portés venaient du centre. Je suis allé récupérer tout ce dont j’avais besoin. J’étais tellement reconnaissant qu’un jour je me suis dit que je voudrais faire quelque chose de similaire pour venir en aide aux gens. »

Après la fin de son diplôme, la pandémie de COVID-19 paralyse les recherches de travail d’Isaac Kabuha. Mais bien décidé à ne pas rester sans rien faire, il fonde son propre organisme à but non lucratif, Together For A Strong World (1). « Nous soutenons les réfugiés, les familles à faible revenus et toute personne qui pense avoir besoin de nos services. 

« Mon envie était de venir en aide aux personnes au Manitoba. Mais aussi à l’est du Congo aussi notamment à Walungu. Au Manitoba, notre travail est multidimensionnel. Il est question d’employabilité des nouveaux arrivants, de fournir des vêtements, des objets qui peuvent coûter une certaine somme. En République démocratique du Congo, nous concentrons nos efforts sur les femmes, pour les aider à développer des compétences autres que l’agriculture. »

Du développement à venir

Avec un seul employé, Together For A Strong World peut compter sur l’appui de plusieurs partenaires comme le Manitoba Council for International Cooperation, Développement et Paix – Caritas, le Manitoba Association of Newcomer Serving Organizations, le Réseau national de navigation pour nos nouveaux arrivants, Invision Edge et Donate A Car. Isaac Kabuha émet cependant un regret. « Nous sommes un organisme bilingue. Il y a beaucoup de clients francophones au centre-ville parce que parfois le logement est moins cher au centre-ville. J’aimerais vraiment tisser davantage de liens avec des organismes francophones pour soutenir ces nouveaux arrivants qui peuvent avoir du mal à naviguer dans le système. 

« Je connais la réalité d’arriver dans un nouveau pays alors s’il est possible de les aider pour trouver un emploi, pour voir quelqu’un juste pour parler, je veux pouvoir leur venir en aide. Si je ne suis pas capable d’aider, je renvoie les personnes vers Pluri-elles, l’Accueil francophone et d’autres organismes. »

L’organisme étant à ses débuts, Isaac Kabuha explore des pistes d’amélioration. « Pour l’instant, il n’y a que moi qui suis employé. Des personnes m’aident de manière bénévole. Par exemple, je livre les personnes avec mon véhicule personnel. J’espère un moment pouvoir livrer avec une camionnette ou avoir du personnel pour m’aider dans ce travail. »

(1) Together For A Strong Word se situe au 402 Notre Dame Avenue. L’organisme est financé par des subventions provinciales, fédérales et des dons.

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